Interpellation de Salif Kaboré à Accra : Retour sur un mandat d’arrêt à problème
Notre Temps: En mission à Accra le dimanche 23 août dernier, vous avez été interpellé à votre atterrissage par les forces de sécurité ghanéennes. Pouvez-vous revenir sur les circonstances de cette interpellation?
Salif Kaboré: Je vous remercie pour l’opportunité que vous m’offrez de revenir sur l’interpellation dont j’ai été victime lors de ma mission à Accra. En réalité c’est une invitation reçue par le gouvernement burkinabè de la part du centre international Koffi Annan. C’est un centre qui est spécialisé dans la formation des acteurs chargés de la riposte des catastrophes à travers différents pays. Au niveau du Burkina Faso, il y a environ une soixante de participants qui ont été invités à prendre part à ce séminaire international. Faisant partie des acteurs qui mènent des actions dans la gestion des risques des catastrophes au plan national, j’ai été associé à cette mission par le gouvernement burkinabè à travers le Ministère de l’Action sociale et de la Solidarité nationale (MASSN). C’est ainsi que j’ai quitté Ouagadougou le 23 août dernier avec un passeport de service, l’ordre de mission du gouvernement burkinabè et celui délivré par mon organe Ouaga FM.
J’avais donc tous les documents nécessaires qui pouvaient me permettre de voyager dans de très bonnes conditions, et sans inquiétude. J’ai alors quitté Ouagadougou sans problème. On est passé par Abidjan et là aussi je n’ai eu aucun problème. C’est quand on a atterri à Accra aux environs de 19 heures le dimanche 23 août 2015, que le service d’immigration m’a interpellé au niveau du contrôle. Constatant le nom Salif Kaboré sur mon passeport, l’ordinateur d’enregistrement a déclenché un signal. Ce signal voulait tout simplement dire que c’est un nom qui est recherché. Très rapidement, la police ghanéenne m’a conduit à un autre poste toujours à l’intérieur de l’aéroport où se trouvaient une vingtaine de policiers qui m’ont automatiquement encerclé. Durant tout ce temps, je ne comprenais pas ce qui m’arrive. Je leur ai demandé «what is the problem?» «Quel est le problème?». Ils m’ont tout simplement répondu, «your name is the problem!» «Ton nom est le problème». Sur-le-champ, j’ai cherché à comprendre pourquoi on m’interpelle à Accra. Les policiers me font comprendre qu’il s’agit d’un mandat d’arrêt international qui a été lancé par le Burkina Faso contre Salif Kaboré. Je leur ai fait comprendre qu’avant d’atterrir à Accra, j’ai pris l’avion à l’aéroport de Ouagadougou.
Je suis passé par celui d’Abidjan et si je devrais être interpellé c’était depuis le Burkina Faso. Malheureusement, les policiers ghanéens ne voulaient rien comprendre. Après un interrogatoire de plus de deux heures, je suis conduit au service d’Interpol d’Accra, où j’ai encore subi un interrogatoire de près d’une heure avant d’être renvoyé à ma chambre d’hôtel sous escorte policière. La délégation burkinabè qui m’attendait et qui s’inquiétait pour moi est rentrée à l’intérieur de l’aéroport pour me chercher. De 19 heures, on est sorti de l’aéroport aux environs d’une heure du matin. Et même avant de m’escorter sur mon site d’hébergement, tous mes papiers (ordre de mission, carte d’identité, passeport etc.) ont été confisqués. Ils disaient qu’ils procédaient à des vérifications pour savoir si réellement il s’agit du Salif Kaboré recherché ou pas. Ce qui est frustrant, c’est que les policiers eux-mêmes ont reconnu que la date de naissance de Salif recherché n’était pas conforme à la mienne. Mais selon eux, la non concordance des actes de naissance ne justifie pas mon innocence. Ils disent qu’elle peut être falsifiée et qu’il était donc nécessaire de mener une investigation afin de tirer tout au clair. Mon passeport a été confisqué pendant 10 jours. Et chaque fois qu’on se rendait à la police, les agents nous disaient toujours qu’ils n’ont pas encore fini les vérifications.
Mais comment l’affaire a été dénouée finalement?
Comme je viens de le dire, mes documents ont été saisis pour vérification, jusqu’au jour où interpol Ghana me demande de faire venir une lettre du Burkina attestant que je ne suis pas l’individu recherché. Durant tout ce temps, l’administration de OuagaFM était déjà au courant, le ministre de la Sécurité également. Cet ainsi qu’un travail a été fait depuis Ouagadougou et Interpol Burkina a pu notifier à la partie ghanéenne par voie officielle que Salif Kaboré le journaliste qu’ils ont devant eux, n’est pas la personne recherchée. Mais je rappelle que ce n’est pas le Burkina Faso qui a émis le mandat d’arrêt international. C’est un mandat d’arrêt qui a été lancé le 16 février 2015 par Interpol Yaoundé. Et d’après les informations que j’ai reçues, c’est une escroquerie d’or qui se serait produite en fin 2014, début 2015. Alors que personnellement avec le même passeport, je me suis rendu à Paris le 9 juin 2015, et je n’ai pas été inquiété à l’aller comme au retour par la police française. Au regard de ce qui s’est produit à Accra, je me dis quand même que l’aéroport de Paris ce n’est pas du n’importe quoi. Il est mieux organisé et je me dis que comparativement à celui d’Accra, les services ne sont pas les mêmes. Sinon pour un mandat qui a été émis le 16 février, et que je me déplace le 9 juin pour Paris, sans être inquiété, je me dis quand même que je ne suis vraiment pas la personne recherchée.
Je me dis que si réellement Interpol Yaoundé cherche effectivement à mettre la main sur le Salif Kaboré qu’il recherche, il va falloir que ce service envoie des photos de la personne recherchée dans les services Interpol des autres pays, afin d’éviter le calvaire à des citoyens comme nous autres. Sinon, mon problème c’est qu’Interpol Yaoundé en lançant le mandat n’avait pas de photo de celui qui est recherché. Ceci a véritablement compliqué ma situation; sinon s’il y avait la photo, ils auraient compris tout de suite que celui qu’ils ont interpellé n’était pas le bon et qu’il est innocent. Ma chance c’est que les autorités burkinabè ont pris le problème à bras le corps en réagissant rapidement. Je voudrais ici saluer le ministre de la Sécurité, le commissaire Idrissa Séré, chef d’Interpol Burkina qui, à chaque fois, demandait de mes nouvelles; également, le commandant Hubert Paré qui est de la gendarmerie nationale, par ailleurs chef de la délégation; le colonel Zanré chef de service de transmission de l’armée burkinabè qui s’est énormément investi pour que mon passeport me soit restitué. Ils m’ont tous soutenu tout au long de la mission et m’ont rassuré que rien de grave n’allait m’arriver. J’aimerais leur réitérer mes sincères remerciements. Voilà en résumé mon calvaire lors de ma mission à Accra.
Mais est-ce que cet incident a-t-il joué sur le travail pour lequel vous avez fait le déplacement à Accra?
Franchement on ne m’a pas interdit de travailler surtout que les responsables du centre se sont mobilisés pour que le problème soit résolu rapidement. Ils m’ont donné la possibilité de travailler convenablement dans de très bonnes conditions. Seulement mes mouvements étaient très limités, puisque je n’avais pas mes documents sur moi. Si tu es étranger dans une grande ville comme Accra, et tu circules sans document, d’autres policiers peuvent t’interpeller à tout moment. Pour la petite histoire, il y a un policier qui m’a demandé à plusieurs reprises, «what is your room number?», en français ça veut dire «quel est le numéro de ta chambre?». Personnellement je ne comprenais pas pourquoi il tenait à connaitre coûte que coûte le numéro de ma chambre. Je ne pouvais pas le lui donner parce que je me disais que c’était un plan qui était mis en place pour m’enlever en pleine nuit dans ma chambre d’hôtel. Il y avait cette inquiétude qui m’animait constamment. Il m’arrivait même de me réveiller en plein sommeil à trois ou quatre heures du matin car le moindre bruit pour moi était suspect. C’était vraiment difficile, mais dans le cadre du travail, je dois dire que je n’ai pas eu de difficultés. Mais l’esprit était ailleurs.
Entretien réalisé par Edoé MENSAH-DOMKPIN
Notre Temps
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