Ecoutes Bassolé-Soro : de nouveaux soupçons d’interception par les Etats-Unis
Dans une ordonnance du Tribunal militaire de Ouagadougou que Mondafrique a pu consulter, les fichiers contenant les écoutes supposées entre Djibril Bassolé et Guillaume Soro apparaissent titrés en anglais. De quoi raviver les interrogations sur d'une possible interception par des services étrangers.
Les conversations téléphoniques supposées entre Djibril Bassolé et Guillaume Soro auraient-elles été interceptées par une puissance étrangère ?
La thèse n’est pas nouvelle. Depuis la publication sur internet le 12 novembre 2015, d’un enregistrement qui donne à entendre les voix supposées de l’ex ministre des affaires étrangères de Blaise Compaoré et du président de l’Assemblée nationale ivoirienne discutant de leur soutien au putsch de septembre 2015 contre la transition, beaucoup à Ouagadougou soupçonnaient des services étrangers d’avoir fourni ou du moins capté ces écoutes parvenues plusieurs semaines plus tard entre les mains de la justice burkinabè.
Hypothèse balayée
Trois pays font, depuis le début, figure de principaux suspects. La Côte d’Ivoire où le ministre de l’intérieur, Hamed Bakayoko mène une lutte feutrée contre son frère ennemi Guillaume Soro dans la course à la succession au président Alassane Ouattara. La France dont le matériel et la technologie de surveillance dans cette région du monde est en mesure de procéder à une telle interception. Enfin les Etats-Unis dont l’ambassadeur à Ouagadougou entretient une grande proximité avec l’ex premier ministre de la transition Isaac Zida, ennemi juré de Soro et soutien discret de Roch Marc Christian Kaboré lors des élections présidentielles de novembre 2015 qui ont conduit ce dernier à la tête de l’Etat.
Couramment reprise dans les cercles politiques burkinabè au début de l’affaire des écoutes, l’hypothèse d’une interception par des services de renseignement étrangers avait toutefois été mise en sourdine suite aux révélations de Jeune Afrique sur la mise en place, au début de la transition, d’un système de renseignement parallèle par Zida et son bras droit, le colonel Auguste Denise Barry, ministre de l’Administration territoriale et de la Sécurité.
Selon un article publié le 5 mai 2016, les deux responsables auraient en effet acquis « du matériel sophistiqué auprès d’une firme étrangère et rem(is) en service une vieille table d’écoutes du ministère de l’Administration territoriale et de la Sécurité, basée dans le quartier populaire de Gounghin, à Ouagadougou. » Un dispositif qui aurait permis d’intercepter de nombreuses conversations téléphoniques avant et pendant le putsch dont celle, explosive, entre Guillaume Soro et Djibril Bassolé.
Fichiers en anglais
De nouveaux éléments de l’enquête judiciaire pourraient cependant donner un nouveau souffle aux soupçons d’utilisation d’une technologie étrangère et d’intervention de services étrangers.
Dans une ordonnance datée du 5 octobre que Mondafrique a pu consulter, le juge d’instruction du Tribunal militaire, M. Yameogo, qui formule une demande d’expertise des enregistrements par un professeur allemand du nom d’Hermann J. Künzel cite les trois fichiers sonores contenus dans la clé USB placée sous scellé. Or, ceux-ci sont titrés en anglais. Les deux premiers comprenant les conversations supposées entre Bassolé et Soro apparaissent sous la formule : « Soro to Bassole as at 22h11 » ; « Bassolet to Guillaume Soro as at 270915 22H59. Le troisième, contenant un court dialogue entre Bassolé et le commandant de l’armée régulière burkinabè Paul Henri Damiba fait mention de son grade sous le raccourci MAJ pour « major ».
De quoi nourrir les interrogations sur une éventuelle implication des Etats-Unis. Selon un proche de Djibril Bassolé, les autorités de la transition auraient, au moment de la tentative de coup d’Etat, demandé la coopération de Washington pour placer certaines personnalités sur écoute, dont Djibril Bassolé, avançant la crainte que l’ex ministre des affaires étrangères ne mobilise des éléments terroristes de la région lors du pustsch. Diplomate de carrière engagé dans plusieurs médiations internationales notamment au nord Mali où il s’est rendu en août 2012 en tant que médiateur de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDAO), Djibril Bassolé a maintenu de nombreux contacts dans la sous-région notamment au sein de groupes rebelles touaregs et arabes.
A Ouagadougou, Washington entretenait, lors de la transition, d’excellentes relations avec les autorités burkinabè dont l’ex président Michel Kafando, ancien ambassadeur auprès des nations unies à New York connu pour ses positions favorables aux Etats-Unis et l’ex premier ministre Isaac Zida. Au delà de sa proximité avec l’ambassadeur américain Tulinabo Mushingi dont il partage la religion évangéliste, Zida n’a jamais fait mystère de son attrait pour les Etats-Unis. Au point de faire intervenir Mushingi afin de plaider sa cause fin 2015 auprès du président Kaboré alors fraichement élu, pour obtenir un poste d’ambassadeur à Washington. À plusieurs reprises sous le régime précédent, les autorités américaines peu favorables à Blaise Compaoré avaient par ailleurs exprimé leur mécontentement face à sa volonté de se maintenir au pouvoir.
par Thalia Bayle - Mondafrique
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