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Yacouba Jacob Barry sur son agression le 30 mai dernier : « Le problème est plus profond que ça »

Lefaso.net. Yacouba Barry « agressé » au cimetière de Gounghin lors de la cérémonie de dépôt de gerbes de fleurs sur les tombes des « martyrs » de l’insurrection. La nouvelle de l’incident a vite pris la ville le 30 mai dernier, aidée en cela surtout par les publications sur les réseaux sociaux. Quatre jours après, à la faveur des échanges entre le CDP et ses partis alliés dont son parti, l’UBN, est membre, nous avons rencontré l’ « agressé ». L’occasion faisant le larron, nous avons voulu bien savoir ce qui s’est passé ce jour… L’ancien président de l’Union nationale des supporters des étalons retrace et explique…

Yacouba Jacob Barry sur son agression le 30 mai dernier : « Le problème est plus profond que ça »

Lefaso.net : Que s’est-il passé le 30 mai au cimetière de Gounghin lors du recueillement… ?
Yacouba Barry :
Il faut d’abord dire qu’on (le parti, ndlr) a été invité officiellement par le ministre de l’administration territoriale, de la décentralisation et de la sécurité. J’ai donc représenté le parti en tant que secrétaire général. Les activités se sont très bien déroulées, sans aucun incident, sauf qu’à la fin, au moment où je m’apprêtais à quitter les cimetières comme tout le monde, c’est-là qu’un groupe de jeunes est venu envers moi pour demander le pourquoi de ma présence sur les lieux. Je n’ai pas eu le temps de leur indiquer que le parti a été invité et tout de suite, j’ai été accusé et traité de tous les noms qu’ils ont voulus. Je n’ai pas réagi, j’ai continué ma marche vers la sortie. Quand je suis arrivé à ma voiture, je me suis rendu compte qu’ils me suivaient et j’ai continué, contourné la voiture et je me suis encore rendu compte qu’ils étaient devenus plus agressifs. Il a fallu l’intervention de la gendarmerie pour faire en sorte que je sois protégé. Ils n’ont pas eu le temps de me porter la main mais c’est grâce à l’intervention de la gendarmerie. C’est comme cela que j’ai été exfiltré par un jeune qui était à moto.

Lefaso.net : Il se dit que vous avez accordé une interview au cours de laquelle, vous avez eu des propos déplacés envers les familles des victimes ; qu’en est-il au juste ?
Yacouba Barry :
Qu’on m’amène cette interview et l’organe auquel je l’ai accordée. Je n’ai parlé à aucun journaliste, je suis venu assister et si je devais parler aux journalistes, ce n’est pas pour parler mal de qui que ce soit, sinon que je ne serais pas venu. Je suis venu parce que j’ai cru en l’invitation du ministère et je pense que ceux qui sont morts, personne, aucun Burkinabè, ne peut être fier de ces pertes. Notre participation est un geste que nous pensions pouvoir contribuer à l’apaisement, à la cohésion sociale et pleurer les morts qui sont nos frères et sœurs. Ce sont nos morts et de ce fait, je ne peux pas avoir des propos déplacés. Mon parti lui-même condamne ce genre de choses et moi, mon éducation me défend également cela. En aucun cas, je n’ai eu ce genre de propos. Je n’ai même pas eu ce temps de m’adresser à un journaliste, même pour parler en bien, à plus forte raison parler en mal. Ce serait dommage qu’on pense cela parce que, je pense qu’au plus haut sommet de l’Etat, les vraies informations parviennent. Même ceux qui m’ont agressé, je ne leur ai adressé aucun mot parce que, je ne savais pas quel mot pouvait leur convenir pour qu’ils se calment en ce moment. Je n’ai pas tenu de propos déplacés envers qui que ce soit.

Lefaso.net : Avez-vous une idée du nombre de personnes qui vous ont accosté… ?
Yacouba Barry :
Au départ, ils étaient au nombre de trois jeunes. Par la suite, ils n’étaient pas moins de trente à quarante. Je ne peux pas, dans cet d’esprit-là, donner un nombre exact mais je sais qu’à la fin, ils étaient nombreux.

Lefaso.net : Avez-vous identifié d’autres personnes de l’ancienne majorité qui étaient venues au même titre que vous au cimetière ?
Yacouba Barry : Si, j’ai vu des gens du CDP, de l’ex opposition, etc. Donc, il y avait un certain nombre de personnes.

Lefaso.net : Qu’est-ce que cet incident vous laisse aujourd’hui comme analyse ?
Yacouba Barry :
Cela m’inspire la peur, la crainte pour les lendemains. Je ne sais pas vers où on ira avec cet esprit de haine, presque viscérale, qui nous aveugle, qui nous échappe, au lieu de nous focaliser sur ce qui nous interpelle, c’est-à-dire ce qui s’est passé, pour construire un Burkina beaucoup plus responsable, beaucoup plus uni. J’ai peur que si l’on continue à concevoir les choses comme ça et à les exécuter de cette façon, que l’on finisse par créer une situation invivable dans notre pays et je ne pense pas que ce serait également à l’honneur de ceux qui ont perdu la vie,parce que je pense qu’ils l’ont fait pour plus de démocratie, de justice et de paix dans ce pays. Je pense que nous avons tous intérêt à débattre de ce qui va nous arranger tous demain dans ce pays. Et je souhaite que les autorités prennent pleinement leurs responsabilités, que la sensibilisation et la communication continuent, de sorte que nous ne tombions pas totalement dans une déchéance morale qui nous amène vers des violences de ce type.

Lefaso.net : Avez-vous initié, à titre personnel ou via votre parti, une action quelconque à cet effet ?
Yacouba Barry :
J’ai seulement fait une déposition auprès des autorités compétentes, juste pour qu’on sache ce qui s’est passé. Ça peut, peut-être, servir l’analyse et à l’aide à la décision. Mais je ne compte pas entreprendre des poursuites parce que, je ne pense pas que ce soit forcément la solution au problème ; je pense que c’est beaucoup plus profond que ça.

Lefaso.net : Aujourd’hui, quel peut être votre message à l’ensemble des Burkinabè ?
Yacouba Barry :
La douleur est nationale. Que ce soient ceux qui ont soutenu la modification de l’article 37 ou ceux qui se sont opposés, les pertes de vie étaient des pertes de trop et nous déplorons, tous, cela. Il est donc important que nous levions nos regards actuellement vers l’avenir, tout en nous appuyant sur notre histoire récente pour construire un Burkina meilleur où nous pourrions nous tendre la main et vivre en parfaite harmonie.C’est vraiment ce que je souhaite ; que les gens ne se laissent pas manipuler. Nous sommes dans un Etat de droit, nous avons des recours de justice et nous pensons que si des gens ont posé des actes, qu’ils répondent devant la justice et que le peuple puisse vraiment savoir qui sont ces gens.

Propos recueillis par :
Oumar L. OUEDRAOGO
Lefaso.net



05/06/2015
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