Camp Naba Koom II: les détails de l’assaut
• Kosyam verrouillé
• Coordination entre l’armée de l’air et de terre
• Les artilleurs donnent la charge
Dans la soirée du lundi 28 septembre 2015, le déploiement impressionnant des forces armées sur les grandes avenues laissait présager que quelque chose se tramait.
Les habitants de la capitale pris de panique se sont terrés chez eux jusqu’au matin. Très tôt dans la matinée du 29 septembre, un communiqué du chef d’état-major général des armées invite «les populations de Ouagadougou à éviter tout mouvement dans la zone de Ouaga 2000 et environs, ce mardi 29 septembre 2015. Les résidents du quartier Ouaga 2000 et environs sont invités à rester chez eux».
L’attaque contre le RSP se précisait
L’armée de terre et de l’air coordonnent leurs actions. Du côté de l’armée de l’air, un avion «espion» survolait régulièrement la zone. Equipé d’un radar et d’infra-rouge, il recueillait pour les troupes au sol les informations utiles sur les activités, les communications et les positions des éléments du RSP. Pendant ce temps, un avion de combat, le Super Tucano du constructeur brésilien Embraer, venu de Bobo-Dioulasso, était au sol à la base aérienne. Il était armé et n’attendait qu’un ordre pour intervenir au cas où le RSP opposerait une résistance. Le Super Tucano n’aura pas le temps de décoller, les éléments du RSP s’étant rendus sans combat. Au sol, l’armée de terre encercle le camp Naaba Koom II avec les blindés venus de Fada N’Gourma, de Tenkodogo et du camp Guillaume. Les hommes qui avancent avec eux proviennent du Régiment de parachutistes commandos (RPC) de Bobo-Dioulassso et de Dédougou, en plus des forces antiterroristes basées à Ouahigouya. Ces dernières viennent de sortir d’une formation sur la lutte anti-terroriste dispensée par les Américains qui, par la même occasion, les ont dotées en matériels. L’attaque du camp Naba Koom II était une mise en œuvre pratique des connaissances acquises durant la formation. Aussi, la plupart des hommes qui composent ces troupes ont l’expérience des zones de combat parce qu’ayant fait le Darfour et le Nord-Mali. Une autre force de l’armée de terre qui suit les choses à distance ne va pas tarder à faire parler d’elle. Il s’agit de l’artillerie positionnée en 2 endroits: le camp Sangoulé Lamizana et la zone de Pabré pour ceux qui sont venus de Kaya. C’est depuis la base au camp Sangoulé Lamizana que les sous-officiers à la manœuvre de l’artillerie, formés en Allemagne, ont pilonné le refuge du RSP avec une très grande précision. Ce qui a permis aux troupes au sol de mener les opérations de ratissage par la suite. Mais suite aux détonations, les quelques éléments du RSP qui se trouvaient encore au camp ont déposé les armes, évitant ainsi le combat et le bain de sang. Joël BOUDA
Où était Gilbert Diendéré pendant l’assaut ?
Une des questions que se posent de nombreux citoyens est la suivante: où était Gilbert Diendéré pendant l’assaut du mardi 29 septembre 2015 ?
Voici des tentatives de réponse. A 16h47, une grande détonation se fait entendre, engendrant la panique dans les quartiers Gounghin et Ouaga 2000. Les Ouagalais n’ont pas le temps de réaliser ce qui se passait qu’à 16h52 une autre intervient. Il est 17h16, 4 détonations successives paralysent la ville. Apeurés, les Ouagalais courent dans tous les sens. Selon nos informations, dès les premières détonations, Gilbert Diendéré tente de joindre des médias, en vain. Vu la forte présence de l’armée dans la zone, il essaie sans succès d’atteindre la télé BF1 pour une déclaration. Il fait appeler des radios comme Oméga FM et dans une interview appelle les anciens soldats du RSP à déposer les armes. Par prudence, la radio a enregistré l’interview. «Radio Omega, ne connaissant pas les intentions du Général putschiste Gilbert Dienderé, ne pouvait pas prendre le risque de faire cette interview en direct», précisera plus tard la radio sur sa page Facebook. L’interview diffusée à 18h00 a été enregistrée au environ de 17h45 pendant que les forces armées menaient les opérations de ratissage du camp Naaba Koom II. Cependant, Diendéré indique au journaliste de radio Oméga qu’il est au camp Naaba Koom II. Quelques instants après, il intervient sur BBC Afrique pour appeler les soldats de l’ex-RSP à déposer les armes tout en reconnaissant qu’il est en lieu sûr. Il a servi la même réponse au journaliste de Radio Liberté qui l’a interviewé quelque temps après. Pendant que ces enregistrements passaient en boucle sur les chaines de radios, on apprend que sa voiture a été trouvée non loin de la télé BF1 avec des armes et lui-même a trouvé refuge à l’ambassade du Vatican. Diendéré ne pouvait donc pas être au camp Naaba Koom II les moments qui ont précédé l’assaut et pendant l’assaut. Vu l’impressionnant dispositif déployé autour du camp, il ne pouvait pas en sortir sans être pris. L’hypothèse la plus plausible est la suivante: il s’est retrouvé en dehors du camp avant même le déploiement des forces armées nationales, exposant les soldats à l’attaque des forces armées. Ses ex co-auteurs du coup d’Etat, à savoir le Capitaine Dao Abdoulaye et le Commandant Aziz Korogo, qui ont quitté Naaba Koom II avant l’assaut, n’ont-ils pas été accueillis par les forces armées nationales et conduits au camp militaire basé à côté de l’échangeur route de Pô ? o
Quelles sont les forces étrangères sur lesquelles comptait Diendéré?
Une partie du quartier du Général Gilbert Diendéré était installée dans un bunker au palais de Kosyam. Le chef d’état-major général des armées, le Général Pingrenoma Zagré, et surtout le Premier ministre Isaac Zida, un ex-RSP, connaissent sa position. De là, le téléphone a sonné. Diendéré aurait joint ses anciens collaborateurs dans des pays étrangers selon un communiqué du gouvernement. Le passé de Diendéré le rattrape. Le gouvernement le soupçonne d’organiser l’attaque du pays par des renforts extérieurs. Sous le pouvoir de Blaise Compaoré, le Burkina Faso a été impliqué en tant médiateur mais accusé d’être l’instigateur de plusieurs crises dans la sous-région. Les Généraux Gilbert Diendéré et Djibrill Bassolé faisaient partie des hommes de contacts des protagonistes de ces crises. En Angola, au Liberia, en Sierra Leone, en Côte d’Ivoire, au Nord-Mali, on a aperçu la silhouette de Diendéré. Les soutiens étrangers dont parle le gouvernement ne pouvaient provenir que de ces zones. Mais avec une forte présence française et américaine au Burkina Faso, un pays ne pouvait pas engager officiellement des troupes aux côtés des putschistes. Diendéré ne pouvait compter que sur des groupuscules armés. Dans sa dernière interview, il a récusé cette accusation.
Des soutiens étrangers à Diendéré !
La lettre du Continent dans sa livraison du 30 septembre 2015 indique que des chefs d’Etat comme Alassane Ouattara, Macky Sall et Faure Eyadéma ont tenté de dissuader Gilbert Diendéré d’aller jusqu’au bout du coup d’Etat contre une clémence des Burkinabè qu’ils allaient eux-mêmes négocier, mais en vain. Plusieurs sources confirment cette information. C’est une des raisons pour laquelle les chefs d’Etat de la CEDEAO ont proposé l’amnistie en échange de la reddition de Diendéré. Mais Diendéré s’est entêté pensant réussir son coup. Le président togolais a été chargé d’exfiltrer Diendéré et ses proches, mais l’avion qu’il a envoyé n’a pas été autorisé à atterrir à Ouagadougou. Ce qui amène à se poser la question de savoir si Diendéré avait obtenu la caution d’un chef d’Etat pour ce coup d’Etat ? Ce que l’on peut retenir, pour n’avoir pas condamner le coup de force dès les premiers instants, et pour avoir prôner des élections inclusives, Alassane Ouattara a été taxé de pro-putschiste. Et Blaise Compaoré dans tout cela? Des recoupements d’informations, il ressort qu’il aurait été informé de la préparation du coup d’Etat, mais il aurait lui-même informé Alassane Ouattara. En homme prudent, Compaoré ne voulait pas que son nom apparaisse dans une opération de déstabilisation du Burkina. Compaoré et le président ivoirien ont-ils donné leur aval ? C’est la grosse inconnue de l’histoire. Autre révélation, l’ex-président Blaise Compaoré n’est pas en odeur de sainteté avec Diendéré et Bassolé qu’il accuse de l’avoir trahi les 30 et 31 octobre 2014 pour l’avoir poussé à la démission, alors que les deux Généraux promettaient de faire mater l’insurrection afin de lui permettre de terminer son mandat.
L’Économiste du Faso
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