SAKISIDA

Jean-François Copé, président de l’UMP : Victoire d’un homme, défaite de la droite libérale.

La droite libérale, façon Nicolas Sarkozy/François Fillon (2007-2012), ce n’était pas folichon. Voilà que l’UMP, principal parti d’opposition parlementaire, tombe dans l’escarcelle de l’homme qui veut en faire le parti de la « droite décomplexée », une ultra-droite xénophobe, pourfendeur du « racisme anti-blanc » et des « voyous » qui, pendant le ramadan, arrachent les pains au chocolat des petits Français.

 

 

Depuis toujours, avec Jean-François Copé, nous savions que le pire était à craindre. Il n’est plus à craindre ; il est présent : Copé est président de l’UMP. Fillon, homme lige de Sarkozy pendant cinq ans, et qui a côtoyé Copé plus longtemps encore, sait de qui il parle quand il évoque, avec la victoire du maire de Meaux, une « fracture politique et morale ».

Copé n’a jamais fait illusion ; au contraire de Sarkozy (enfin, pour ceux qui aiment les illusionnistes). François Zemmour (émission de Laurent Ruquier : « On n’est pas couché », en mai 2009) disait de lui : « Il n’a pas la queue d’une idée, pas la queue d’une valeur. Je ne sais pas pourquoi Jean-François fait de la politique, au nom de quoi ? ». Ses « amis » politiques l’ont décrit d’emblée comme un personnage « décomplexé, hâbleur, sûr de lui », « flagorneur », « un tiers brillant, un tiers tenace et un tiers pénible et agaçant », un type qui « fait des coups », ne se soucie que « d’être au centre du débat et qu’on parle de lui », pour qui « les valeurs de Pétain : travail, famille, patrie, sont celles de la République », qui veut que la droite assume ses valeurs mais n’entend pas « pactiser avec le FN » dès lors qu’il veut être… le FN.

Henri Guaino, qui était la « plume » de Sarkozy disait de lui : « ça ne peut pas aller très loin […] Copé n’a aucun corps de doctrine, il n’a rien à dire ! […] Il n’incarne rien. Pas un courant, pas une pensée […]. Il gère bien sa carrière, c’est tout ». Michel Audiard l’a dit, il y a longtemps, avec humour : « Un intellectuel assis va moins loin qu’un con qui marche ». Or Copé est « l’homme pressé ». C’était d’ailleurs le titre de « l’enquête sur celui qui veut la place de Sarkozy » que Solenn de Royer et Frédéric Dumoulin lui ont consacré en 2009 (éd. Archipel).

Copé a beaucoup marché. Né dans une famille venue d’ailleurs (Roumanie et Bessarabie du côté de son père ; Algérie, Tunisie et Maroc du côté de sa mère) ne manquant pas de moyens financiers, son père étant médecin spécialiste (ce qui lui a permis de voyager pendant sa jeunesse, seul ou en famille : Sénégal, Brésil, Argentine, Italie, Etats-Unis…), Copé est, selon ses biographes, le fruit d’un « double patrimoine, ashkénaze et sépharade » mais il a longtemps gommé cette filiation « [redoutant] que ses origines juives puissent lui barrer la route de l’Elysée » à laquelle il pense depuis toujours. Son « coming out » (selon l’expression utilisée par ses biographes – cf. supra) tiendra au fait que Sarkozy (« philosémite ») s’est affirmé sur la scène politique, et a même remporté la présidentielle 2007, bien qu’il soit un « petit Français de sang mêlé ».

Sa première compagne puis épouse (1989-2007), Valérie Ducoing, mère de ses deux garçons (qui ont fait leur bar-mitzvah), baptisée et élevée dans une famille catholique, s’est convertie au judaïsme en 2004 et se serait engagée activement dans le Mouvement juif libéral de France (MJLF) qui considère que « le judaïsme se transmet tout autant par l’étude que par le sang ». Sa nouvelle compagne puis épouse (depuis le 3 décembre 2011), avec laquelle il a eu une fille en 2010, Nadia Hamama, est née d’un père Kabyle et d’une mère Italienne ; elle était la veuve du comte Eric de L’Orne d’Alincourt, médecin-psychiatre.

Né le 5 juin 1964 à Boulogne-Billancourt, Copé fréquentera le lycée Victor-Duruy (dans le très conservateur VIIème arrondissement) avant de rejoindre Sciences-Po. Enarque (mais trente-cinquième à sa sortie, il ne décrochera que la Caisse des dépôts et consignations), député-maire RPR de Meaux dès 1995 (benjamin de l’Assemblée nationale, il sera battu aux législatives de 1997 avant de retrouver son siège en 2002), étiqueté « bébé-Chirac », fidèle au maire de Paris (qui le considérait comme « le meilleur de sa génération ») lors de l’affrontement avec Edouard Balladur (« L’Etat Balladur, c’est du soft totalitarisme. On est menacés… » disait-il alors), secrétaire d’Etat aux Relations avec le Parlement et porte-parole du gouvernement Raffarin (2002) puis ministre délégué à l’Intérieur enfin au Budget (2004), il sera président du groupe UMP à l’Assemblée nationale (2007) faisant, contre toute attente (et faute d’autre chose), de ce « placard » une forteresse d’où il mènera de rudes attaques contre… Sarkozy ; qui, il est vrai avait affirmé lors de son entrée à l’Elysée que « Copé sera ministre de… Meaux ».

En 2010, Copé, qui n’a jamais caché son ambition d’accéder à l’Elysée, négociera le secrétariat général de l’UMP contre son soutien à Sarkozy pour la présidentielle 2012. Sarkozy a perdu son élection ; Copé a gagné un parti au sein duquel il va s’illustrer dans la surenchère dès lors qu’il sera acquis que Sarkozy étant au tapis, il peut enfin s’y installer à son aise.  Une façon d’être qui tient en un seul mot : « décomplexé ».

A l’instar de Sarkozy, il aime le mélange des genres. Le business, c’est aussi son truc. Sa première femme, Valérie, collaborait à l’Association française des entreprises privées (AFEP), outil de lobbying du gratin du monde des affaires, alors qu’il était au Budget. Il est associé au sein de Gide-Loyrette-Nouel, prestigieux cabinet d’avocats d’affaires, a aimé séjourner en Tunisie avec Anne Méaux (patronne d’Image 7 qui gère la « com » de chefs d’Etat et de patrons du CAC 40) qui a détenu le budget promotion du pays de Ben Ali, « revendique » ses liens avec le sulfureux Ziad Takieddine, a participé au Forum de Davos mais aussi à la Commission Trilatérale et à Bilderberg, groupes d’influence  « capitalistes » dont les membres sont cooptés…

Il a lancé, aux côtés d’Eric Besson et de Gérard Longuet, le débat sur « l’identité nationale », a dénoncé la « passivité des grandes puissances occidentales » qui n’ont « pas su anticiper certaines évolutions majeures », et considère les « pays émergents » comme « la clé de voûte de notre développement économique international »… La défaite de Sarkozy et sa volonté de conquérir l’UMP pour conquérir l’Elysée (même s’il se désistera, dit-il, le cas échéant, pour l’ancien locataire) a libéré sa parole a défaut de complexifier sa pensée. Des slogans, le poids des mots, le vide du propos. Tellement simpliste ce discours que même Fillon pensera qu’il ne peut pas mordre sur l’électorat des militants UMP. Eternelle histoire « du con qui marche et de l’intellectuel assis » même si, pour l’occasion, il faut largement nuancer la connerie de l’un et l’intelligence de l’autre.

A l’instar de Sarkozy, Copé occupe tout le terrain. Mais chacun sait que les « derviches tourneurs » de la politique, s’ils s’agitent avec bruit et fureur, font du surplace. La meilleure preuve en est que Sarkozy a échoué à être élu pour un deuxième mandat présidentiel. Il a échoué également à fonder un parti (l’UMP est, largement, son idée) qui lui survive politiquement. L’un et l’autre, Sarkozy et Copé, en banalisant, mois après mois, année après année, la politique xénophobe de l’extrême droite, ont fait du FN une alternative crédible (et audible) à la droite parlementaire dont l’UMP se voulait le parti unique.

Fillon (qui n’avait pas négligé, dans son équipe, cet ancrage du côté de l’ultra droite avec pour lieutenants Eric Ciotti – qui a été son directeur de campagne – et Christian Estrosi) avait trop de retenue face à un Copé qui n’en avait aucune, pour pouvoir résister à la frustration d’une droite militante qui pensait que le tsunami de 2007 ferait encore sentir ses effets en 2012 (on se souvient des propos de Sarkozy assurant à ses militants qu’il entendait monter une « vague de fond »).

La victoire de Copé est un échec pour la droite libérale ; ce qui n’est pas la meilleure des choses pour la gauche : il libère du terrain sur sa droite que François Hollande, étant ce qu’il est et venant d’où il vient, ne manquera pas de vouloir occuper électoralement au détriment d’une véritable politique de « gauche sociale ». Celle pour laquelle a voté une majorité de Français.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique



21/11/2012
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