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Procès des étudiants : La Chambre correctionnelle du TGI de Ouagadougou se déclare incompétente

A l’initiative du Parquet, le procès des étudiants détenus pour vandalisme et violence sur des forces de l’ordre, a repris ce 20 août 2013. A l’occasion, il a été demandé à la Chambre correctionnelle de prononcer la mise en liberté provisoire des prévenus. Mais la Chambre s’est, « par jugement avant dire droit », déclarée incompétente pour connaître de cette demande de mise en liberté provisoire.

 

Le 13 août dernier, la Chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance (TGI) de Ouagadougou ouvrait le procès de la cinquantaine d’étudiants détenus à la suite de leur arrestation à l’occasion de manifestation contre l’arrêt des œuvres universitaires. A cette audience, les avocats qui assurent la défense des étudiants ont relevé que la loi annoncée pour être appliquée à leurs clients, n’est pas conforme à la Constitution ; et ont de ce fait, soulevé une exception d’inconstitutionnalité. Ils ont aussi demandé que ces étudiants soient mis en liberté provisoire dans l’attente de la suite de la procédure de l’affaire en question.

Quant au Parquet, il a invité la Chambre et à rejeter l’exception soulevée, et à ordonner le maintien des étudiants dans les liens de la détention provisoire. Il aura été suivi dans cette deuxième prétention. En effet, la Chambre Correctionnelle a accueilli l’exception d’inconstitutionnalité et a, de ce fait, décidé de sursoir au déroulement du procès dans l’attente de la décision du Conseil constitutionnel. Mais elle a ordonné le maintien des étudiants en détention.

Et contre toute attente, la même Chambre ouvre à nouveau le procès avant la décision du Conseil constitutionnel, et ce, malgré un appel interjeté par les avocats de la défense contre la décision de maintien des étudiants en détention. C’est ainsi qu’à l’audience du jour – 20 août 2013 – la Chambre correctionnelle, autrement composée, a relevé l’existence dans le dossier, de l’acte d’appel, avant d’inviter le Parquet à décliner l’objet de sa réquisition. Les avocats de la partie civile n’ont pas répondu présents à l’audience.

«  Le Parquet demande la mise en liberté provisoire des 50 étudiants détenus  », a-t-on entendu de la voix des « juges débout ». De la motivation de cette demande, il ressort que c’est «  pour garantir la paix sociale, et permettre à ces étudiants d’aller préparer leurs examens  ». Le Parquet, fait-il preuve de sentimentalisme dans le juridique, ou a-t-il été amené par le politique à battre en retrait ? Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette affaire s’affiche en patate chaude entre les mains du Parquet. Et apparemment, il veut faire porter le chapeau de la détresse de ces prévenus par la Chambre correctionnelle du TGI.

De l’imbroglio procédural dans cette affaire

 

A l’issue de la décision du 13 août dernier, l’on s’attendait à voir la procédure se poursuivre avec soit la décision du Conseil constitutionnel sur l’exception d’inconstitutionnalité, soit par la saisine de la Chambre correctionnelle de la Cour d’appel de Ouagadougou à la faveur d’un recours en appel. Ce recours a été formulé, et les pièces y relatives sont jointes au dossier.

Mais le Parquet en décida autrement. Il a en effet, saisi la même Chambre correctionnelle du TGI pour qu’elle ordonne la mise en liberté provisoire des étudiants. La démarche du Parquet rompt ainsi avec la logique procédurale en matière pénale, telle que consacrée. Ce qui est, de toute évidence, la matérialisation de l’influence du Ministère public sur les juridictions de jugement dans notre pays. En tout cas, Me Guy Hervé Kam, membre du collectif des avocats de la défense, dit y voir « une procédure totalement inédite et en plus irrégulière  ».

C’est sans doute pour ne pas tordre le coup à la procédure, que la Chambre correctionnelle à l’audience du jour, « Statuant par jugement avant dire droit  », s’est déclarée incompétente pour se prononcer sur la question de la mise en liberté provisoire des étudiants. Elle a ainsi refusé d’opérer dans le sens souhaité par le Parquet.

Pour Me Pierre Lassané Yaméogo, membre du collectif des avocats de la défense, « les juges ont été sages dans leur décision ». A en croire Me Yaméogo, le Parquet a voulu « pousser le juge du siège à rendre une décision gravissime ».

En cette décision, Me Amadou Yoni, membre du collectif des avocats de la défense, confie y voir « une décision appréciable ». Et de préciser, « selon la procédure pénale, il n’est pas possible que nous ayons fait appel, le tribunal se retrouve à statuer sur cette affaire  ».

Et si le tribunal avait ordonné la mise en liberté provisoire ?

Du reste, les avocats de la défense auraient accueilli la décision de mise en liberté provisoire, même si cette décision serait intervenue dans le cadre d’une procédure irrégulière. C’est du moins, ce que confie Me Marcellin Somé, membre du collectif des avocats de la défense. En effet, précise-t-il, «  c’est vrai que nous défendons des principes ; mais après tout, nous défendons des clients et leur liberté ».

Et de poursuivre, « si le tribunal avait ordonné la libération de nos clients c’était bien à prendre même si c’est dans un cadre anormal, inhabituel pour une procédure judiciaire ». Et ce, «  simplement parce que nos clients sont détenus sur des bases que nous contestons », a-t-il lancé.

Et la suite de cette procédure ?

Ce procès, reprendra-t-il son cours devant la Chambre correctionnelle du TGI après décision du Conseil constitutionnel, ou devant la Chambre correctionnelle de la Cour d’appel de Ouagadougou ? Les choses ne doivent plus tarder à se préciser.

En attendant, les avocats de la défense disent espérer que «  les mêmes éléments qui ont motivé le ministère public à engager cette procédure irrégulière, vont l’amener à faire programmer d’ici vendredi au moins, le même dossier au niveau de la Cour d’appel  ». En, effet, une audience de la Cour d’appel de Ouagadougou est prévue pour se tenir le 23 août, le vendredi prochain.

Dans tous les cas, précise Me Marcellin Somé, « la loi leur donne des moyens totalement légaux pour le faire  ». En effet, « le président de la juridiction saisie en l’espèce, le premier président de la Cour d’appel, peut prendre une ordonnance et convoquer une audience de façon régulière et de façon spécifique, parce qu’on estime que la situation est particulière  », a-t-il expliqué.

Aujourd’hui encore, les étudiants ont été reconduits à la MACO.

Fulbert Paré

Lefaso.net

 



21/08/2013
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