SAKISIDA

Inventaire des cas manifestes de corruption restés impunis au Burkina Faso (Période 2006-2010)

RÉSEAU NATIONAL DE LUTTE ANTI-CORRUPTION

(RENLAC)

 

INVENTAIRE DES CAS MANIFESTES DE CORRUPTION

RESTÉS IMPUNIS AU BURKINA FASO

 

(PÉRIODE 2006-2010)

 

 

 

TABLEAU DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS

 

ASCE : Autorité supérieure de contrôle d’État

BACB : Banque agricole et commerciale du Burkina

CAP : Commission de l’application des peines

CIL : Commission de l’informatique et des libertés

CIFOEB : Centre d’information, de formation et d’études sur le budget

CGD : Centre pour la gouvernance démocratique

HACLC : Haute autorité de coordination de la lutte contre la corruption

IGSJ : Inspection générale des services judiciaires

MAC : Maison d’arrêt et de correction

ONI : Office national d’identification

OSC : Organisation de la société civile

REN-LAC : Réseau national de lutte anti-corruption

SBM : Syndicat burkinabé des magistrats

SNAT : Schéma national d’aménagement du territoire

SONABHY : Société nationale burkinabé d’hydrocarbures

TGI : Tribunal de grande instance

 

Inventaire des cas manifestes de corruption restés impunis
au Burkina Faso

 

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Inventaire des cas manifestes de corruption restés impunis au Burkina Faso

 

AVANT-PROPOS

 

«Que deviennent ces dossiers manifestes de corruption ? »
Tel est le titre d’un article publié par l’hebdomadaire burkinabé l’Indépendant
dans sa livraison n° 950 du 6

décembre 2011. Dans ledit article, le journal publiait un «
inventaire des cas de corruption dénoncés et restés impunis au Burkina Faso ».
Cet inventaire, commandité en 2009 par le Réseau national de lutte
anti-corruption, couvre la période 2006-2009 et a fait l’objet d’un mémorandum
adressé au président du Faso.

Entre 2009 et novembre 2010, les structures de contrôle et la presse ont dénoncé d’autres cas de corruption ; ce qui a nécessité en décembre
2010, la mise à jour de l’inventaire. Cet inventaire revu a également fait
l’objet d’un mémorandum adressé au président du Faso.

Certains dossiers ont peut-être connu une évolution entre la
fin de l’étude et la date de publication du présent document, mais la majorité
reste en l’état.

Le présent document est le résultat des deux études : celle
de 2009 et celle de 2010.

Il fait une analyse du phénomène, dégage les secteurs les
plus touchés et relève les causes de l’impunité que sont la politisation de
l’administration, l’insuffisance ou l’inefficacité des textes en vigueur et
l’absence d’indépendance de la justice. Il finit par des recommandations qui
vont dans le sens du renforcement du dispositif institutionnel, de la
préservation et du renforcement de l’Etat de droit.

Il suffit de le parcourir pour se rendre à l’évidence : la
corruption a la peau dure au Pays des Hommes intègres ; elle est même devenue
endémique, comme en témoigne l’indice de perception du phénomène publié par
Transparency international au cours des trois dernières années. L’impunité
totale ou partielle dont jouissent les auteurs des diverses malversations en
est la principale cause.

Il y a donc lieu, pour infléchir le phénomène, d’engager une
action concertée au niveau des Organisations de la société en vue de constituer
une force de pression vis-à -vis des pouvoirs publics. Il faut que l’Autorité
supérieure de contrôle d’Etat aille plus que les structures qui l’ont devancée
et qui ne bénéficiaient pas d’autant de liberté de manœuvre qu’elle. Il faut
aussi et surtout que les plus hautes autorités du pays donnent enfin la preuve
de leur réelle volonté de lutter contre la corruption, si elles ne veulent pas
être condamnées au jugement de l’Histoire.

Vivement donc que les cas manifestes de corruption
inventoriés dans le présent document ne restent pas à jamais impunis.

 

Inventaire des cas manifestes de corruption restés impunis
au Burkina Faso

 

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Inventaire des cas manifestes de corruption restés impunis
au Burkina Faso

INTRODUCTION

 

Le présent document a été réalisé dans un contexte marqué
par un regain d’intérêt pour le phénomène de la corruption au Burkina Faso. En
effet, Transparency International a publié, le 26 octobre 2010, son Indice de
Perception de la Corruption (IPC) 2010, évaluant 178 pays en fonction de la
perception du niveau de corruption affectant leur administration publique et
leur classe politique. Le Burkina Faso se classe au 98ème rang avec une note de
3,1 ; ce qui constitue un recul par rapport aux deux dernières années. Cela
signifie que, si on fait abstraction d’une certaine fermeté de ton dans les
discours, les autorités n’ont pas une réelle volonté de combattre le phénomène.

 

Cette situation conforte le Réseau national de lutte
anti-corruption (REN-LAC); en effet, créé en 1997 par une vingtaine
d’organisations de la société civile burkinabé, ce réseau qui s’investit avec
détermination dans la lutte contre la corruption en vue de garantir la bonne
moralité et la transparence dans la gestion de la chose publique, a constamment
déploré l’absence de volonté politique de lutter contre la corruption.

 

A côté de celles de dénonciation, de sensibilisation et
d’interpellation, le REN-LAC mène des actions de plaidoyer et de lobbying
auprès des autorités compétentes pour les amener à prendre des mesures et des
actes concrets de lutte contre le phénomène de la corruption.

 

L’efficacité des actions de plaidoyer et de lobbying
nécessite que le Réseau s’appuie sur des connaissances pertinentes et fiables.
C’est pourquoi une première étude a été réalisée en 2009 et prenait en compte
un ensemble de dossiers de corruption dénoncés et restés impunis sur la période
2006-2009.

 

Entre l’étude de 2009 et novembre 2010, d’autres actes de corruption
ont été dénoncés par la presse ou relevés par des structures de contrôle. C’est
dans le souci de mettre à jour l’inventaire déjà réalisé aux fins de procéder à
des saisines judiciaires ou administratives que la présente étude a été
commanditée. Elle vise donc à faire un « inventaire actualisé de cas manifestes
de corruption dénoncés et restés impunis au Burkina Faso ».

 

Il importe alors de préciser les notions de corruption et
d’impunité qui constituent les termes clés du thème soumis à étude.

 

Dans le cadre de l’élaboration du présent document, seront
donc retenues, les définitions dégagées par un certain nombre de structures
évoluant dans le domaine de la lutte contre la corruption.

Selon Transparency International, «la corruption consiste en
l’abus d’un pouvoir reçu en délégation à des fins privées».

 

Inventaire des cas manifestes de corruption restés impunis
au Burkina Faso

 

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Cette définition permet d’isoler trois éléments constitutifs
de la corruption :

• l’abus de pouvoir ;

• à des fins privées ; cela signifie que l’abus de pouvoir
ne profite pas nécessairement à la personne qui abuse du pouvoir qui lui est
donné, mais inclut aussi bien les membres de sa famille, ou ses camarades ou
ses amis ;

• un pouvoir que l’on a reçu en délégation, donc, qui peut
émaner aussi bien du secteur public que du secteur privé.

L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe définit la
corruption comme étant « l’utilisation et l’abus du pouvoir public à des fins
privées ».

 

Pour la Commission des communautés européennes, « la
corruption est liée à tout abus de pouvoir ou toute irrégularité commis dans un
processus de décision en échange d’une incitation ou d’un avantage indu ».

 

La Banque mondiale, pour sa part, définit la corruption
comme étant le fait d’«utiliser sa position de responsable d’un service public
à son bénéfice personnel».

 

L’Institut international de planification de l’éducation de
l’UNESCO, après une étude du fléau, assimile la corruption à « une utilisation
systématique d’une charge publique pour un avantage privé, qui a un impact
significatif sur la disponibilité et la qualité des biens et services éducatifs
et, en conséquence, sur l’accès, la qualité ou l’équité de l’éducation».

 

Le Code pénal burkinabé, en son article 156, définit la
corruption comme étant le fait pour tout « fonctionnaire de l’ordre
administratif ou judiciaire, tout militaire ou assimilé, tout agent ou préposé
de l’administration, toute personne investie d’un mandat électif qui agrée des
offres ou promesses, qui reçoit des dons ou des présents, pour faire un acte de
ses fonctions ou de son emploi, même juste, non sujet à salaire… ou s’abstient
de faire un acte qui entre dans l’ordre de ses devoirs ».

 

Cette définition du Code pénal paraît trop restrictive pour
correspondre à l’objectif de transparence visé dans la gestion de la cité, tant
aux plans économique, politique que social. C’est pourquoi le REN-LAC
privilégie dans ses actions l’une des esquisses de définition, notamment celle
des Nations Unies, qui envisage le terme «corruption» dans son sens générique à
savoir « Toutes les formes de déviance consistant à abuser de l’autorité
publique à des fins essentiellement privées » ou, plus globalement «le fait
d’abuser de prérogatives officielles pour en tirer un gain personnel».

 

Cette définition englobe, non seulement la corruption au
sens où l’entend le Code

 

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Inventaire des cas manifestes de corruption restés impunis
au Burkina Faso

pénal burkinabé, mais aussi toutes les infractions voisines
qui, commises dans divers domaines de la vie publique, ont pour résultat de
porter atteinte aux intérêts de la collectivité entière ou des particuliers.

 

A partir de cette dernière définition, sont considérés comme
actes corruptifs :

 

• le délit de corruption proprement dit au sens de l’article
156 du Code pénal suscité;

• la concussion : elle est le fait pour un agent public ou
toute personne commise à la perception de deniers publics d’ordonner ou
d’exiger un paiement qui n’est pas dû ou de plus que ce qui est dû sous forme
de taxes, contributions, deniers, revenus ou salaires (article 155 du code
pénal) ;

• le trafic d’influence : il est réalisé par le fait de
toute personne qui sollicite ou agrée des offres ou des promesses, sollicite ou
reçoit des dons ou présents en vue de faire obtenir ou tenter de faire obtenir
un avantage à quelqu’un (article

157 du code pénal) ;

• le détournement de biens publics : c’est le fait pour
toute personne détenant ou gérant un bien public ou confié à une autorité
publique de le dissiper à des fins personnelles (article 154 du Code pénal) ;

• l’enrichissement illicite : toute personne qui s’enrichit
en se servant de denier,

matériel, titre, acte, objet, effet, etc. appartenant à
l’Etat , commet l’infraction de délit ou de crime (article 160 du Code pénal) ;

• la fraude sous toutes ses formes (électorale, fiscale,
douanière, à l’occasion des examens et concours, etc.).

Le point commun de toutes ces malversations ou infractions,
c’est qu’elles constituent des atteintes à la paix publique et, par conséquent,
des atteintes aux droits humains, des obstacles à la transparence et au
développement.

 

Les actes de corruption à relever sont indistinctement des
actes de petite corruption, de grande corruption et de corruption silencieuse :

 

• la petite corruption : elle renvoie à toutes les pratiques
utilisées par des agents publics et/ou privés pour soutirer de petites sommes
d’argent ou d’autres avantages indus auprès des usagers ou vice versa. C’est,
entre autres, les cas de rackets, les actes de concussion, les commissions des
« rabatteurs », etc.

Inventaire des cas manifestes de corruption restés impunis
au Burkina Faso

 

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• la grande corruption : elle désigne toutes les pratiques
conçues dans les milieux politico-administratifs et économiques, consistant à
abuser de l’autorité publique à des fins privées et /ou individuelles. Elle met
en jeu de grosses sommes d’argent ou d’importants moyens en nature ;

• ••la corruption discrète ou silencieuse. La Banque
mondiale a introduit en 2009 le concept de « corruption discrète » pour décrire
plusieurs types de fautes professionnelles observées par les prestataires de
première ligne (enseignants, inspecteurs, professionnels de santé, autres
représentants de l’Etat se trouvant aux avant-postes de la fourniture de
services) qui ne donnent pas nécessairement lieu à des échanges monétaires1.
Ces agissements incluent aussi bien des écarts de comportement potentiellement
observables, comme l’absentéisme, que des comportements moins visibles, tels
qu’une assiduité inférieure au niveau escompté ou le contournement délibéré de
règlements à des fins personnelles. La corruption discrète est omniprésente et
a des conséquences préjudiciables et durables, notamment sur les pauvres qui
sont les plus vulnérables aux chocs défavorables. L’expression désigne aussi :

-le vol ou le détournement de médicaments dans les
dispensaires ou centres de soins publics ou auprès des malades pour les
revendre sur le marché privé ou auprès d’autres malades ou ceux de matériel
scolaire (livres, autres fournitures) à des fins privées ;

 

- le détournement de malades vers des cliniques privées.

 

La notion d’impunité renvoie à l’idée de ne subir aucune
sanction ou de n’en risquer aucune pour un acte, un fait ou un comportement
pour lesquels on aurait dû normalement être l’objet d’une sanction pénale,
administrative ou disciplinaire.

 

De ce fait, les cas de corruption dénoncés et restés impunis
seraient les situations où des actes manifestes de malversation n’ont connu
aucune suite en termes de punition de leurs auteurs ni au plan pénal, ni au
plan administratif, ni au plan disciplinaire, en dépit de l’existence de textes
et mécanismes juridiques de sanction.

 

L’impunité peut être totale ou partielle. Elle est totale
lorsqu’aucune mesure de sanction n’est prise en présence de faits avérés de
corruption. Elle est partielle en cas de sanction manifestement clémente ou de
procédures de sanction sciemment bâclées en raison de pressions ou
d’interférences.

 

L’élaboration du présent document a nécessité une recherche
documentaire et des entretiens.

 

Pour la recherche documentaire, il a fallu en premier lieu
prendre connaissance

 

1 Banque internationale pour la reconstruction et le
développement/Banque mondiale, 2010.

 

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Inventaire des cas manifestes de corruption restés impunis
au Burkina Faso

 

du rapport de l’étude du REN-LAC portant sur l’inventaire
des cas de corruption dénoncés et restés impunis de 2009. Cet examen a permis
de prendre la mesure de l’actualisation à réaliser. En deuxième lieu, il a été
nécessaire de procéder à une revue de presse dans l’optique de relever les cas
de corruption ou malversation dénoncés par les journaux depuis l’étude de 2009
ou encore ceux qui, bien que dénoncés avant, n’avaient pas été pris en compte
pour une raison ou une autre. Enfin, un examen de rapports de quelques
structures de contrôle et organisations de lutte contre la corruption,
notamment de l’ASCE et de l’Inspection générale des services judiciaires

(IGSJ), a complété cette revue documentaire.

 

Les entretiens ont consisté à rencontrer :

 

1. des agents des structures de contrôle pour des précisons
sur leurs rapports ;

2. des autorités administratives dont les agents ou les
services ont fait l’objet de dénonciation pour fait de corruption ;

3. certaines autorités judiciaires telles que les juges
d’instruction.

Le sujet abordé est très délicat dans la mesure où il touche
non seulement à un domaine sensible, mais aussi et surtout parce qu’il
nécessite une approche empreinte de diplomatie auprès de certaines autorités ou
structures. À cela s’ajoute le fait que le caractère endémique de la corruption
au Burkina Faso donne lieu à une littérature abondante en matière de
dénonciation des faits de malversation au sein de l’administration publique.
Une telle situation peut rendre aisée et riche la collecte des données y
relatives. Cependant, le contenu souvent peu étayé de certains articles rend
leur exploitation difficile, ce qui constitue l’une des faiblesses de l’étude.
Mais la plus grande difficulté de celle-ci et, partant, sa principale faiblesse
demeure l’inaccessibilité de l’information au niveau des structures
administratives qui, dans leur grande majorité, refusent de communiquer ou
communiquent peu par rapport aux cas qui les concernent.

 

Inventaire des cas manifestes de corruption restés impunis
au Burkina Faso

 

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Inventaire des cas manifestes de corruption restés impunis
au Burkina Faso

PREMIÈRE PARTIE

 

 

LES CAS DE CORRUPTION DÉNONCÉS DE 2006 À 2010

 

 

Inventaire des cas manifestes de corruption restés impunis
au Burkina Faso

 

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Inventaire des cas manifestes de corruption restés impunis
au Burkina Faso

Entre 2006 et 2010, des institutions publiques ou privées
ont, dans leurs rapports périodiques, mis en lumière des cas de corruption avec
suffisamment d’éléments de preuve. Il en est ainsi de la Cour des comptes; de
la Haute autorité de coordination de la lutte contre la corruption (HACLC) et
de l’Inspection générale d’Etat (IGE) relayées aujourd’hui par l’Autorité
supérieure de contrôle d’Etat(ASCE), du Comité national d’éthique, etc. pour ce
qui concerne les structures publiques. Au titre des structures privées on peut citer
principalement le REN-LAC, le CGD et le

CIFOEB.

 

A côté de ces structures, la presse nationale a aussi mis en
exergue certains faits de corruption ou donné des pistes sur des situations
susceptibles de tomber sous cette qualification.

 

Si certains de ces cas ont connu une suite d’une manière ou
d’une autre, de nombreux autres sont restés dans une impunité totale ou
partielle. Cette oeuvre de dénonciation s’est poursuivie après le bouclage de
l’étude de 2009, ce qui permet d’actualiser l’inventaire des cas manifestes de
corruption dénoncés mais restés impunis.

 

Dans un premier temps, la liste de tous les cas de corruption
et de malversations dénoncés depuis a été dressée ; dans un second temps, le
document s’attarde sur certains dossiers dans l’optique d’en faire l’état et
les suites qui leur ont été réservées.

 

I. LE RÉPERTOIRE DES CAS DÉNONCÉS

Ce répertoire comprend deux parties : la liste de toutes les
situations relatives à des actes de corruption, de malversations portant sur
les deniers publics inventoriés dans le rapport de l’étude de 2009 et les
nouvelles situations dénoncées.

 

Inventaire des cas manifestes de corruption restés impunis
au Burkina Faso

 

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1- Les cas retenus dans le rapport de l’étude de 2009

L’étude de 2009 a concerné les cas manifestes de corruption
dénoncés entre 2006 et 2009 et restés impunis. Sur cette période, de nombreux
cas de corruption ou des situations susceptibles de tomber sous cette
qualification ont été mis en exergue. Ces cas concernent plusieurs secteurs de
l’administration publique burkinabé. Sans être exhaustifs, les dossiers
suivants peuvent être retenus par département ministériel:

 

• Ministère de l’Économie et des Finances

-Corruption et fraudes douanières : le REN-LAC interpelle le
ministère des

Finances et du Budget ;

-Affaire du directeur général de la Douane : la prime à la
délinquance en col blanc.

-Affaire Issaka Korogo : le ministre des Finances doit
démissionner ;

-Douane de Bittou : des douaniers et des commerçants véreux
se sucrent au détriment du Trésor public ;

-Douane de Cinkassé : arrêt sur image d’une corruption bien
ancrée ;

-Brigade mobile de la douane : des véhicules frauduleusement
dédouanés saisis ;

-Une nouvelle sombre affaire de timbres fiscaux ;

-Guerre « sainte » contre les voleurs du trésor public ;

-Véhicules de l’Etat : haro sur les abus …

 

 

• Ministère de l’Administration territoriale et de la
Décentralisation

-Département de Yako : le préfet dans de sales affaires ;

-Commissariat de Saaba : le Racket à ciel ouvert ;

-Affaire de Lotissement à Nagrin : « Si les autorités ne
font rien, on va se rentrer dedans.»

 

• Ministère de la Santé

-Corruption dans la santé: un escroc en service à l’hôpital
Yalgado Ouédraogo ;

-Affaire trafic de médicaments au Ganzourgou : l’inspection
générale de santé est sur le dossier ;

-Affaire du district sanitaire de Djibo : le médecin-chef
accusé de faire main basse sur les primes et ristournes de la CAMEG ;

 

• Ministère de la Justice

-Corruption au Palais de justice de Ouagadougou ;

-Corruption à la justice : la preuve par trois ;

-Corruption dans la justice : en attendant le crépuscule des
juges pourris.

 

 

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Inventaire des cas manifestes de corruption restés impunis
au Burkina Faso

• Ministère de l’Enseignement de Base et de
l’Alphabétisation

- Gestion mafieuse à l’ENEP de Loumbila : la petite
corruption conduira-t-elle à la grande corruption ?

-Vol et vente illicite de manuels scolaires : la ministre
Odile Bonkoungou descend dans la galerie des voleurs ;

 

• Ministère de la Fonction publique et de la Réforme de
l’État

-Malversations sur les indemnités de la Fonction publique.

• Ministère de l’Environnement et du Cadre de Vie

- Direction de l’environnement des Hauts-Bassins: 7 ans de
malversations, plusieurs milliards détournés.

 

• Ministère du Travail et de Sécurité sociale

- Affaire CNSS : où sont passés les milliards de la CNSS ?
Mauvaise gestion de

Idrissa Zampaligré, alors directeur général de la CNSS.

 

• Autres

-SETO Burkina : enrichissement illicite et abus de biens
publics ;

-L’affaire du receveur de la poste, relevé suite à une
escroquerie ;

-Affaire Télécel Faso : la dernière esbroufe de Apollinaire
Compaoré ;

-Achat des actions Atlantique Télécom : le refus intelligent
de Medicapital Bank PLC.

2- Les nouveaux cas dénoncés à prendre en compte pour
l’actualisation

Ces affaires ont été essentiellement relevées par la presse
ou ont fait l’objet de rapports de contrôle de l’Inspection générale des
finances, des inspections techniques des départements ministériels et reprises
par l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat dans son rapport d’activités 2009.

2.1. Les cas révélés par les organes de contrôle

Sans que leur liste ne soit exhaustive, les dossiers ou
rapports de contrôle suivants peuvent être retenus :

• Ministère de l’Économie et des Finances

-Rapport de contrôle du bureau principal des douanes de
Niangoloko ;

-Rapport d’audit de l’unité de gestion du Programme de
réduction de la pauvreté au niveau communal (PRPC) ;

 

Inventaire des cas manifestes de corruption restés impunis
au Burkina Faso

 

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-Procès-verbal de vérification de la régie des recettes de
la mairie de Banfora;

-Procès-verbal de vérification et d’appui-conseil à la
Trésorerie auprès de l’Ambassade du Burkina Faso à Paris (République
française);

-Procès-verbal de vérification et de remise de service à la
recette des domaines et de la publicité foncière de la division fiscale de
Bogodogo-

Province du Kadiogo (Région du Centre).

• Ministère de l’Administration territoriale et de la
Décentralisation

-Dossier « Haut commissariat du Koulpélogo » ;

-Rapport d’enquête suite à des dénonciations de
malversations et de corruption à la mairie de Banfora ;

-Rapport de mission dans la Commune de Banfora, Province de
la Comoé ;

-Rapport de contrôle et de vérification de gestion de fonds
alloués à la province de Kourwéogo.

 

• Ministère de la Santé

-Rapport de mission d’inspection dans le district sanitaire
de Dandé (Houet);

-Malversation portant sur les fonds alloués par le PADS pour
les activités du district sanitaire de Manga ;

-Rapport de contrôle et d’investigations au Centre
hospitalier universitaire Pédiatrique Charles de Gaulle.

-Malversation portant sur les fonds alloués aux dépenses de
fonctionnement du district sanitaire de Manga, exercice 2004.

• Ministère de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des
Ressources halieutiques

-Rapport d’inspection du centre agricole polyvalent de
Matourkou;

-Rapport d’inspection de la Direction générale des prévisions
et des statistiques agricoles (DGPSA) ;

- Procès-verbal de vérification des fonds alloués à la
Direction régionale de l’agriculture, de l’hydraulique et des ressources
halieutiques du Sahel

(DRAHRH).

• Ministère de la Justice

- Rapport d’audit des comptes du greffe central de la Cour
de Cassation ;

- Rapport sur le fonctionnement et la gestion des fonds de
la commission d’application des peines (CAP) de la maison d’arrêt et de
correction (MAC) de Manga ;

 

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Inventaire des cas manifestes de corruption restés impunis
au Burkina Faso

 

-Affaire du Parquet du Tribunal de Grande Instance de
Bobo-Dioulasso.

• Ministère de l’Enseignement de Base et de
l’Alphabétisation

- Rapport d’enquête suite à une dénonciation de
malversations au Plan décennal de développement de l’éducation de base (PDDEB)
;

-Rapport de contrôle et de vérification de la DPEBA du
Noumbiel/Batié.

• Ministère des Enseignements secondaire, supérieur et de la
Recherche scientifique

-Procès-verbal de remise de service et d’installation à
l’Agence comptable du Centre national de la recherche scientifique et
technologique (CNRST).

• Ministère des infrastructures et du Désenclavement

- Rapport de mission d’audit du projet N°P. BF. K0002 intitulé
projet d’étude du Schéma national d’aménagement du territoire (SNAT).

• Ministère de la Sécurité

- Rapport de mission de contrôle et de vérification de la
gestion budgétaire de l’Office national d’identification (ONI) des années 2007,
2008 et 2009.

• Ministère des Transports

-Dossier Antenne CCVA-Bobo-Dioulasso ;

-Rapport d’audit du projet de déplacement de l’aéroport de
Ouagadougou-Donsin.

• Autres

-Rapport de contrôle et d’investigations à la Commission de
l’informatique et des libertés (CIL) ;

-Rapport de vérification de la gestion budgétaire et
comptable de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) des années
2006, 2007 et 2008;

- Rapport de mission de contrôle de la gestion des produits
vétérinaires et des sous-produits agro-industriels dans la région du Sahel.

2.2. Les cas révélés par la presse

La plupart des cas de corruption traités par la presse sont
soit consécutifs à la

 

Inventaire des cas manifestes de corruption restés impunis
au Burkina Faso

 

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publication des rapports des organes de contrôle, soit
révélés par un organe de presse et repris par d’autres. Par conséquent, seuls
deux cas ont retenu l’attention. Il s’agit : de l’Affaire du district sanitaire
de Dori; de l’Affaire du district sanitaire de Saponé.

 

 

II. LES CAS QUI MÉRITENT UNE ATTENTION PARTICULIÈRE

Les cas répertoriés ci-dessous ont été choisis en fonction
de l’intérêt qu’ils ont suscité au sein de la population et de la qualité des
personnes impliquées. Ils ont été par ailleurs développés en fonction du degré
d’impunité qui leur a été réservé.

 

1. Les cas d’impunité totale

Après une analyse des affaires ayant fait l’objet de l’inventaire
de 2009, la liste des cas de corruption avérés et restés impunis est actualisée
par la prise en compte des nouveaux cas intervenus depuis décembre 2009.

a. Les dossiers du rapport 2009 relatif aux cas manifestes
de corruption

• l’affaire des 50 millions Cette affaire a été publiée dans
l’Observateur paalga n°6748 du 18 octobre 2006 et n°6749 du 19 octobre 2006 et
le Pays n°3731 du 18 octobre 2006.

 

Il est ressorti de l’analyse des différents écrits, que pour
briser la lutte des commerçants face aux pratiques des Syro-libanais, des
opérateurs économiquescomme Oumarou KANANZOÉ, Alizèta Gando OUÉDRAOGO et Tintin
ILBOUDO ont décidé de mettre en jeu la somme de 50.000.000 francs. Cette somme
a été remise en 2003 à deux commerçants, Moussa DABO et Ousmane TAPSOBA,
leaders du mouvement des commerçants, qui devaient s’en servir pour calmer les
responsables des autres associations. Face au refus de ces derniers, on fit
entrer en scène le ministre de la Sécurité qui les somma de prendre l‘argent
qui leur a été proposé. Y’a t-il plus un acte de corruption que celui-ci ? En
quoi devait consister le rôle des deux commerçants que de corrompre les
dirigeants des autres associations. D’ailleurs, il ressort clairement des
déclarations de ceux-ci que cette somme leur avait été remise parce que les
donateurs croyaient qu’ils étaient les instigateurs du mouvement.

Il est vrai que les deux commerçants ont été condamnés pour
abus de confiance.

Il reste cependant que la cause du contrat en vertu duquel
la remise des fonds a été

 

20

Inventaire des cas manifestes de corruption restés impunis
au Burkina Faso

faite était illicite puisque ceux-ci étaient destinés à
corrompre des dirigeants d’associations de commerçants, alors que la corruption
est un délit ! D’ailleurs ceux-ciavaient porté plainte contre Oumarou KANAZOÉ,
Alizèta Gando OUÉDRAOGO et

Tintin ILBOUDO pour tentative de corruption. De l’avis de
leur avocat, depuis lors, aucun acte de procédure n’a été posé.

 

L’ombre du chef de l’Etat a plané sur cette affaire car les
deux commerçants ont affirmé que lors de la remise de la somme, Oumarou KANAZOE
a déclaré que la somme provenait du chef de l’Etat. Est-il lui aussi impliqué
dans les pratiques corruptrices ? En tout cas, cette partie de l’affaire n’a
pas encore connu de réponse judiciaire.

 

 

• La réhabilitation de la mairie centrale de Ouagadougou La
Cour des Comptes, dans son rapport 2007, a révélé d’énormes irrégularités dans
la procédure de passation du marché laissant penser qu’il y a eu des
malversations financières ou, en tout cas, des pots de vin. Ce rapport devait
logiquement permettre la saisine des autorités judiciaires, ce qui a même été
demandé par lemaire Simon COMPAORÉ. Le même rapport mettait de façon évidente
en cause les services du Trésor qui ont délivré des quittances de versement
alors qu’aucun versement n’a eu lieu tout comme les mêmes services ont
sciemment omis de percevoir les droits de timbres.

 

Les poursuites engagées par le parquet général de la Cour
des Comptes contre Simon COMPAORE pour faute de gestion sont restées dans les
placards du président de ladite Cour.

 

• Le dossier de la CARFO La gestion de la Caisse Autonome de
Retraite des Fonctionnaires a été jugée chaotique par de nombreux organismes et
notamment par la presse ces dernières années. Cette gestion a engendré des
pertes de plusieurs centaines de millions de francs. L’inspection Générale
d’Etat s’était même saisie de la question mais jusque-là, aucun rapport n’a été
rendu public. Pourtant des éléments fournis par la presse permettent déjà
d’engager la responsabilité des dirigeants de l’époque.

 

• Le dossier BIB contre EROH Cette affaire a fait ressortir
clairement la corruption dans le secteur de la justice si l’on s’en tient aux
déclarations du PDG de l’entreprise EROH, qui a affirmé avoir déboursé la somme
de soixante un millions (61.000.000) rien que pour obtenir la grosse du
jugement c’est-à-dire la copie conforme de la décision judiciaire, sans oublier
les autres sommes versées aux magistrats durant la procédure. Le tripa-

 

Inventaire des cas manifestes de corruption restés impunis
au Burkina Faso

 

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touillage que l’ancien Président du Conseil Constitutionnel
a tenté de faire dans cette affaire confirme, s’il en était besoin, les écrits
de la presse qui a même affirmé que la somme de vingt cinq millions
(25.000.000) de francs avait été proposée en contrepartie à ce dernier. Tout
cela devait servir d’indices, ne serait-ce que pour faire diligenter une
enquête ou ouvrir une information, ou à tout le moins, saisir le Conseil

Supérieur de la magistrature en sa composition conseil de
discipline. A ce jour, aucun acte de poursuites pénales n’a été initié contre
les personnes soupçonnées ; la décision rendue courant 2010 dans le dossier ne
concernait que le volet commercial.

 

• Le dossier Guiro Ousmane Cette affaire est certes en
instruction, mais son état d’avancement laisse présager qu’elle ne connaîtra
d’autre issue que la prescription quand on regarde le comportement des prévenus
et le soutien dont a bénéficié le sieur Guiro Ousmane.

En effet, le principal inculpé, en la personne de Guiro
Ousmane, directeur de la règlementation à la Direction générale de la Douane au
moment des faits, nargue le juge d’instruction et ne répond à aucune des
convocations de celui-ci depuis qu’il a bénéficié d’une liberté provisoire.
Pire, il n’a même pas été relevé de ses fonctions de Directeur général de la
douane et n’a vu sa carrière suspendue comme le prescrit l’article 143 de la
loi n°13-98/AN du 28 avril 1998 portant régime juridique applicable aux emplois
et aux agents de la Fonction publique.

 

• Le dossier ORYX Dans cette affaire, qui est quasiment
similaire à celle de Guiro Ousmane, la société ORYX avait engagé un chargé de
vente de nationalité béninoise pour suivre ses opérations douanières en ce qui
concerne la commercialisation des hydrocarbures. Celui-ci, profitant de sa
situation, procédait à des fausses exonérations pour se faire servir du
carburant exempt de toute taxe. Déféré à la maison d’arrêt, il a dû débourser
la somme de dix millions par l’intermédiaire de ses parents pour retrouver la
liberté. Cependant, en raison des changements intervenus au niveau du parquet de
Ouagadougou à cette époque, l’opération n’a pas eu lieu. Les parents du susnommé
ont dû débloquer en tout la somme de trente six millions (36.000.000) de francs
afin que le prévenu retrouve la liberté. Qui a reçu l’argent et en vertu de
quel titre cette perception a été faite ? Seule la saisine d’un Tribunal ou
l’Inspection technique des services judiciaires peut apporter des éclaircissements.

• Le dossier CNSS L’affaire de la Caisse nationale de
Sécurité sociale a été soulevée par les six centrales syndicales le 17 janvier
2006 et relayée par le REN-LAC et la presse. Dans

 

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Inventaire des cas manifestes de corruption restés impunis au
Burkina Faso

 

cette affaire, il est ressorti de manière évidente que le
Directeur général de la CNSS de l’époque, Idrissa Zampaligré, s’est rendu
coupable d’une faute de gestion en accordant des prêts à des opérateurs
économiques, notamment Apollinaire

COMPAORE connu pour son insolvabilité. Ces opérations,
réalisées au mépris des règles de gestion et dans l’opacité la plus totale, ont
suscité une indignation générale.

A la suite des différentes interpellations, une enquête a
été diligentée par l’Inspection Générale d’Etat. Le rapport de cette
institution n’a pas été rendu public.

Pour toute mesure, le conseil des ministres a relevé le
Directeur Général de ses fonctions et a transformé la CNSS en un établissement
public à caractère social.

 

Outre ces malversations, de nombreuses personnalités dont
l’ancien Premier ministre et l’ancien ministre de la Justice se sont portées
acquéreurs de villas de ladite institution malgré l’interdiction légale qui
leur est faite de poser de tels actes.

Tous ces faits, bien qu’ayant soulevé un tollé général,
n’ont jamais été soumis à une juridiction. Ni Idrissa Zampaligré, ni son
ministre de tutelle de l’époque, ni Paramanga

Ernest Yonli ou Boureima Badini n’ont été inquiétés.

 

• La corruption au palais de justice de Ouagadougou En 2007,
le REN-LAC a mené une enquête au niveau du palais de justice de Ouagadougou et
dont les résultats les plus accablants ont été communiqués au Garde des Sceaux.
Cette enquête, renouvelée en 2008, a permis de mettre à nu d’énormes réseaux de
racketteurs qui gravitent autour dudit palais et dont la mission est de
collecter les dossiers des justiciables pour les acheminer à leur complice
tapis dans les bureaux moyennant de fortes sommes d’argent. Depuis
l’interpellation du Garde des Sceaux, aucune action n’a été menée et le
phénomène continue de prendre de l’ampleur ; le ministre de la Justice a gardé
un silence total et s’est contenté d’appeler les justiciables à venir se
plaindre alors que l’ouverture d’une information aurait suffi à arrêter, sinon
à limiter, les rackets et à assainir le milieu.

 

b. Les dossiers de 2009 à 2010 relatifs aux cas manifestes
de corruption

• Le dossier du parquet de Bobo-Dioulasso Dans sa livraison
du 25 décembre 2009, le journal l’Evénement titrait : «Tribunal de
Bobo-Dioulasso : odeur de cigarettes au parquet». Aux termes de cet article, le
Procureur du Faso près le Tribunal de Grande Instance de Bobo-Dioulasso est suspecté
de faits de corruption dans le cadre du traitement d’un dossier de trafic de cigarettes
prohibées. Le syndicat Burkinabé des Magistrats (SBM) a alors saisi le ministre
de la Justice aux fins d’élucider le dossier. Celui-ci le confie alors à l’Inspection
Générale des Services Judiciaires qui a procédé à de multiples auditions.

De cette enquête, Sana Aziz qui se dit propriétaire des
cigarettes saisies par le

 

Inventaire des cas manifestes de corruption restés impunis
au Burkina Faso

 

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commissariat de police de Lafiabougou, soutient avoir remis
à son ami Tiendrébéogo Casimir au total 3 000 000 francs CFA pour le Procureur
du Faso. Le Procureur du Faso reconnaît avoir reçu ce dernier à son bureau le 9
janvier 2009 mais nie avoir reçu de l’argent. L’enquête conclut alors qu’il n’
ya pas lieu de croire Sana Aziz plus que le Procureur du Faso en l’absence de
Tiendrébéogo Casimir et de DJIRE Madi supposé être un témoin. En clair,
l’enquête conclut qu’il n’ ya pas des indices d’actes de corruption à
l’encontre du Procureur du Faso dans la mesure où celui-ci nie les faits. Il y
a là impunité totale, car la conclusion est très hâtive. En effet, des acteurs
n’ont pas été auditionnés au motif qu’ils sont injoignables. Même le
journaliste, auteur de l’article de presse sur le dossier n’a pas été
auditionné.

 

• Le dossier de la Commission de l’informatique et des
libertés La presse a fait d’énormes publications sur la gestion chaotique des
finances publiques au niveau de la Commission de l’Informatique et des Libertés
(CIL). Cette situation a été reprise par l’ASCE dans son rapport 2009 qui a
abouti à la conclusion que la CIL a commis d’énormes irrégularités dans la
gestion des deniers publics. Ce sont notamment :

 

-le paiement des formations par anticipation et sans
certification des factures ou sur la base des bulletins d’inscription ;

-le paiement de frais de transport (achats de billets
d’avion) sur la base de factures pro forma ou définitives non conformes ;

-le manquant de quatre millions quatre cent quatre-vingt-cinq
mille (4 485 000) F CFA dans la gestion du carburant ;

-le fractionnement des commandes d’un montant global de
soixante deux millions cinq cent quatre vingt-dix-neuf mille quatre cent
cinquante deux (62 599 452) F CFA;

- l’écart de solde en écriture du compte trésor de trois
millions trente cinq mille cinq cent trente six (3 035 536) F CFA ;

-l’existence d’un loyer complémentaire mensuel non formalisé
par un avenant au contrat de bail de trois cent mille (300 000) F CFA ;

-la non justification d’enveloppes financières reçues pour
un montant de deux millions huit cent vingt mille (2 820 000) F CFA; -la non
justification de consommation de carburant d’un montant de deux millions quatre
cent cinquante mille (2 450 000) F CFA, etc.

Ces faits ont été essentiellement imputés par l’ASCE à trois
responsables de la structure à savoir la présidente, le vice-président et le
directeur des affaires financières. Cet état de fait a été contesté dans la
presse par la présidente de la CIL. L’ASCE, dans son rapport a recommandé au
ministre des Finances de veiller à ce que

 

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Inventaire des cas manifestes de corruption restés impunis
au Burkina Faso

 

l’ancien DAAF de la CIL ne soit plus nommé à une fonction
comptable et de faire procéder au recouvrement des sommes perçues et des sommes
dépensées indûment d’un montant de seize millions neuf cent vingt deux mille
sept cents (16 922 700) F

CFA auprès des personnes concernées. A l’adresse de Son
Excellence monsieur le Premier ministre, l’ASCE a recommandé de prendre les
sanctions administratives idoines à l’encontre des deux premiers responsables
de la CIL à savoir la présidente et le vice-président eu égard aux fautes
graves de gestion.

A ce jour, seuls des ordres de recettes auraient été émis
contre ces deux responsables dans l’optique de recouvrer les sommes détournées,
objet des malversations. En dehors de cette mesure, aucune sanction n’a été
prise contre les deux responsables.

• La gestion budgétaire de l’Office nationale
d’identification exercices 2007, 2008 et 2009

Le rapport de l’ASCE indique un détournement de fonds et un
manquant de caisse d’un montant de 374 218 525F dans la gestion budgétaire des
années 2007,2008 et

2009. Dans le rapport, il n’y a pas de détail comme c’est le
cas pour la CIL et d’autres structures. Les investigations ont été menées dans
ce service par l’Inspection générale des Finances et l’ASCE en a exploité le
rapport. Cet état de fait a été contesté par l’actuel Directeur Général de
l’ONI. En dehors de cette polémique, plus rien n’a été fait comme acte dans ce
dossier de l’ONI.

• Le dossier de fourniture d’un avion photographe à
l’Institut géographique du Burkina

Des malversations d’un montant de 452 856 497 FCFA ont été
mises à nu par un rapport d’audit du marché N°2007-00146 du 10 janvier 2008
portant fourniture d’un avion photographe à l’Institut géographique du Burkina
(IGB). Depuis la dénonciation de cette situation par les inspecteurs de
l’Inspection générale des Finances (IGF) et sa reprise par l’ASCE dans son
rapport d’activités 2009, aucun acte de poursuite ni aucune mesure
administratives n’ont été engagés.

• La gestion des fonds de la Commission d’application des
peines de la maison d’arrêt et decorrection de Manga Au niveau de la Commission
d’application des peines de la Maison d’arrêt et de Correction de Manga,
plusieurs actes anti-déontologiques ont été posés par le juge de l’application
des peines d’alors, Banhoro Hamidou. En effet, celui-ci violait les normes en
matière de liberté provisoire, de permission et autres. Cela se faisait contre
paiement de sommes d’argent. L’inspection générale des services judiciaires a

 

Inventaire des cas manifestes de corruption restés impunis
au Burkina Faso

 

25

d’ailleurs fait une mission dans cette localité. Aucune
procédure n’a été engagée contre le principal acteur qui n’était autre que le
substitut du procureur du Faso Banhoro Hamidou qui n’a fait l’objet que d’une
affectation de Manga à Djibo.

• Le dossier du Schéma national d’aménagement du territoire Le
journal San Finna dans sa livraison N°563 du 19 au 25 avril 2010 publiait une lettre
de monsieur Savadogo Jean-Baptiste adressée au Président du Faso. Dans cette lettre,
l’auteur explique que dans l’exercice de ses fonctions de gestionnaire de ressources
publiques, il a été injustement accusé de malversations financières et relevé
de ses fonctions sans ménagement. Aussi, pour rétablir la vérité, il aurait demandé
et obtenu de son ministre de tutelle d’alors, l’audit des comptes de sa gestion
par une structure publique de contrôle indépendante, à savoir l’Inspection générale
des finances.

 

A l’issue des travaux d’inspection, le rapport d’audit fait
état d’un détournement colossal de fonds publics dont la première tranche
s’élève à plus de 381 millions de francs (381.000.000 F CFA). Les principaux
responsables de cette malversation seraient le Coordonnateur du projet «Etude
du schéma national d’aménagement du territoire » (SNAT) et le Directeur général
de l’aménagement du territoire. L’affaire a été reprise par l’ASCE dans son
rapport. Mais depuis, en dehors de la suspension prononcée en Conseil des
Ministres contre Savadogo Jean-Baptiste, aucune autre procédure n’a été engagée
pour situer véritablement les responsabilités.

• Le dossier de la Banque agricole et commerciale du Burkina
La presse a fait l’écho d’une lettre d’agents de la BACB à son excellence
monsieur le Premier ministre dénonçant de multiples malversations commises à la
Banque agricole et commerciales du Burkina (BACB), pendant près de dix ans, par
monsieur Léonce Koné, qui venait d’être nommé ministre du Commerce et El Hadj
Moussa Sanogo. Ces malversations vont des surfacturations aux transferts
anormaux de sommes d’argent en passant par la prise en charge de dépenses non
éligibles au niveau de la Banque. Lesmalversations impliqueraient également
Somda Laounikoun Bénilde, député à l’Assemblée nationale. Ces dénonciations,
provenant d’agents de la Banque, n’ont fait l’objet d’aucune enquête connue.

 

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Inventaire des cas manifestes de corruption restés impunis
au Burkina Faso

 

2. Les cas d’impunité partielle a.Les dossiers du rapport
2009 relatif aux cas manifestes de corruption

• L’affaire Issaka Korgo Le journal l’Evènement dans sa
livraison n°100 du 25 septembre 2006, intitulait dans sa rubrique Dossier :
Issaka Korgo, grand délinquant ou simple faire valoir ? Le journal, commentant
la décision du Conseil des ministres d’exclure Issaka Korgo de tous les marchés
de l’Etat avec poursuites judiciaires et sa relaxe ultérieure par le Tribunal
de grande instance (TGI) de Ouagadougou, expliquait que le susnommé ne pouvait
pas agir dans cette affaire sans une complicité au niveau des différentes chaînes
de contrôle des marchés publics.

En rappel, Issaka Korgo est le PDG de la société SOKOCOM qui
avait introduit un faux procès verbal de réception des travaux alors qu’il
n’avait pas exécuté le marché y relatif. L’affaire avait fait grand bruit
puisque ledit procès verbal comportait la signature du ministre des Finances.
Traduit devant le TGI de Ouagadougou pour faux en écriture, il sera relaxé pour
infraction non constituée ; ce qui suppose qu’il n’y avait pas eu d’altération
d’écriture ou qu’il n’avait pas été l’auteur de cette altération, même si par
la suite la Cour d’appel a condamné Korgo Issaka à six mois fermes avec mandat
de dépôt à l’audience pour les faits à lui reprochés. Cette décision, qui a été
cassée pour irrégularité de l’acte d’appel, laisse le problème en l’état. En
effet, comme le commentait le journal l’Evènement, pour aboutir à l’obtention
des documents trouvés en possession de Issaka Korgo, il faut l’intervention de
plusieurs personnes et si le document n’est pas altéré, c’est que sur toute la
scène

chacun a joué un rôle, ce qui a conduit à sa signature par
le ministre. Ce qui suppose également que Issaka Korgo a pu corrompre tous les
intervenants. C’est l’hypothèse la plus vraisemblable.

En outre, la presse a révélé que le susnommé était connu de
différents ministères pour ses pratiques corruptrices. On remarque donc que
dans cette affaire, il s’est agi plus de la corruption que du faux en écriture.
Peut-être que si l’Inspection avait publié son rapport sur la question,
l’affaire aurait connu une autre issue. Peut-être aussi que l’on n’a pas voulu
véritablement aller au fond de cette affaire et poursuivre Issaka Korgo pour
corruption ; ce qui aurait eu le mérite de mettre en cause tous les complices.

 

Inventaire des cas manifestes de corruption restés impunis
au Burkina Faso

 

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• L’affaire Croix rouge burkinabé Un rapport de l’Inspection
générale d’Etat concluait en 2001 à des malversations portant sur la somme de
674 millions de francs et dont se seraient rendus coupables certains dirigeants
de la Croix Rouge dont sa présidente Bana Ouandaogo. En 2006, un juge
d’instruction a été saisi du dossier et celui-ci n’a pas pu véritablement poser
des actes car l’immunité parlementaire dont bénéficie la Présidente Bana Ouandaogo
alors principale concernée, n’avait pas été levée et de nombreuses personnes
sont décédées.

Qu’en est-il aujourd’hui ? En tout cas, aucune des personnes
impliquées n’a été condamnée pour l’instant. Selon des sources concordantes, le
juge d’instruction en charge du dossier s’apprête à rendre une ordonnance de non
lieu.

• Le dossier de malversations à la Direction régionale de
l’environnement des Hauts Bassins

En 2004, le parquet du TGI de Bobo-Dioulasso a ouvert une
information judiciaire qui a permis d’interpeller des cadres de la direction
régionale de l’environnement, notamment Urbain Yaméogo et 15 autres pour
concussion, faux, usage de faux, détournement de deniers publics,
enrichissement illicite et association de malfaiteurs. Après un bref séjour à
la Maison d’arrêt et de correction de Bobo-Dioulasso, ils seront libérés sous
caution sans qu’aucun d’eux ne soit écarté de la gestion des deniers publics ;
l’administration s’étant contentée de les muter dansune autre province. Àl’exception
de Jean Chrysostome Pizongo qui a été remercié par la Banque Mondiale, pas même
une simple sanction administrative n’a été prise à l’encontre des susnommés
alors que le montant des malversations a été estimé à plus de 9 milliards de
francs. Cinq ans après l’ouverture de l’information, que reste-til de cette
affaire ? Que de simples souvenirs car aucun des inculpés n’a été traduit devant
les juridictions ; ceux-ci continuent de jouir paisiblement du fruit de
l’infraction.

 

 

• Les fausses exonérations à la SONABHY Dans un cabinet
d’instruction du TGI de Ouagadougou se trouve un dossier portant sur une
affaire d’exonérations à la Société nationale burkinabé d’hydrocarbures (SONABHY),
dont le cerveau serait un certain Poda Ce dernier, qui est un cadre dans cette
société d’État a été arrêté et déféré, en compagnie d’autres personnes, à la
MACO. Cependant, tous les inculpés sont présentement remis en liberté
provisoire et le dossier court le risque de prescription puisqu’aucun acte
n’est posé dans le sens de la poursuite de l’instruction.

 

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Inventaire des cas manifestes de corruption restés impunis
au Burkina Faso

 

• L’affaire de parcelle « Sedgo Laurentine contre Coulibaly
Séraphine » C’est une affaire qui semble impliquer l’ancien procureur du Faso
près le TGI de Ouagadougou, Monsieur Issa Kindo. Il s’agit d’une parcelle qui a
été achetée par dame Coulibaly Séraphine, belle-mère du procureur. Or, une
autre dame, Sedgo Laurentine, revendique des droits sur la même parcelle où du
reste, elle habite. Dame Coulibaly obtient une ordonnance d’expulsion. Dès lors,
dame Sedgo s’attache les services d’un avocat et obtient la rétractation de
l’ordonnance. Dame Coulibaly interjette appel contre cette ordonnance qui est
infirmée. L’avocat de dame Sedgo se rend compte, après recherche, que seul le
PUH de madame Coulibalyfigure dans le dossier alors que sa cliente en avait
aussi produit. L’avocat forme un pourvoi en cassation et l’ordonnance de la
Cour d’Appel est infirmée. Mais contre toute attente, Mme Sedgo reçoit une
signification commandement, c’est-à-dire une notification d’expulsion. Cet acte
se base sur une ordonnance qui a pourtant été définitivement infirmée par la
Cour de cassation. Elle a saisi le Procureur à cet effet, mais depuis lors,
elle attend toujours. Le Procureur Kindo a été remplacé. On attend la réaction de
son successeur. Mais au vu des péripéties de l’affaire et de l’intérêt
manifeste du Procureur Kindo, la question qui se pose est de savoir si le
Procureur actuel trouvera le dossier dans ses tiroirs ?

b. Les nouveaux dossiers pris en compte

• Le dossier du district sanitaire de Manga Le district
sanitaire de Manga a été le théâtre de plusieurs malversations portant sur des
deniers publics. En effet, la presse a rapporté à plusieurs reprises de tels
cas dans ce district sanitaire. En ce qui concerne les fonds publics autres que
ceux alloués dans le cadre du Projet d’appui au développement de la santé, le
district sanitaire de Manga a reçu, suite à l’expression de ses besoins et au
titre de l’exercice 2004, 18 596 822 F CFA. Cette somme, qui devait servir à
l’entretien des bâtiments, à l’achat de matériels spécifiques, de l’oxygène
médical, des fournitures et mobiliers de bureau, etc. représentait une partie
des crédits délégués de l’État alloués au district. Sur cette base, des
commandes ont été passées auprès de nombreux fournisseurs dont la plupart sont
installés à Ouagadougou. Jusqu’à la date du 2 mars 2010, les différents clients
n’avaient toujours pas vu leurs factures honorées en dépit des livraisons
effectuées. Une information a été ouverte pour détournement de deniers publics
d’un montant de dix huit millions cinq cent quatre vingt seize mille huit cent vingt
deux (18 596 822) francs CFA contre M. Somé Jean-Jacques etM.Koala Joanny,
respectivement régisseur et médecin chef de district au moment des faits. De plus,
M. Somé Jean-Jacques, M. Camara Boureima et M. Roamba Arouna, tous en

 

Inventaire des cas manifestes de corruption restés impunis
au Burkina Faso

 

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service au district sanitaire de Manga, sont poursuivis pour
faux et usage de faux en écriture publique. Le dossier est bloqué car les
intéressés disent n’avoir pas détourné les fonds mais que ceux-ci ont été
gelés. L’expertise comptable commise depuis mai 2010 n’a pas encore produit ses
résultats.

• Le dossier de la mairie de Banfora En juillet 2010,
l’ex-maire de la commune de Banfora, Yacouba Sagnon et deux autres agents de la
commune, Yaya Tou et John Son, ont été interpellés et entendus par le juge
d’instruction du Tribunal de Grande Instance de Banfora. Ils ont ensuite été
inculpés pour détournement de deniers publics et déposés à la Maison d’arrêt et
de correction de ladite ville.

Courant octobre-novembre 2010, l’ancien maire a demandé une
mise en liberté provisoire ; demande que le juge d’instruction a rejetée.
Celui-ci a fait appel et l’ordonnance vient d’être infirmée ; ce qui signifie
que l’ancien maire est en liberté. Les deux autres ont également sollicité une
liberté provisoire que le juge a une fois de plus refusée. Là encore,
l’ordonnance a été infirmée par la chambre d’accusation et ceux-ci également
sont en liberté.

• L’affaire de chèques parallèles à Saponé Dans Sidwaya
N°6598 du 27 janvier 2010, a été relatée l’affaire des trente millions (30 000
000) de francs CFA dissipés au district sanitaire de Saponé à travers l’émission
de chèques parallèles. L’enquête ouverte a révélé que d’énormes soupçons pèsent
sur la personne de Mamadou Kam, régisseur d’avance du district sanitaire de Saponé
au moment des faits. Celui-ci a été poursuivi pour « faux et usage de faux en écriture
publique », arrêté le 13 janvier dernier et écroué à la Maison d’arrêt et de correction
de Ouagadougou (MACO). Jean-Baptiste Ouédraogo, agent à la perception et Amos
Sawadogo, chef de service de la perception de Saponé, troisième personne incriminée
y ont été également conduits.

 

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Inventaire des cas manifestes de corruption restés impunis
au Burkina Faso

 



 

DEUXIÈME PARTIE

 

 

L’ANALYSE DU PHÉNOMÈNE DE LA CORRUPTION

 

 

Inventaire des cas manifestes de corruption restés impunis
au Burkina Faso

 

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Inventaire des cas manifestes de corruption restés impunis
au Burkina Faso

 

Une analyse du phénomène de la corruption au Burkina Faso
permet de dégager d’une part, les structures touchées par le phénomène et
d’autre part, les causes de l’impunité qui fait que les auteurs des différents
forfaits ne sont que rarement inquiétés.

 

I. LES STRUCTURES TOUCHÉES PAR LE PHÉNOMÈNE

L’état des dossiers pendants devant les tribunaux, notamment
les Tribunaux de grande instance (TGI) de Ouagadougou, de Manga et de Dori
ainsi que le constat sur le terrain laissent apparaître que les cas de
malversations sanctionnés au plan administratif comme les suspensions et autres
sanctions en conseil des ministres ou les poursuites au plan judiciaire ne
concernent que la petite corruption ou des actes d’agents subalternes , quand
ils n’obéissent pas tout simplement à une logique de règlement de comptes.
Ainsi plus de 80 dossiers sont en instruction dans les 5 cabinets du TGI de
Ouagadougou portant sur des faits de corruption, de détournement de deniers
publics, de trafic d’influence, de faux et usage de faux. Ces faits impliquent
des agents des ministères et sociétés d’Etat suivants :

 

-ministère de l’Économie et des Finances (MEF) notamment les
divisions fiscales, la passation des marchés publics ;

-ministère de la Justice à travers les juridictions et les
maisons d’arrêt ;

-ministère de la Santé à travers les différents districts
sanitaires ;

-ministère de l’Enseignement de Base et de l’Alphabétisation
(MEBA) à travers les DPEBA et le PDDEB;

-ministère des Infrastructures et du Désenclavement (MID) ;

-ministère de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des
Ressources halieutiques

(MAHRH) à travers ses directions régionales, le Centre
polyvalent de Matourkou;

-les collectivités locales ;

-les programmes et projets de développement, etc.

 

Inventaire des cas manifestes de corruption restés impunis
au Burkina Faso

 

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L’identité des personnes inculpées, leur niveau de
responsabilité dans les emplois ou services concernés, ainsi que des petits
montants de 2000000 à 33000000 FCFA mis au compte de leurs méfaits, permettent
d’affirmer que l’on s’est contenté des alevins pendant que les gros poissons
semblent n’être aucunement inquiétés. En effet, les cas mis en exergue et qui
ont défrayé la chronique n’ont fait l’objet d’aucune sanction ou ne l’ont été
que partiellement. Ces situations, qui correspondent généralement aux cas
répertoriés dans la première partie du document, relèvent de la grande
corruption, soit par les domaines ou les montants concernés, soit par la
qualité des personnes impliquées : dignitaires du parti au pouvoir, agents bénéficiant
d’appuis politiques, coutumiers ou religieux, etc.

En outre, on constate que même dans le cas de la petite
corruption, les sanctions sont rarement infligées lorsque les pistes mènent
vers certaines personnalités ou certains milieux politico-économiques.

 

II. LES CAUSES DE L’IMPUNITÉ

Trois raisons fondamentales peuvent justifier l’absence de
sanction contre les auteurs des cas de corruption dénoncés. Il s’agit de la
politisation de l’Administration, de l’insuffisance ou de l’inefficacité des
textes en matière de répression, et de l’absence d’indépendance de la justice.

 

1. La politisation de l’Administration Les nombreux études
et débats menés sur l’Administration burkinabé, notamment par le Centre pour la
gouvernance démocratique, montrent que celle-ci est foncièrement politisée sous
la IVe République comme jamais une administration ne l’a été au Burkina Faso.
Le constat sur le terrain corrobore une telle conclusion. Il est, en effet,
indéniable aujourd’hui que le moindre poste de nomination constitue une
récompense politique. L’on se retrouve pratiquement entre camarades de parti. Dans
un tel contexte, le réflexe de protection et la défense de l’image du parti rendent
quasi nulle la possibilité de voir des cas dénoncés être sanctionnés au plan administratif
ou faire l’objet de poursuites devant les juridictions compétentes. En outre,
pour maintenir le zèle des militants, les dossiers incriminant des agents sont conservés
sans sanction pour servir de moyen de chantage en cas de baisse de garde.

Enfin, certaines autorités politiques ou administratives
interviennent auprès des juridictions pour obtenir des classements de dossiers
sans suite ou des décisions de clémence en faveur de leurs protégés pour
maintenir auprès de ces derniers, leur influence.

 

34

Inventaire des cas manifestes de corruption restés impunis
au Burkina Faso

 

2. L’insuffisance ou l’inefficacité des textes Le cadre
juridique actuel ne permet pas une répression efficiente des actes de malversation.
Cela est dû d’une part, au fait que la compétence des autorités administratives
en matière de sanction n’est pas une compétence liée, c’est-à-dire qu’elles ne
sont pas obligées de prendre des sanctions même en présence de cas avérés de corruption.
Cette faculté leur laisse une large marge de manoeuvre qu’elles utilisent rarement
ou, le cas échéant, de façon discriminatoire. D’autre part, les règles actuelles
de l’administration de la preuve, qui doit être apportée par celui qui accuse, rendent
difficiles les poursuites devant les juridictions, encore que les témoins ou dénonciateurs
ne bénéficient d’aucune protection légale. En outre, les peines susceptibles d’être
infligées, qui sont des peines délictuelles et dont le quantum est de cinq

(5) ans maximum, sont très peu dissuasives. Enfin, même en
cas de sanction pénale, les biens acquis par les agents indélicats du fait de
la corruption sont rarement confisqués. Cette pratique est en déphasage avec
les termes de la convention des Nations Unies contre la corruption qui a édicté
des règles claires en matière de gestion judiciaire des produits de la
corruption.

3. L’absence d’indépendance de la justice L’indépendance de
la justice constitue une condition indispensable de toute démocratie. Sans
l’indépendance judiciaire, les recours pour promouvoir des valeurs fondamentales,
telle la bonne gouvernance, à travers la poursuite des actes comme la
corruption, sont inefficaces dans leur mise en oeuvre. L’indépendance
judiciaire est certes consacrée par les articles 129 de la Constitution et 4 de
la loi 036 du 13 décembre 2001 portant statut du corps de la magistrature.

Mais le vécu quotidien de la justice burkinabé montre que
son indépendance n’est pas effective. En effet, elle souffre encore de sa trop
grande dépendance vis-àvis de la chancellerie à travers le parquet qui,
pourtant, est au centre de la mise en mouvement de l’action publique. Cette
dépendance soumet la poursuite des infractions au contrôle de la chancellerie
et, partant, à celui du pouvoir exécutif. Cette soumission empêche souvent que
des poursuites soient engagées contre des personnes influentes ou proches du
pouvoir ; et même lorsque des poursuites sont engagées, elles n’aboutissent
pas.

 

En outre, le clientélisme et la politisation des nominations
aux postes de la hiérarchie judiciaire amènent les magistrats à se comporter
souvent en représentants agréés des milieux économico-politiques, ce qui
compromet leur esprit d’indépendance face à certains dossiers.

 

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TROISIÈME PARTIE

 

 

LES RECOMMANDATIONS

 

 

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Au regard de la typologie des cas dénoncés mais qui sont
restés impunis et des causes de cette impunité, il paraît indiqué de formuler
des recommandations pour une répression effective des faits de corruption.

Ces recommandations s’adressent aussi bien aux pouvoirs
publics qu’aux Organisations de la société civile.

 

I. À L’ADRESSE DES POUVOIRS PUBLICS

Les recommandations à l’adresse des pouvoirs publics sont de
six (6) ordres :

 

1. Renforcer le dispositif législatif et réglementaire
existant Il s’agit d’adopter une loi spécifique de lutte contre la corruption
ou de modifier les textes existants en vue de relever le niveau des peines et
déterminer de nouvelles infractions.

 

• Ainsi, dans un premier temps, les sanctions pénales
encourues par les auteurs d’actes de corruption, qui sont aujourd’hui de 5 ans
au maximum, pourraient passer par exemple à 20 ans au maximum avec une peine
minimale de 10 ans. L’infraction de corruption et les infractions voisines
constitueraient alors des crimes et non des délits comme c’est le cas
présentement. Des peines cumulatives comme la confiscation des biens issus de
la corruption seraient prévues.

• Dans un second temps, il serait opportun de créer
l’infraction de délit d’apparence. Une telle infraction, si elle est créée,
aura pour avantage de faciliter la charge de la preuve dans la mesure où il
appartiendra à la personne poursuivie, en raison de son train de vie en
inadéquation apparente avec sa position socioéconomique, de justifier ses
sources de revenus.

• Enfin, la définition de l’infraction de corruption devra
prendre en compte les agents du secteur privé dans la mesure où les
dispositions légales actuelles ne

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au Burkina Faso

 

39

considèrent cette infraction que par rapport aux agents
publics.

 

2. Renforcer le dispositif institutionnel

Les inspections techniques des ministères constituent un
outil intéressant de lutte contre la corruption tant en terme de prévention que
de sanction. Mais pour cela, il faut les valoriser en n’y nommant plus des
agents indésirables ou en fin de carrière mais des éléments actifs, et en les
dotant de moyens humains et matériels suffisants.

 

De plus, les conseils de discipline doivent être dynamisés
et se tenir régulièrement afin de rendre effectives les sanctions au plan
administratif.

 

3. Renforcer l’indépendance et la capacité de la justice

L’indépendance de la justice passe fondamentalement par son
affranchissement vis-à-vis du pouvoir exécutif. A ce sujet, la rupture du lien
hiérarchique entre les magistrats du parquet et la chancellerie est nécessaire.
En effet, dans sa structure actuelle, le parquet est non seulement tenu d’obéir
aux instructions même individuelles du ministre de la Justice mais sa
discipline relève aussi de ce seul ministre. Or, on ne le dira jamais assez,
selon la désormais classique théorie de MONTESQUIEU, le ministre de la Justice
est un homme politique, instrument d’un parti politique. Ses actions sont
d’abord commandées par l’intérêt du parti qui n’est pas toujours en adéquation
avec les intérêts des populations.

 

Par ailleurs, la résolution du problème d’efficacité de la
justice dans la lutte contre la corruption réside en partie dans le recrutement
et la formation de magistrats spécialisés en la matière ainsi que leur dotation
en moyens modernes d’investigation et de travail. Dans cette optique, la
création de pools économiques au niveau de la police judicaire, du parquet et
des cabinets d’instruction est vivement recommandée.

 

4. Préserver et renforcer l’État de droit

Dans la mesure où, dans une société moderne et démocratique,
la confiance, la crédibilité et l’autorité de la puissance publique passent nécessairement
par l’intégrité, la responsabilité et la transparence du système politique et
de la fonction publique, des initiatives doivent être prises en vue :

-d’intégrer les valeurs éthiques dans la Constitution ;

-de rendre effective la séparation des pouvoirs et leur
autonomie ;

-de mettre en place les mécanismes d’une compétition
politique honnête, libre et transparente.

 

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au Burkina Faso

 

5. Promouvoir la bonne gouvernance La corruption entrave le
bon développement, à travers la dissipation des ressources publiques. Pour y
faire face, il est nécessaire :

-de construire une administration républicaine débarrassée
de tout passe-droit et fondée sur la « méritocratie » en instaurant des
contrôles stricts, en édictant des règles adaptées de déontologie et en créant
un environnement de travail garantissant la transparence ;

 

-de mettre en place un système de divulgation de
l’information administrative, notamment par la garantie de l’égal accès des
opérateurs économiques à l’information et de l’équité en matière de procédures
;

 

-d’élaborer un code de bonne conduite et un observatoire des
pratiques de corruption et infractions assimilées.

 

6. Développer le civisme et la culture démocratique

Le développement du civisme et de la culture démocratique
nécessite :

-de promouvoir la démocratie comme valeur de référence à
travers une éducation aux droits et devoirs civiques, ce qui suppose une
réforme du système éducatif ;

 

-d’asseoir un leadership éthique chez les gouvernants, les
hommes politiques et les personnalités marquantes du secteur privé et de la
société civile.

 

II. À L’ADRESSE DES ORGANISATIONS DE LA SOCIÉTÉ CIVILE

Pour plus d’efficacité dans la lutte contre la corruption,
les organisations de la société civile doivent mettre l’accent sur le
renforcement de leurs capacités et le travail en réseau d’une part, et la
diversification de leurs actions d’autre part.

 

1. Renforcer leurs capacités et le travail en réseau

La lutte contre la corruption nécessite des Organisations de
la société civile (OSC), des connaissances théoriques sur le phénomène afin de
garder leur esprit critique constructif et leur force de proposition. Les
cadres des organisations de lutte contre la corruption doivent alors connaître
les circuits des marchés publics, des finances publiques et de tous les
domaines où les pratiques de corruption sont constatées.

L’expérience du travail des OSC montre qu’elles apportent
une grande contribution, non seulement dans la prise de conscience du
phénomène, mais également dans les propositions de pistes de solution pour
l’endiguer. Il en est ainsi par exemple du CGD.

Cependant, ce travail pourrait avoir plus d’impact si les
organisations intervenant dans le domaine évoluaient en synergie. Ainsi, les
OSC en général doivent travailler à leur renforcement interne, au renforcement
des structures existantes de lutte contre la corruption et l’impunité telles la
coalition nationale de lutte contre la vie chère,

 

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au Burkina Faso

 

41

l’impunité, la corruption et pour les libertés démocratiques
(CCVC).

 

2. Diversifier leurs actions

Pour que les cas de corruption dénoncés puissent être
effectivement punis, les

Organisations de la société civile doivent diversifier leurs
actions. La saisine des autorités de décision (justice, administration) en plus
des publications dans la presse est une bonne option qu’il convient de
systématiser sur les cas manifestes de corruption.

 

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CONCLUSION

 

Les cas recensés, sans être exhaustifs, montrent que le
phénomène de la corruption est endémique au Burkina Faso. Les Organisations de
la société civile, qui interviennent dans le domaine de la promotion de la
bonne gouvernance, font un travail de dénonciation et d’interpellation
remarquable auquel s’ajoute l’action de la presse, surtout celle
d’investigation. De même, les institutions étatiques créées en vue de la
moralisation de la vie publique produisent régulièrement des rapports qui mettent
en lumière des cas de malversation.

 

Cependant, les cas dénoncés font rarement l’objet de
sanctions, créant ainsi une situation d’impunité. Or, il est indéniable qu’il
existe une corrélation entre le niveau de corruption et le degré d’impunité. Il
est par conséquent impérieux de combattre l’inaction et le laxisme dans les
sanctions afin d’éviter qu’ils fassent le lit de la corruption.

 

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au Burkina Faso

 

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au Burkina Faso

 

INDICATIONS BIBLIOGRAPHIQUES

 

 

Rapports et documents divers

 

1. Où et comment prospère la corruption, Transparency
International

2. Rôle des parlements dans la lutte contre la corruption,
Conseil de l’Europe

3. HALLAK J. et M. POISSON, Ecoles corrompues, Universités
corrompues

: Que faire ? Paris, IIEP – UNESCO, 2009

4. REN-LAC, La corruption dans le secteur public, Conférence
publique

5. Inspection générale des services judiciaires, Rapport sur
les accusations de corruption de magistrats contenues dans les numéros 177 et
178 du journal bimensuel l’Evènement, mars 2010

6. REN-LAC. Morale et corruption dans des sociétés anciennes
du Burkina :

(Bobo, Moaga, San et Winyé), juin 2001

7. REN-LAC. Lois contre corruption : Inventaire des dispositions
réglementaires et juridiques relatives à la lutte contre la corruption au
Burkina Faso, mai 2002

8. REN-LAC. Le Burkina à l’épreuve de la corruption :
Recueil d’articles du RENLAC parus dans l’Observateur paalga, janvier 2001

9. Cour des Comptes. Le Rapport public 2005

10. Cour des Comptes. Le Rapport public 2006

11. Cour des Comptes. Le Rapport public 2007

12. Cour des Comptes. Le Rapport public 2008

13. Cour des Comptes. Le Rapport public 2009

14. Autorité supérieure de Contrôle d’Etat : Rapport général
annuel d’activités

2010 Législation

 

1. Convention des Nations Unies contre la corruption

2. Loi n°13-98/AN du 28 avril 1998 portant régime juridique
applicable aux emplois et aux agents de la fonction publique

3. Loi n°043/96/ADP du 13 novembre 1996 portant Code pénal
au Burkina Faso

Site internet

 

www.lefaso.net

 

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au Burkina Faso

 

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au Burkina Faso

 

TABLE DES MATIÈRES

 

 

TABLEAU DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS
....................................................................3

AVANT-PROPOS
..........................................................................................................5

INTRODUCTION
..........................................................................................................7

 

 

PREMIÈRE PARTIE
..............................................................................................13

 

 

LES CAS DE CORRUPTION DÉNONCÉS DE 2006 À NOS JOURS
..............................13

I.Le répertoire des cas dénoncés..............................................................................15

 

 

1. Les cas retenus dans le rapport de l’étude de 2009
........................................16

 

 

2. Les nouveaux cas dénoncés à prendre en compte pour
l’actualisation ..........17

II.Les cas qui méritent une attention particulière
....................................................20

 

 

1. Les cas d’impunité
totale..................................................................................20

2. Les cas d’impunité partielle
..............................................................................27

 

 

DEUXIÈME PARTIE
..............................................................................................31

 

 

L’ANALYSE DU PHÉNOMÈNE DE LA CORRUPTION ....................................................31

 

 

I.Les structures touchées par le phénomène
..........................................................33

II.Les causes de l’impunité
......................................................................................34

 

 

1. La politisation de l’Administration
....................................................................34

 

 

2. L’insuffisance ou l’inefficacité des
textes..........................................................35

 

 

3. L’absence d’indépendance de la justice
..........................................................35

 

 

TROISIÈME
PARTIE..............................................................................................37

 

 

RECOMMANDATIONS ..............................................................................................37

 

 

1. À l’adresse des pouvoirs publics
......................................................................39

 

 

2. À l’adresse des Organisations de la société civile
............................................41

CONCLUSION
............................................................................................................43

INDICATIONS
BIBLIOGRAPHIQUES............................................................................45

TABLE DES
MATIÈRES................................................................................................47

 

 

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24/10/2012
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