"saborder la production cinématographique ", Mariam Vanessa TOURE repond à JJ
DROIT DE RÉPONSE
À MONSIEUR LE DIRECTEUR DE PUBLICATION DE JJ
Dans votre parution N* 1244 du 23 au 29 juillet 2015, notamment à la rubrique "Mea culture" intitulée "cri du cœur du cinéma burkinabé", vous formulez des récriminations contre l'actuelle équipe dirigeante de la Radiodiffusion Télévision du Burkina (RTB) que vous accusez de "saborder la production cinématographique ". Vous affirmez également que "les tarifs de diffusion des bandes promotionnelles des films sont passés du simple au double". Ce sont des allégations mensongères et vous en êtes, j'en suis persuadée bien conscient. La grille tarifaire de la RTB date de mars 2009 et n'a connu aucune modification à ce jour, encore moins une hausse.
Je ne me permettrais pas de vous demander d’où vous tirez vos chiffres, mais je suis sidérée par la désinvolture avec laquelle vous publiez ces contre-vérités. Je ne vous fais pas l’insulte de penser que vous n’avez pas pris la précaution élémentaire de vérifier vos sources parce que, franchement, entre nous, les tarifs de la RTB ne constituent pas un secret-défense et il n’est nul besoin d’être journaliste pour avoir toutes les informations sur notre grille tarifaire.
Notre métier a des exigences, notamment celle de la véracité des faits. Lorsque l'on s'improvise journaliste du jeudi, il y'a des risques de passer à côté de l'essentiel. Et l'essentiel pour nous c'est d'informer le public pour répondre à son droit : celui de savoir. Non la RTB n'a pas de mépris pour le 7eme Art, et je l'affirme avec force. À titre personnel, je n'ai pas non plus de mépris pour le cinéma. Si tel était le cas, je ne vois pas comment j'aurais acceptée d'être membre du jury officiel court métrage lors du dernier FESPACO pour ne citer que cet exemple, car voyez-vous, je n'ai pas été éduquée dans la culture de la duplicité pour accepter un grand écart intellectuel d'une telle nature.
Par ailleurs, je n'ai de mépris pour personne, et je suis peinée de vous entendre dire que je me moque des conditions de vies et de travail de la grande majorité des burkinabé. Le service public pour moi c'est un sacerdoce. J'ai consacré à ce jour plus de 20 ans de ma vie à l'audiovisuel public et au service public de télévision. C'est un choix et je ne prétends pas avoir plus de mérite que quiconque. Je conviens avec vous que " le service public suppose sortir du confort de "celui qui a tout chez lui"...", le hic c'est que je ne me reconnais pas du tout dans les propos entre guillemets que vous m'attribuez, et je vous mets au défi d'apporter l'ombre d'une preuve que j'ai eu à faire une telle déclaration que je trouve totalement saugrenue au demeurant. J'aurais espéré que votre estime pour moi vous évite de tomber dans le colportage de ragots de ce type sur mon compte, mais enfin... Si cet écrit n'émanait pas de votre journal pour lequel j'ai beaucoup d'estime j'aurais conclu que votre "cri de cœur du cinéma burkinabé" est plutôt un cri de haine contre ma personne.
Depuis que l'institution existe, le poste de directeur commercial et du marketing de la RTB a toujours été occupé par un journaliste. Et depuis que JJ existe ça n'a pas changé. Est-ce que c'est bien ainsi, ou est ce que c'est mal, je ne porte aucun jugement de valeur là-dessus.
Je suis cependant quelque peu étonnée de votre "prise de conscience subite" de l'exigence d'un profil professionnel à ce poste, car ce dont vous m'accusez dans vos colonnes, c'est bien d'incompétence.
Mais vous et moi savons très bien que ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Ce dont il est véritablement question, ce sont les efforts d'assainissement de la gestion commerciale et marketing de la RTB que nous avons entrepris depuis notre prise de fonction, et qui vous portent (mal)heureusement préjudice. Que chacun se le tienne pour dit, sur ce point précis nous n'allons pas changer de cap, et ce ne sont ni les récriminations dans les colonnes d'un journal, ni la satyre maniée avec dextérité sous la bosse d'un dromadaire qui nous fera changer de cap.
Le service public télévisuel nouveau que les burkinabé escomptent, suppose l'abolition des privilèges et la fin de la confiscation des espaces médiatiques par une poignée d'affairistes. Oui nous allons abolir les privilèges, oui nous avons fait l'option de remettre en cause les passe-droits et autres prébendes accordés à des prédateurs de la télévision publique au nom d'une prétendue promotion de la culture. Oui nous sommes entrain de démanteler tous les circuits mafieux de diffusion de spots, même ceux emballés dans des contrats fumeux.
Deux exemples pour permettre à chacun de se faire une opinion. Un opérateur culturel de la place s'est vu accordé depuis 2007 douze (12) diffusions de spots par mois et 4 passages à Télé Agenda avec diffusion au cours de l'émission de bandes annonces de films pour un prix forfaitaire de 500 000F CFA alors que les prestations fournies sont évaluées au bas mot à 2 000 000 de francs CFA.
Dans la dynamique du soutien au monde du cinéma, nous n'avons pas remis en question cet "accord", nous avons seulement demandé à l'opérateur culturel en question de revoir la durée de ses spots pour les conformer à des normes plus professionnelles, car les timings qu'il proposait jusque là oscillent entre 2 mn 30 et 5 mn voir même plus. Alors que la durée maximale d'un spot télé à la RTB est de 1mn. Si c'est ce que vous considérez comme une action de sabordage du cinéma, alors oui j'assume entièrement la responsabilité de cette opération.
L'autre «ancien partenaire » que vous nous reprochez d’avoir « jeté aux orties », c’est bien des Films du dromadaire qu'il s'agit. Cette structure, que vous connaissez bien, nous a aussi approché pour un échange marchandise, entendez par là, diffusion de spots télé contre la possibilité pour la RTB de diffuser les œuvres des Films du dromadaire plusieurs mois après exploitation dans les salles. Un contrat a même été monté dans ce sens et sans attendre, parce que nous avons cru en la bonne foi de cette structure de production, nous avons commencé la diffusion de leurs spots sur la RTB. Malheureusement aujourd’hui elle a disparu des radars et ne répond même plus à nos coups de fil. Conséquence, nous nous retrouvons avec un contrat non signé entre nos mains après 50% des prestations fournies.
Qu'à cela ne tienne, je réaffirme avec force mon attachement au service public de la télévision et vous pouvez compter sur moi au niveau de responsabilité qui est le mien, pour empêcher avec toute la force de mon âme, aussi modeste soit elle, que l'audiovisuel public demeure la vache laitière de prétendus opérateurs culturels qui s'en mettent plein la poche, vendent au noir des espaces publicitaires sur la RTB au nom d'une obscure idée de promotion des industries culturelles.
Oui à l'exception culturelle mais pas pour que des vampires d'un genre nouveau, cupides et avides du lait de la "ténébreuse" puissent se repaître comme des charognards de son cadavre parce que c'est cela qui reste. L'immense majorité des acteurs, comédiens du monde de la culture ne vivent pas de leur art. La faute à qui? Pas en tout cas aux médias publics mais plutôt à ceux qui les ont toujours grugés de leurs dus et qui veulent se faire passer aujourd'hui pour leurs avocats. Heureusement qu'il existe encore au pays des hommes intègres, des producteurs, réalisateurs et promoteurs de films sérieux et responsables qui se battent vraiment et au quotidien pour le rayonnement du cinéma burkinabé.
Bref c'est dans l'air du temps, plus rien ne sera comme avant. Décidément chacun comprend la maxime à sa façon et selon ses intérêts.
Pour ma part je considère que le temps est venu de sortir des ténèbres de la ténébreuse pour mettre en lumière et dénoncer tous ces dysfonctionnements orchestrés de l'intérieur comme de l'extérieur par des coalitions occultes, dont les préoccupations n'ont rien a voir avec le service public, et qui plombent le bon fonctionnement de la RTB.
L'avenir du service public de télévision est à ce prix, et c'est aussi mon combat. Je suis consciente que ces intérêts puissants, que je dérange, ont d'autres ambitions pour l'audiovisuel public, mais comme on le dit, chacun se bat avec les armes dont il dispose. La mienne a un nom : intégrité.
Confraternellement Vôtre
Mariam Vanessa Touré, journaliste,
Directrice commerciale et du marketing / RTB
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