SAKISIDA

Mali: des soldats français à Kidal, Paris appelle au dialogue

L'armée française était positionnée mercredi à Kidal, dernière grande ville du nord du Mali sous contrôle de groupes armés, tandis que Paris a appelé Bamako à dialoguer avec les populations nordistes et les groupes rejetant "le terrorisme" pour trouver une issue politique au conflit.

Des "éléments français ont été mis en place cette nuit à Kidal", à 1.500 km de Bamako, dans l'extrême nord-est du Mali, près de la frontière algérienne, a affirmé à Paris le porte-parole de l'état-major des armées françaises, le colonel Thierry Burkhard.

Il confirmait des témoignages sur l'atterrisage à Kidal d'au moins un avion français dans la nuit de mardi à mercredi.

L'arrivée de soldats français y intervient après la reconquête, au côté de l'armée malienne et sans grande résistance, des deux autres grandes villes du Nord, Gao et Tombouctou, aux mains de groupes islamistes armés qui y avaient multiplié les exactions depuis plus de neuf mois.

Kidal était le fief d'Ansar Dine (Défenseurs de l'islam), dirigé par Iyad Ag Ghaly (ex-rebelle touareg), un groupe islamiste armé allié à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).

Mais des dissidents d'Ansar Dine, le Mouvement islamique de l'Azawad (MIA), ont récemment affirmé tenir Kidal avec les rebelles touareg du Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA). Le MIA a assuré rejeter le terrorisme et prôner une "solution pacifique" à la crise.

"Les Français ont rencontré des membres du MNLA et aussi le secrétaire général du MIA, Algabass Ag Intalla, ainsi que des notables locaux", a affirmé un membre de l'administration locale.

Selon une source de sécurité malienne, les principaux responsables des groupes islamistes, dont Ag Ghaly et l'Algérien Abou Zeïd, un des émirs d'Aqmi, se sont réfugiés dans le massif des Ifoghas, montagnes au nord de Kidal, près de la frontière algérienne.

Dans toutes les villes reconquises, les soldats français ont pris soin d'apparaître aux côtés de militaires maliens, les laissant patrouiller les rues.

Mais à Kidal, le MIA et le MNLA ont affirmé leur hostilité à la présence de soldats maliens, craignant des exactions contre les communautés arabe et touareg.

"Réconciliation nationale"

 

La France a d'ailleurs appelé mercredi Bamako à "engager sans plus attendre des discussions avec les représentants légitimes des populations du Nord (élus locaux, société civile) et les groupes armés non terroristes reconnaissant l'intégrité du Mali".

Un porte-parole du ministère des Affaires étrangères a aussi salué l'adoption par le Parlement malien mardi d'une "feuille de route" politique pour l'après-guerre. Ce document prévoit notamment une discussion avec certains groupes armés dans le cadre de la "réconciliation nationale" et le président malien Dioncounda Traoré a déclaré espérer des élections avant le 31 juillet.

Mais sur le terrain, la crainte d'exactions continue à se faire ressentir. A Tombouctou, au lendemain de l'entrée des soldats français et maliens, des centaines de personnes ont attaqué mardi des dizaines de magasins tenus, selon elles, par "des Arabes" accusés d'avoir soutenu les islamistes armés.

Face au "risque d'exactions" et de représailles, le Premier ministre français Jean-Marc Ayrault a souhaité "le déploiement rapide d'observateurs internationaux" pour veiller "au respect des droits de l'homme".

Human Rights Watch avait évoqué dès lundi "des risques élevés de tensions inter-ethniques" dans le Nord, où la rivalité est forte entre les minorités arabes et touareg souvent assimilées à des islamistes, et les Noirs, majoritaires au Mali.

A Tombouctou, plusieurs témoignages ont fait état de la destruction d'une partie des précieux manuscrits dans cette capitale intellectuelle et spirituelle de l'islam en Afrique subsaharienne aux XVe et XVIe siècles.

Mais la plupart d'entre eux ont été placés en lieu sûr, a déclaré le responsable du projet de conservation des manuscrits de Tombouctou à l'université du Cap, en Afrique du Sud.

"Une grande majorité a été sauvée (...) plus de 90%", a indiqué Shamil Jeppie. "Il y a eu des dégâts et certains objets ont été détruits ou volés, mais beaucoup moins que ce qu'on a dit dans un premier temps".

"Aux Africains de prendre le relais"

Selon lui, les conservateurs et archivistes avaient commencé à déplacer les documents - il y en a des dizaines de milliers - vers Bamako avant l'arrivée des islamistes à Tombouctou l'an dernier.

Mardi, un journaliste de l'AFP a constaté que le sol de l'Institut des hautes études et de recherches islamiques Ahmed Baba, à Tombouctou, était jonché de cendres et de rares fragments de manuscrits, leurs couvertures en cuir finement décorées noircies par le feu.

L'opération sur Tombouctou est survenue deux jours après la prise de Gao, la plus peuplée des villes du nord et un des bastions islamistes, à 1.200 km au nord-est de Bamako.

Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères, a affirmé mercredi que les forces françaises quitteraient "rapidement" le Mali, ajoutant: "Maintenant, c'est aux pays africains de prendre le relais".

A Addis Abeba, une conférence de donateurs internationaux a levé mardi 455 millions de dollars (338, M EUR) destinés aux besoins militaires et humanitaires du Mali.




30/01/2013
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