SAKISIDA

Procès du meurtre d'un Ivoirien: entre esprit de corps et méthodes choquantes

Certains militaires trouvent injuste que leurs anciens collègues soient sur le banc des accusés, d'autres viennent se dire à la barre choqués par ce qu'ils ont fait. L'armée se serre les coudes ou se juge au procès du meurtre de l'Ivoirien Firmin Mahé.

Vendredi, deux témoins se sont toisés au procès devant la cour d'assises de Paris des quatre anciens membres de la force Licorne en Côte d'Ivoire poursuivis pour le meurtre en mai 2005 de Firmin Mahé, qu'ils considéraient comme un criminel, un "coupeur de route".

D'un côté, Laurent Peyroux, 32 ans, chef de patrouille au 4e régiment de chasseurs de Gap. De l'autre, Jonathan Mouche, 31 ans, sergent-chef dans le 13e bataillon de chasseurs alpins de Chambéry.

A l'époque des faits, le premier appartenait au Peloton de reconnaissance et d'intervention antichar (PRIAC) commandé par l'adjudant-chef Guy Raugel et basé dans la "zone de confiance", entre le nord rebelle et le sud loyaliste de la Côte d'Ivoire.

Le 2e appartenait à une Section de recherches (SR) chargée elle aussi de recueillir du renseignement dans le secteur.

Des quatre accusés, Guy Raugel est celui qui a reconnu avoir étouffé Firmin Mahé avec un sac plastique alors qu'il était transporté dans un blindé léger entre la localité de Bangolo et la ville de Man. Il avait agi sur ordre du colonel Eric Burgaud.

L'adjudant-chef Raugel est "le meilleur chef que j'aie jamais eu", a déclaré le soldat Peyroux. Et des chefs "j'en ai eu un paquet".

Les accusés "n'ont rien à faire ici, j'aurais pu être à leur place, n'importe qui dans le peloton aurait fait la même chose", a-t-il poursuivi, rappelant que la bande de Mahé terrorisait les populations.

Au matin du 13 mai 2005, Laurent Peyroux faisait partie de la patrouille qui avait localisé Mahé au bord d'une route. Le suspect s'était enfui, bien que blessé à une jambe par un tir français.

Sur place, il avait trouvé un pistolet "dans la brousse, tout près du lieu de l'interpellation", a-t-il raconté. Selon lui, Mahé s'en était débarrassé.

"Des gens lui ont marché dessus"

"Dans l'après-midi, le blessé était retrouvé par une patrouille de la section de recherches. Le sergent Mouche était là et a mis en doute la version des hommes de l'adjudant-chef Raugel, dont les méthodes de "cow-boy" étaient connues, a-t-il affirmé.

Il a suggéré que l'arme ait pu être placée là pour légitimer les tirs du matin sur Mahé, en dehors de toute légitime défense. Il a émis des doutes sur l'identité de l'homme arrêté. Il a déploré des violences dont Mahé a été victime lorsqu'il a été amené au cantonnement du PRIAC.

"Des gens lui ont marché dessus... il a reçu des coups, beaucoup d'entre nous étions choqués", a-t-il dit.

Concernant la mort de Mahé, il a "du mal à digérer cette chose-là". "Je ne pensais pas que l'armée française puisse faire des choses comme ça", a-t-il poursuivi, ajoutant qu'il s'était immédiatement ouvert de son trouble au colonel Burgaud.

Le sergent a aussi dit que lorsque le convoi transportant Mahé s'était ébranlé vers Man, il avait le sentiment qu'il n'arriverait pas vivant.

"Vous saviez que Mahé allait arriver mort et vous n'avez rien fait. Comme les autres, vous avez obéi aux ordres", lui a lancé Jean Balan, un des avocats de la défense, laissant entendre qu'il aurait pu lui aussi être poursuivi pour non-assistance à personne en danger.

Le procès, entamé mardi, est prévu jusqu'au 7 décembre.

Les membres de la famille de Firmin Mahé, qui affirment qu'il n'était pas un bandit, n'ont pas encore assisté aux débats mais, ayant finalement obtenu leurs visas, ils seront là lundi, selon leur avocat.



01/12/2012
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