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CSPS de Mafoulou/Bam : Les agents de santé se reposent les dimanches

 

Le Centre de Santé et de promotion sociale (CSPS) de Mafoulou dans le département de Sabcé, province du Bam, région du Centre-nord fait aujourd’hui l’objet de critiques de la part des usagers. Les prestations des agents de santé sont décriées. Certaines personnes ont même affirmé qu’elles ne sont pas prêtes à y conduire leur malade pour des soins. Mais au CSPS, le manque de personnel et le manque de produits paralysent les activités, nous assure, pour sa part, le major Augustin Somtoré. Une équipe de www.minute.bf a rencontré les deux parties pour plus d’informations.

A Mafoulou dans le département de Sabcé, les agents de santé, selon les témoignages recueillis par l’équipe de www.minute.bf, ne travaillent pas les dimanches. Les malades doivent patienter et attendre les jours ouvrables pour se faire ausculter, à en croire certains témoignages. Les dimanches, c’est le repos. Pour avoir des soins, il faut faire des « affaires », nous glisse un jeune d’un village voisin qui dit avoir vécu cette expérience amère. « Par exemple le dimanche passé (11 avril 2021, ndlr), je suis allé avec mon enfant pour des soins, mais les agents de santé nous ont dit qu’ils se reposent les dimanches. Pour avoir des soins, nous étions obligés de ‘’faire des affaires’’. Les produits de la gratuité sont donc vendus. J’ai déboursé la somme de 2 100FCFA pour avoir un produit pour mon enfant de moins d’un an », confie-t-il.

Le père de l’enfant de moins d’un an (puisqu’il n’aura qu’un an en août prochain) dit avoir été obligé de négocier avec le gérant du dépôt pharmaceutique pour qu’il puisse intercéder auprès des agents de santé afin que son fils soit pris en charge. Les agents ont accepté de prendre soin de l’enfant mais les médicaments étaient facturés. Deux jours après cet épisode, l’enfant a été conduit au centre de santé de Basnéré, une localité située à une quinzaine de kilomètres de Mafoulou pour des soins. Selon les témoignages reçus de son père, l’enfant a été gratuitement soigné, et des produits leurs ont été offerts pour poursuivre les soins à la maison.

Il faut dire qu’en ce qui concernant le CSPS de Mafoulou, les témoignages sont légion et les populations restent désespérées face aux comportements des agents de santé qu’elles jugent contraire au serment d’Hippocrate. « J’ai déjà transporté une femme enceinte à Mafoulou la nuit pour son accouchement. Les agents ont refusé de nous recevoir sous prétexte qu’il fait nuit. Nous étions obligés de repartir à Basnéré le même soir pour que la femme puisse accoucher », soupire Raogo (nom d’emprunt), habitant d’une autre localité située dans le cercle de Mafoulou.

 

Augustin Somtoré, nouveau major du CSPS de Mafoulou…

 

Un autre accompagnant de malade complétement sous le choc affirme qu’il a également été confronté à un problème au CSPS. En effet, selon ses explications, il s’y est rendu un jour avec un malade mais il était obligé d’attendre les agents de santé qui « buvaient leur bière » dans une buvette de la place. « Ils m’ont dit d’attendre car eux ils boivent d’abord. Je ne savais pas quoi leur répondre. J’étais dépassé. Le malade se tordait de douleur mais je ne pouvais rien faire d’autre que les observer boire », martèle-t-il, la gorge nouée, avec un air déconcerté. Il appelle à une prise de mesures diligentes contre ces agents qui « ne se soucient pas des malades ».

« Tu pars avec une femme en travail au CSPS de Mafoulou, mais il se trouve que les agents ne travaillent pas. Tu te vois obligé de repartir à Basnéré, dans un autre centre de santé. Mais pour faire les papiers de naissance de ton enfant, tu dois encore revenir prendre un justificatif à Mafoulou et payer 3500 FCFA pour avoir cette autorisation de régler les papiers de naissance des enfants. Comment pouvons-nous vivre dans ces conditions ? », déplore un autre résidant.

Cette situation, selon nos informations, était vécue par les populations depuis plusieurs années, avec l’ancien major. Un nouveau major a donc été dépêché à « venir résoudre le problème », parce que l’ancien major était décrété persona non grata à Mafoulou. Au conseil municipal de Sabcé, le sujet avait même été évoqué. Et c’est 48 heures après que l’ancien major a été remplacé par Augustin Somtoré, un fils de la province du Bam, appelé à venir s’entendre avec « ses parents ». Mais, certains problèmes persistent, selon les témoignages recueillis par www.minute.bf. « Actuellement, on ne sait plus quoi dire. Si tu parles, on dira que le problème vient de nous. Mais celui qui est là est encore pire que l’autre… », déplore un conseiller municipal.

L’insécurité s’invite dans cette situation

 

Le dépôt pharmaceutique du CSPS est presque vide

 

Le samedi 17 avril dernier, notre équipe a rencontré le major Augustin Somtoré et les deux autres agents du CSPS, en plus du gérant du dépôt pharmaceutique. Tout le personnel du CSPS était là ce jour. Il était 9h44 minutes. Les rayons solaires dardaient déjà le CSPS en cette période de forte canicule. Tout le personnel était occupé. Le major avait hospitalisé une malade dans la salle d’hospitalisation. Les autres agents étaient occupés, qui à la maternité, qui au dispensaire. « Je suis très heureux de m’exprimer sur cette question dans un média ». C’est par ces mots que M. Somtoré nous a accueilli. Ce major dit ne plus savoir comment arriver à expliquer la situation vécue par les agents pour mieux se faire comprendre. Il confie que le CSPS de Mafoulou a été fermé pendant 6 mois à cause de l’insécurité. Mais, lui est revenu prester pendant environ trois mois sans ses agents. Ce n’est qu’après cette période de transition qu’il lui a été envoyé une Accoucheuse brevetée (AB). Il confie avoir fait presqu’une année avec l’AB au CSPS avant qu’un autre agent ne leur soit envoyé. « Nous faisions 24h/24 avec les risques d’insécurité. », confie-t-il. Ce n’est qu’après que deux agents ont été affectés au CSPS, pendant que l’AB devrait aussi rejoindre un autre centre de santé. Le CSPS de Mafoulou compte donc actuellement 3 agents de santé.

Concernant le travail à minima effectué les nuits, le major explique que bien que l’insécurité soit à la base, la question du manque de personnel en est aussi la cause. En effet, avec l’insécurité, les agents de santé avaient déserté les CSPS. Les conditions pour la réouverture de ces CSPS étaient de fonctionner à minima les nuits. « Nous sommes entre des collines. Des gens qui viennent la nuit avec plusieurs motos, souvent plus de quatre gros engins, comment ne pas avoir peur ? On ne sait pas qui vient. On ne peut pas se réveiller pour risquer nos vies. Allez-y dans certaines localités, vous verrez qu’il n’y a pas de CSPS ouvert encore. De Sabcé a Basnéré, c’est le seul CSPS ouvert. C’est nous qui avions ouvert et nous fonctionnons à minima, surtout avec un manque de personnel », soutient-il.

« Moi je suis en hospitalisation toute la journée. L’AB est à la maternité et l’IDE (infirmier d’Etat) est aux consultations. Est-ce qu’on peut programmer quelqu’un qui est fatigué la nuit ? S’il y a des patients, c’est le major qui va se lever pour travailler. On n’a pas le choix. Nous voulons mieux faire, mais avec ce manque de personnel nous ne pourrons pas gérer », se justifie-t-il. Aussi, comme autre souci, M. Somtoré dit avoir plusieurs fois adressé des lettres de correspondances à sa hiérarchie pour une demande d’appui en personnel. Jusqu’à présent, ces doléances sont restées lettres mortes.

Aussi, sur le repos des agents de santé les dimanches dénoncé par les populations, le major a appelé quiconque le veut, à faire une visite inopinée dans le CSPS pour le constat. Toutes les prestations sont enregistrées dans des registres.

 

Le major et son gérant indiquaient dans ce registre les produits toujours en manque

 

Le manque de produits, un autre problème

Très souvent au CSPS de Mafoulou, les auscultations se font mais il n’y a pas de médicaments pour traiter les patients qui se voient obligés d’aller chercher les produits ailleurs.

Sur la question des produits de gratuité vendus, le major a expliqué que le manque de médicaments conduit souvent son centre de santé à acheter des produits à crédit, pour venir les revendre aux patients pour ensuite rembourser la dette. Cela, dans le but de disponibiliser certains produits pour les malades. « Ces produits, nous ne pouvons pas les donner gratuitement. Si nous le faisons, qui va rembourser notre dette ? », interroge-t-il. L’Etat doit, à cet effet, à la date du 25 mars, plus de 2 millions de FCFA (2 135 172 FCFA) au CSPS pour les produits achetés à crédit. M. Somtoré dénonce donc la lenteur dans la procédure de remboursement. « Notre bailleur, c’est la société minière Bissa Gold qui nous a promis 10 millions de FCFA. Mais jusqu’à présent, rien », déplore le major.

Sur la question du gérant qui est le plus souvent indisponible selon les populations, le major a expliqué que tout gérant du dépôt pharmaceutique qui doit être recruté doit obligatoirement résider au CSPS. Le gérant a le droit de repos, il a le droit de descendre à midi pour la pause et revenir à 15h, puis redescendre à 17h pour le repos. Pour réunir toutes les conditions nécessaires au bon fonctionnement des activités du gérant, le major dit avoir proposé aux populations de se cotiser des briques pour lui construire un logement. Mais, il lui aurait été fait comprendre que c’est la mairie qui va construire ce logement. Depuis lors, le problème persiste. « Je n’ai pas la solution à cette situation. Je ne peux pas lui dire de ne pas descendre lorsqu’il sera l’heure pour lui », s’est résigné le major qui dit avoir même proposé à la mairie de recruter un deuxième gérant.

Pour rappel, le CSPS de Mafoulou couvre 11 villages plus 4 hameaux de culture. En plus, d’autres localités enclavées pendant la saison pluvieuse se voient obligées de se diriger vers Mafoulou pour des soins. « Il y a des hors zones qui viennent ponctionner le médicament chez nous », fait savoir M. Somtoré. Pourtant, les produits sont le plus souvent commandés en fonction des populations couvertes par le CSPS. « La santé est universelle. On ne peut pas refuser de soigner des gens qui viennent ici. Ils viennent racler les produits pendant que mes populations en ont besoin », regrette le major.

Des CSPS ont été construits à Léfourba et à Ouintini, tous des villages voisins qui étaient couverts par le centre de santé de Mafoulou. Le major Somtoré souhaite donc vivement que ces CSPS soient ouverts pour désengorger le centre de santé de Mafoulou qui, faut-il rappeler, est totalement délabré de l’intérieur. Ce CSPS a aussi besoin de réfection, conclut le major.

Armand Kinda

Minute.bf



26/04/2021
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