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Eglise évangélique Baptiste de Bobo-Dioulasso : Le torchon brûle entre des fidèles et leur pasteur

Eglise évangélique Baptiste de Bobo-Dioulasso : Le torchon brûle entre des fidèles et leur pasteur

Depuis quelques jours déjà, le monde de l’Eglise évangélique Baptiste de Bobo-Dioulasso est secoué par une crise. En effet, des jeunes de cette confession religieuse veulent « la tête » de leur pasteur et celle du gestionnaire du cabinet dentaire Baptiste, sis au secteur 10 (quartier Yéguéré) de Bobo-Dioulasso. Selon les manifestants qui ont exprimé leur ras-le-bol le samedi 8 mai 2021, cette crise est née de la mauvaise gestion de la clinique dentaire et de certains « mauvais comportements » du pasteur Dénis Dakuyo.

Des jeunes de l’Eglise évangélique Baptiste de Bobo-Dioulasso ont protesté, le samedi 8 mai dernier, contre la mauvaise gestion du cabinet dentaire Baptiste, sis au quartier Yéguéré, et ses « répercussions négatives » sur la vie communautaire des fidèles. « Cette mauvaise gestion affecte négativement la vie spirituelle et socio-économique de nos églises Baptiste », a déploré Alain Stéphane Bado, secrétaire général du bureau de la jeunesse Baptiste de Bobo-Dioulasso.

Cette crise oppose aujourd’hui le bureau de l’Union des églises évangéliques Baptiste (le bureau national), sis à Ouagadougou, et le bureau de l’Association de Bobo (des jeunes réunis au sein dudit bureau). Les manifestants dénoncent la complicité de leur Union qui, selon eux, veut faire du centre un bien familial. A travers cette manifestation, ils déplorent la gestion de la clinique qui depuis un certain temps, ne semble plus remplir sa vocation, c’est-à-dire, aider la population avec ses prestations aux prix sociaux. Ils dénoncent également le mauvais traitement des travailleurs par le licenciement abusif de certains qui ont essayé de s’adresser au bureau exécutif sans gain de cause.

A en croire les manifestants, le cabinet dentaire a été réalisé par la Mission Baptiste américaine depuis 1986 avec pour objectif d’atteindre les populations par l’évangile en utilisant cette œuvre sociale. « Le cabinet dentaire est donc une structure à but non lucratif. A travers les activités de ce cabinet, plusieurs églises locales ont été implantées à Bobo-Dioulasso et dans certains villages. Après le départ des missionnaires, le cabinet dentaire a été légué aux nationaux en 1997. Ces derniers ont continué les activités au sein du cabinet tout en gardant son caractère social et confessionnel, jusqu’à ce que l’actuel bureau national de l’Eglise Baptiste vienne tout désorganiser au sein du cabinet », a déploré Alain Bado, porte-parole des manifestants.

Alain Bado, porte-parole des manifestants

Il a aussi souligné que cette clinique qui, initialement était à but non lucratif, a été transformée en un lieu de commerce, écartant son caractère social et sa vision d’annoncer l’évangile. « Les tarifs des actes et les produits sont augmentés de façon exagérée. Le nouveau gestionnaire qui a été recruté a commencé à rendre impossible la vie des travailleurs du cabinet provoquant ainsi la dégradation du climat social et du travail au sein de la structure », a-t-il renseigné.

Selon lui, c’est cette situation qui aurait provoqué le départ de tous les agents de santé qui y travaillaient depuis plusieurs décennies. « Par la suite, tout le personnel permanent a été licencié sans raison valable. Les pasteurs de la région qui se sont levés pour attirer l’attention du bureau national de l’Eglise évangélique Baptiste, dans le but d’apaiser le climat social, n’ont pas été compris, et même qu’ils ont été convoqués devant les tribunaux. Ce bureau national en complicité avec le pasteur Dénis Dakuyo, cherche à semer la division dans notre communauté. Et à cause de cette situation du cabinet, le pasteur a fermé la porte de notre église centrale de Bobo aux différentes structures de la région, les empêchant de mener leurs activités », a laissé entendre Alain Bado.

Les manifestants menacent de passer à la vitesse supérieure si rien n’est fait

C’est face à cette situation qui, selon eux, affecte négativement leur témoignage chrétien en particulier et la vie de l’église en général, que les manifestants ont exprimé leur ras-le-bol. Ainsi, ils disent vouloir se battre pour que l’Eglise Baptiste de la région des Hauts-Bassins reste unie. Cependant, pour le retour de la paix, de l’unité et de la cohésion sociale au sein de leur communauté, ils exigent que le cabinet dentaire soit fermé jusqu’à ce qu’un consensus soit trouvé pour une meilleure gestion. « Nous n’acceptons aucun document faisant mention de l’expulsion de tout membre de l’église Baptiste à Bobo et par ailleurs nous refusons la mise en place d’un comité de transition qui exclut la majeure partie de nos responsables de la région. Si toutefois, nous n’avons pas de réponse qui prenne en compte nos revendications, nous serons obligés de passer à la vitesse supérieure », a prévenu Alain Bado.

« On veut couper ma tête parce que je veux changer les choses »

Par la suite, nous avons rencontré le gestionnaire de la clinique et le pasteur Dénis Dakuyo. Le gestionnaire du cabinet, Aziz Koara Tagnan, dit ne pas se reconnaitre dans les faits qui lui sont reprochés. Selon lui, ces manifestants veulent sa tête parce qu’il veut le changement au sein de la structure. « Je ne me reconnais aucunement dans ce que certains disent. Il y a des diffamations sur ma personne. Nous sommes une structure confessionnelle et notre mission est de servir les populations. J’ai été recruté par le bureau national pour venir servir dans ce centre, le 13 juin 2019. Lorsque je suis arrivé, j’ai d’abord cherché à comprendre le fonctionnement de la boite. Quand j’ai été installé, j’ai constaté qu’il y avait des irrégularités sur certains points. En termes de gestion, s’il y a un contrôle ici et que les choses ne sont pas en règle, moi qui suis le gestionnaire, on va m’interroger et on va se poser des questions sur ma formation », a-t-il expliqué.

Aziz Tagnan, gestionnaire du cabinet dentaire Baptiste

C’est face à cette situation d’irrégularité qu’Aziz Tagnan a voulu « mettre de l’ordre » au sein du cabinet. « Malheureusement on veut ma tête parce que nous voulons changer les choses », a-t-il déploré. Il a par ailleurs indiqué que le cabinet dentaire a une convention avec le ministère de la Santé. Pour cela, le cabinet est dans l’obligation de se conformer sur certains plans. « Au niveau de la convention, nous pouvons avoir un CSPS qui réunit le dispensaire et la maternité. Mes patrons m’avaient déjà remis le projet. Je suis venu trouver qu’il y avait des attachés (de santé) qui faisaient des prestations. Ces derniers avaient 20% du chiffre d’affaires du centre sans déduction de charge sur chaque malade. Nous avons voulu passer au système de permanent qui allait avoir un salaire fixe et afin de contrôler nos charges. Aussi, nous avons recruté des chirurgiens-dentistes pour augmenter la qualité de nos prestations et diminuer les heures de prestations des prestataires », a expliqué le gestionnaire du cabinet dentaire.

A en croire ce dernier, ce sont toutes ces actions qui seraient à la base de cette crise, car elles ne seraient pas du goût des anciens employés qui n’ont pas manqué d’exprimer leurs sentiments de mécontentement. « Le 30 juillet 2020, après des concertations, les vacataires ont décidé de ne plus venir prester parce que je veux faire venir des médecins chirurgiens-dentistes. Et ils ont décidé d’arrêter la collaboration. Les chirurgiens-dentistes sont venus et nous avions continué à fonctionner normalement. On s’est rendu compte qu’il y avait une tension à l’interne. Certains n’étaient pas contents que les vacataires soient partis et que des médecins chirurgiens-dentistes soient venus et qu’on ait envie de changer la qualité des prestations. Quand il pleuvait, les gens refusaient de venir travailler. Quand j’ai fait une note de service pour rappeler les heures de travail, d’autres ont trouvé que je leur manquais de respect. Ils ont même fait des écrits pour me déstabiliser, pour me ternir, et mes patrons ont toujours été là pour me soutenir », a relaté Aziz Tagnan.

Il a affirmé qu’en novembre 2020, des jeunes se sont levés pour s’insurger contre la gestion de la clinique et du comportement du gestionnaire qu’il trouvait compliqué. Ces jeunes, à travers leur manifestation, sont allés jusqu’à bloquer les portes de la clinique, empêchant le personnel de travailler. Suite à ces agissements, le bureau national s’est déporté à Bobo-Dioulasso pour s’imprégner de la situation. A l’issue d’une rencontre, ledit bureau avait proposé de mettre en place un comité de gestion qui allait regrouper le président des églises évangéliques Baptiste, deux représentants de Bobo-Dioulasso et un de Ouagadougou. « Ils ont rejeté cette proposition et demandé le départ du gestionnaire et des médecins chirurgiens-dentistes recrutés », a-t-il dit.

Il a rappelé que le centre ne bénéficie pas de subvention. « Par rapport à la flambée des coûts qu’ils évoquent, je rappelle que nous fonctionnons sur fonds propre et les employés qui sont là ont droit à leur salaire », a lancé le gestionnaire. Avant de poursuivre : « Aujourd’hui, l’affaire est en justice. La mauvaise gestion ne vient pas de moi, elle vient d’ailleurs. Nous prônons le dialogue toujours ».

« L’église évangélique Baptiste ne tolère pas l’indiscipline »

Face à la crise, certains fidèles ont été excommuniés des églises évangéliques Baptiste. Ils sont accusés d’indiscipline. « L’église ne tolère pas l’indiscipline. Lorsque quelqu’un trouble la quiétude, la paix, il y a des sanctions et la plus forte sanction c’est l’excommuniation. Et c’est ce qui est arrivé à ces personnes qui se sont mal comportés devant nos responsables ecclésiastiques. C’est ce qui a mené le bureau national à les exclure de l’église », a expliqué le pasteur Dénis Dakuyo de l’église Baptiste centrale de Bobo-Dioulasso.

Pasteur Dénis Dakuyo de l’église évangélique Baptiste de Bobo-Dioulasso

Selon lui, ces excommuniés peuvent aller vivre leur foi ailleurs. Aussi, il a annoncé que leur association, née de cette crise, n’est pas reconnue par le bureau national, car n’étant pas légale. « Ce bureau qu’ils ont mis en place n’est pas légal. Il a été créé pour nous blâmer et de nous chasser de cette église parce que j’ai refusé de suivre leur mouvement. Cette situation est vraiment déplorable et je pleure l’avenir de l’église Baptiste à Bobo. Dans l’histoire nous n’avons jamais vu cette situation. C’est une première et nous souhaitons qu’elle soit la dernière. Mon souhait est que les différents pasteurs qui sont en train d’instrumentaliser les jeunes, que chacun mette de l’eau dans son vin et qu’ils reviennent dans la parole de Dieu qui est le pardon, la soumission et le dialogue. Qu’ils se repentent », a conclu le pasteur Dénis Dakuyo.

Romuald Dofini
Lefaso.net



12/05/2021
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