L'ONU accuse des soldats maliens de représailles contre des groupes ethniques
L'ONU a accusé mardi des soldats maliens d'avoir exercé des représailles contre plusieurs groupes ethniques depuis le début de l'intervention française en janvier dans le nord du pays et a demandé au Mali d'enquêter en vue de juger les responsables.
Les conclusions de la mission d'observation effectuée par le Haut-Commissariat aux droits de l'homme depuis le 18 février "suggèrent que la récente intervention dans le nord du Mali a été suivie par une grave escalade de représailles", a déclaré la Haute-commissaire adjointe, Kyung-wha Kang, devant le Conseil des droits de l'homme de l'ONU.
Ces représailles ont été menées par des membres de l'armée qui semblaient "viser les Peuls, les Touaregs et des groupes ethniques arabes perçus comme soutenant les groupes armés" qui occupaient le nord du Mali depuis 2012, a-t-elle ajouté.
La responsable a expliqué que "la situation a été exacerbée par la propagation de messages incendiaires, y compris à travers les médias, stigmatisant les membres de ces communautés, dont des milliers ont fui par peur de représailles de la part de l'armée malienne".
"Ceux qui restent dans le pays ont peur d'être des cibles non pas pour ce qu'ils ont fait mais pour ce qu'ils sont", a-t-elle ajouté.
Des associations de défense des droits de l'homme comme Human Rights Watch ont déjà accusé les troupes gouvernementales maliennes, qui ont repris le contrôle du nord du Mali aux côtés des forces françaises, de s'en prendre aux civils d'origine arabe ou touareg, soupçonnés d'être complices des islamistes.
Pour Mme Kang, trois points requièrent désormais "l'attention la plus urgente" des autorités: "les déplacements dans le nord du Mali (plus de 200.000 déplacés selon le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés, ndlr), l'augmentation des incidents des violations des droits humains pour des motifs ethniques, et l'insuffisance persistante de la réponse du gouvernement à l'égard des violations des droits humains, y compris l'administration de la justice".
En ce sens, elle a demandé aux autorités maliennes d'enquêter sur les allégations de représailles menées par l'armée et de punir les responsables.
Présent dans la salle du Conseil des droits de l'homme à Genève, le ministre de la Justice du Mali, Malick Coulibaly, a déclaré que les allégations d'exactions imputables aux forces maliennes sont "le fait d'actes isolés dont les auteurs seront poursuivis et punis".
"D'ores et déjà, des militaires soupçonnés d'exactions ont été rappelés sans attendre du théâtre des opérations et remis à la justice malienne", a-t-il poursuivi, soulignant que "le Mali n'est pas en guerre contre une ethnie, une race, une religion ou une région".
Le ministre a par ailleurs souligné que son pays a demandé dès 2012 à la Cour pénale internationale (CPI) d'enquêter sur la situation afin de lutter contre l'impunité.
"L'explication est que la CPI peut poursuivre les violations de droits de l'homme que l'Etat malien ne peut ou ne veut poursuivre en application du principe de la subsidiarité", a-t-il dit.
Le Mali n'est pas un des 47 Etats membres actuels du Conseil des droits de l'homme mais comme tous les pays des Nations unies il peut participer aux débats.
Lors de son intervention, Mme Kang a par ailleurs présenté le rapport de la Haute-Commissaire Navi Pillay sur le Mali, un document publié le 7 janvier, avant le début de l'intervention française le 11 janvier.
Ce rapport met en exergue les violations des droits de l'homme commises par le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), Ansar Dine et le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao) dans les trois grandes régions du nord du Mali (Kidal, Gao et Tombouctou) qu'ils controlaient depuis le printemps 2012.
Selon l'ONU, ces "groupes extrémistes" imposaient "une application stricte de la charia", entraînant des violations graves des droits de l'homme, y compris des exécutions sommaires, viols, actes de torture et recrutements d'enfants soldats.
Le document montre aussi que, dans les territoires sous contrôle du gouvernement, la situation était aussi "préoccupante au niveau de l'administration de la justice, de la liberté d'expression et du droit à l'information.
Le rapport signale aussi des cas de militaires et policiers qui auraient été détenus et torturés à Bamako.
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