SAKISIDA

Sur la frontière coréenne, le tourisme de la guerre ne connaît pas la crise

 Sourds aux prophéties apocalyptiques de Pyongyang, les touristes continuent d'affluer le long de la frontière intercoréenne, dernier "mur" de la Guerre Froide hérissé de miradors. Certains même se réjouissent d'être aux premières loges.

A une heure de route au nord de Séoul, cette bande de terre de 4 km de large et 248 km de long, truffée de mines, consacre depuis la fin de la Guerre de Corée (1950-53) la partition entre le Nord communiste et le Sud capitaliste.

Au-delà, l'une des plus grandes armées du monde (1,2 million de soldats), dotée d'un petit arsenal nucléaire et dirigée par un homme de moins de 30 ans, Kim Jong-Un, qui jure de transformer le Sud en Tartare atomique.

Chaque jour, des dizaines d'autocars déposent les touristes sud-coréens ou étrangers au pied des barbelés, amateurs d'Histoire ou de frisson : à la jumelle, ils peuvent observer la Corée du Nord, terre interdite d'où émergent ça et là les récits terrifiants de rescapés des camps d'internement, des famines, des purges.

Les récentes tensions sur la péninsule coréenne "font les gros titres à travers le monde", constate Shan Shan Loh, un touriste malaisien. "C'est vraiment excitant d'en faire partie et d'être aux premières loges".

Manifestement nostalgique de la grande époque où Washington et Moscou se disputait la planète, Luis Andrade, un ingénieur vénézuélien, a lui aussi le sentiment de se trouver au bon endroit, au bon moment : "Je n'ai jamais été aussi près de la Guerre Froide. Je suis allé à Berlin mais longtemps après le chute du Mur. Ici, c'est comme un Mur de Berlin vivant".

Les touristes autorisés à s'approcher de la frontière doivent respecter quelques consignes strictes. Il leur est par exemple interdit de "se moquer" ostensiblement. A portée de fusil de précision, les redoutables gardes nord-coréens veillent, susceptibles.

Le contexte n'est pas à la provocation. Il y a dix jours, la Corée du Nord s'est déclarée en "état de guerre" avec le Sud, et mardi, elle a une nouvelle fois agité l'épouvantail d'une "guerre thermonucléaire" sur la péninsule.

Les mots sont dramatiques et pourtant, pas de quoi dissuader les touristes qui ont fait des centaines, des milliers de kilomètres pour apercevoir un bout de l'enfer.

"Les Nord-Coréens essayent simplement de faire peur et de rendre les gens nerveux", souffle un tour-opérateur selon qui l'affluence est à peu près normale pour la saison.

"Sur un groupe initial de 43 personnes, nous avons deux annulations aujourd'hui", relève-t-il. "Nous n'obéissons pas à Kim Jong-Un. Nous restons calmes".

Une longue file d'attente s'étire jusqu'à l'entrée de l'une des grandes attractions de la frontière, un tunnel d'invasion secret creusé par les Nord-Coréens et découvert par le Sud en 1978.

Le boyau, creusé à 75 mètres de profondeur, est un bijou d'ingénierie. Apparemment destiné à lancer une attaque surprise contre Séoul, il était censé pouvoir faire passer, chaque heure, 30.000 hommes légèrement armés.

Le point d'orgue des visites organisées est Panmunjom, un village frontalier abandonné où fut signé l'armistice de 1953 dont Pyongyang a annoncé le mois dernier qu'il le considérait comme nul et non avenu.

"En cas d'incident, restez calmes", ordonne le règlement auquel les visiteurs sont tenus jusqu'à leur départ.

A Panmunjom, les guides sont des agents des Nations unies spécialisés dans la sécurité. Les tensions intercoréennes de ces derniers mois n'ont pas eu d'effet sur la frontière, assure l'un d'eux.

"Pas sur nous, en tout cas. Si le Nord faisait quoi que ce soit à l'ONU, ce serait comme de déclarer la guerre au monde", dit-il.



10/04/2013
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