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Djibril Bassolé sur RFI: «Toutes ces manœuvres visent à favoriser un camp contre l’autre»

 

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Au Burkina Faso, les anciens partisans d’une réforme constitutionnelle en faveur de Blaise Compaoré ne pourront pas se présenter à la présidentielle du 11 octobre prochain. C’est ce que vient de décider le Conseil national de transition (CNT). Premier visé par cette nouvelle loi : Djibril Bassolé, l’ancien ministre des Affaires étrangères, qui était considéré jusqu’à présent comme l’un des favoris de la prochaine élection. Djibril Bassolé n’a pas l’intention de se laisser faire, et il le dit au micro de Christophe Boisbouvier.

RFI : Comment réagissez-vous au vote de cette loi qui exclut les pro-Compaoré des élections d’octobre ?

Djibril Bassolé : Personnellement, je ne me sens pas du tout concerné par les nouveaux textes que le CNT veut imposer au processus électoral. En revanche, je suis contre le principe même de modifier des textes électoraux pour priver des Burkinabè de leur droit constitutionnel. Ce n’est pas au CNT de le faire.

L’un des cerveaux de la révolution d’octobre Guy Hervé Kam dit qu’il est logique d’exclure les pro-Compaoré du futur scrutin parce qu’avant le mois d’octobre dernier, il voulait modifier la loi fondamentale, ce qui était un crime politique ?

Non, c’est excessif. Moi, je ne crois pas un seul mot de ces artifices juridiques et des tentatives de justification. Ce qui apparaît de manière flagrante, ce qui est grave de conséquence, c’est la volonté délibérée du CNT, du ministère de l’Administration territoriale et de certaines associations d’exclure des Burkinabè de la compétition électorale, de porter ainsi de graves atteintes aux droits fondamentaux et aux libertés démocratiques individuelle et collective. En réalité, toutes ces manœuvres visent à favoriser un camp contre l’autre.

Mais est-ce que ce n’est pas vous qui, en voulant modifier la Constitution l’année dernière, avez porté atteinte aux droits fondamentaux ?

Non, d’abord ce n’est pas moi.

Quand je dis vous, c’est le camp du président de l’époque, Blaise Compaoré ?

Voilà, mais c’était une tentative tirée de la Constitution. Ce que je persiste à croire, c’est que l’appréciation politique n’était pas la bonne, de la part du parti au pouvoir, du parti majoritaire. Ceci étant dit, il y a eu une insurrection populaire et les objectifs des insurgés ont été atteints largement. A partir de ce moment, ce qui est de l’intérêt de tous en réalité, plutôt que de se réfugier derrière des artifices juridiques, c’est que nous puissions nous réconcilier et nous retrouver. Je mets en garde tous ceux qui essaient d’exclure des candidats potentiels, surtout en faisant procéder à des arrestations. Les détentions arbitraires qui sont en cours aujourd’hui, du fait simplement de l’appartenance politique et du fait des opinions qu’ils ont pu émettre, la volonté est délibérée d’écarter des adversaires politiques ou de les éliminer.

« Pas de liberté pour les ennemis de la liberté », disait Saint-Juste ?

Qui est l’ennemi de la liberté ? Aujourd’hui, ce qui est sûr, c’est qu’il y a des arrestations, il y a des persécutions, il y a des détentions illégales.

En pensant très fort à vous, l’ex-opposant Ablassé Ouédraogo a eu cette formule : « Si j’étais dans le camp des anciens partisans de Blaise Compaoré, je prendrais un peu de recul. Il ne faut pas forcer le destin » ?

Personne ne force le destin, pourquoi ? L’élection est un moment de retrouvailles où le peuple choisit ses dirigeants. La réalité, c’est qu’eux tous ont peur de la compétition électorale. Ils ont peur de ne pas gagner le pouvoir. Et maintenant, tous les artifices sont bons pour simplement éliminer les adversaires politiques.

Donc cette loi du 7 avril, c’est essentiellement contre vous ?

Je vous dis, je ne me sens pas concerné. De toute façon, le processus de négociations et de consultations que j’ai entrepris continue et je serai à même bientôt d’annoncer ma candidature. Je ne crois pas qu’on puisse comme ça, par des artifices juridiques, m’éliminer de la compétition électorale.

C’est-à-dire que vous espérez une annulation de cette loi du 7 avril par le Conseil constitutionnel ?

En tout cas, je souhaite que tous les acteurs, que ça soit Ablassé Ouédraogo, que ce soit Kam Hervé, que tous les acteurs abandonnent l’idée d’exclusion.

Mais au-delà de cette polémique, en octobre dernier vous avez perdu la partie. On est aujourd’hui dans un temps de révolution. Est-ce que vous n’avez pas intérêt à laisser passer quelques années, quitte à revenir en politique dans cinq ou dix ans ?

Ça, c’est le libre choix des acteurs politiques. Je me demande pourquoi vous-même, vous pouvez me poser une telle question. Quand on dit compétition électorale, chacun est libre de s’engager en politique. Pourquoi dans dix ans, pourquoi dans cinq ans, pourquoi pas définitivement ? Non, je ne crois pas que ce soit à eux de s’occuper des autres. Ils n’ont qu’à s’occuper d’eux-mêmes. Ils n’ont qu’à s’occuper de leur propre carrière politique. Il n’y a pas de censeur qui peut s’ériger en donneur de leçons.

Est-ce qu’il faut enquêter sur les crimes de sang commis sous l’ancien régime ? Et est-ce qu’il faut que l’ancien président Blaise Compaoré soit traduit en justice ?

Non, il est clair que nous ne pouvons pas favoriser l’impunité. Aujourd’hui, il est clair que nous devrons faire un effort pour que tous les faits qui ont été commis, que tous ces faits soient correctement jugés et que les sanctions pénales adéquates soient prononcées.

Si jamais vous êtes autorisé à vous présenter et si jamais vous êtes élu, est-ce que vous serez pour ou contre des poursuites judiciaires contre l’ancien président Blaise Compaoré ?

Pour ce que l’ancien président aura posé comme actes, il sera poursuivi et jugé. Ce n’est même pas à moi de dire oui ou non, ça sera à la justice indépendante d’engager les poursuites qui vont bien. Je ne voudrais pas donner l’impression de m’acharner personnellement et particulièrement contre quelqu’un, j’assume aussi que je ne serai pas du tout complaisant sur les questions de justice. Je ne ferai aucune intrusion sur les questions de justice.

Etes-vous en contact actuellement avec Blaise Compaoré dans son refuge d’Abidjan ?

En contact, non. Je suis allé lui rendre une visite de courtoisie immédiatement après son départ, mais en dehors de cela, non nous n’avons pas de contact particulier.

Vous êtes l’un des rares dignitaires de l’ancien régime dont la maison n’a pas été incendiée à Ouagadougou, le 30 octobre dernier. Pourquoi ?

J’ai été épargné, Dieu merci. Les manifestants ne s’en sont pas pris à mes biens. Je considère que j’étais parmi ceux qui manifestaient beaucoup de prudence et de précautions dans la mise en œuvre du projet. Vous vous souviendrez qu’en 2011 lors de l’entretien que nous avons eu sur RFI, j’appelais l’attention des Burkinabè et de la classe dirigeante sur les risques et dérives possibles liés au projet de modification de l’article 37.

Vous aviez mis en garde Blaise Compaoré ?

Oui, c’était assez clair.

Et vous étiez en contact avec le Balai citoyen et Guy-Hervé Kam ?

Non, pas pour autant. Je le connais par contre. Je les connais tous. Nous nous connaissons bien, mais on n’avait pas d’activités concertées.

Est-ce que la France a joué un rôle dans la chute de Blaise Compaoré ? Est-ce qu’elle l’a poussé vers la sortie ?

Non, je ne crois pas. La France comme d’autres puissances amies ont pu donner des conseils par rapport à l’évolution de la situation. Mais par rapport aux évènements des 30 et 31 octobre, la France a prêté le concours des moyens humains et matériels nécessaires pour exfiltrer le président sur la Côte d’Ivoire. Mais en dehors de ça, je ne crois pas qu’il y ait eu un rôle particulier joué par la France.

Par sa lettre du 10 octobre précédent, invitant Blaise Compaoré à peut-être viser la Francophonie plutôt qu’un troisième mandat, est-ce que François Hollande n’a pas d’une certaine façon poussé Blaise Compaoré vers la sortie ?

Poussé vers la sortie ? Non. Ce que le président français proposait — j’étais bien placé pour le savoir puisque tout passait par le canal diplomatique à l’époque —, qu’il puisse prendre la Francophonie au lieu de persister à modifier l’article 37. Mais cette offre n’a pas été acceptée par le président Compaoré à l’époque. Mais on ne peut pas dire pour autant que le président français ait poussé le président Compaoré vers la sortie. Je crois que c’était une offre comme une autre pour éviter que le projet de modification de l’article 37 aille à son terme.

Qu’est-ce que vous dites aujourd’hui à tous ces présidents africains — Pierre Nkurunziza, Denis Sassou-Nguesso, Joseph Kabila, Paul Kagamé -, qui sont tentés par un troisième mandat ?

Je ne dis rien du tout. Je ne me permettrais pas dans ma position actuelle de faire des leçons à ces présidents. Je souhaite simplement qu’ils soient plus à l’écoute de leur peuple et que toutes les décisions qu’ils seront amenés à prendre puissent recueillir l’adhésion de la majorité des populations, en particulier les jeunes.

Qu’est-ce que vous pensez de la vague d’arrestations de membres de mouvements citoyens congolais, burkinabè et sénégalais. C’était à Kinshasa il y a un mois ?

Dieu merci, ils ont été libérés.

En ce qui concerne les étrangers, mais pas les Congolais.

Là aussi, c’est pareil. Me demander mon appréciation sur des dispositions internes. Ce qu’on peut généralement préconiser, c’est que les citoyens ne soient pas persécutés et que si actions judiciaires il y a, elles se fassent dans des conditions légales et réglementaires.

Est-ce que vous êtes pour ou contre le principe d’une nouvelle règle au niveau de l’Union africaine : deux mandats maximum pour un chef de l’Etat ?

L’alternance aujourd’hui est le mode de gouvernance qui correspond mieux aux aspirations des populations. Il est clair que si un individu ou un groupe d’individus confisquent le pouvoir pendant très longtemps, il peut effectivement s’avérer que les maux en général de la société, les problèmes non résolus, la malgouvernance, que tous ces maux soient attribués à ce groupe ou à cet individu qui reste au pouvoir pendant longtemps.



13/04/2015
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