Thatcher: le Royaume-Uni prépare un dernier hommage controversé
Le Royaume-Uni se préparait mardi à rendre un dernier hommage non dénué d'ambivalence à Margaret Thatcher, dont le décès a immédiatement rallumé la controverse sur son héritage et sur la nature des obsèques réservées la semaine prochaine à ce monstre sacré de la politique. La dépouille de la "Dame de fer" a quitté discrètement dans la nuit l'hôtel Ritz à Londres où l'ex-Premier ministre britannique, très diminuée par la maladie d'Alzheimer séjournait depuis plusieurs mois et où elle est morte lundi matin des suites d'un accident vasculaire cérébral. Ses funérailles auront lieu mercredi prochain, mais la polémique bat déjà son plein sur la cérémonie d'hommage à la baronne Thatcher, son titre officiel. Trop ou trop peu? Le gouvernement a décidé que la première femme à avoir gouverné le Royaume-Uni recevrait les honneurs militaires à la cathédrale Saint-Paul, après une procession entre Westminster et l'édifice religieux. Des "obsèques cérémonielles", selon la terminologie officielle, comme celles organisées pour la princesse Diana et pour la reine-mère Elizabeth. Le Premier ministre conservateur, David Cameron, assistera à la cérémonie, aux côtés de nombre de personnalités politiques. La reine, qui entretenait, dit-on, des relations houleuses avec la locataire de Downing Street, y sera aussi, avec son époux le duc d'Edimbourg. Mais Margaret Thatcher n'aura pas de funérailles nationales, celles que la Grande-Bretagne réserve à ces monarques et à quelques grandes figures de la vie publique, souvent d'anciens Premiers ministres. Pétitions sur la toile "Ce serait une insulte à l'histoire que de refuser cet honneur" à la "femme qui a sauvé la Grande-Bretagne", s'alarmait mardi l'éditorialiste du Daily Mail, qui a lancé une campagne. "Elle est arrivée au pouvoir quand ce pays était en ruines sur le plan économique et en a fait une puissance mondiale". Des députés conservateurs ont aussi pris fait et cause pour des obsèques nationales sur Twitter. Mais sur la toile, des pétitions ont fleuri pour réclamer que les contribuables ne soient pas mis à contribution en recommandant la "privatisation" de l'enterrement de celle qui avait pourfendu l'Etat-providence. "Le meilleur moyen de rendre hommage à Maggie serait de délocaliser ses funérailles en Chine", ironisait un internaute. Le Daily Mirror a aussi commencé à sonder ses lecteurs pour savoir s'il était bien normal d'accorder les mêmes funérailles qu'à Diana à la "femme qui a divisé la nation", estimant à 8 millions de livres le coût de la cérémonie, payée en partie par l'Etat et en partie par la famille. D'après son porte-parole Tim Bell, la "Dame de fer" ne souhaitait pas de toutes façons de funérailles nationales, "pas plus que sa famille". Elle ne voulait pas son corps soit exposé publiquement, ni de "parade aérienne" car cette libérale pure et dure pourfendant un Etat impécunieux "pensait que c'était de l'argent gaspillé". Le Parlement a, lui, décidé d'interrompre ses vacances de printemps pour saluer la mémoire de l'ex-Premier ministre. Députés et membres de la Chambre des Lords se réuniront à partir de 14H30 locales mercredi. Ils devraient se prononcer sur une motion d'hommage présentée par le gouvernement, un tribut qui risque fort de donner lieu à de nouveaux échanges enflammés. Pendant qu'une partie du pays pleurait "un grand leader", plusieurs centaines de personnes sont descendues dans la rue lundi soir à Londres, Glasgow ou Bristol, pour célébrer la disparition de la "Dame de fer", accusée d'avoir sacrifié l'industrie britannique en fermant les mines, diminué l'influence des syndicats ou fait preuve de trop d'intransigeance vis-à-vis de l'IRA (Armée républicaine irlandaise). A Bristol (sud-ouest), six policiers ont été blessés dans des échauffourées. Reflet de cette ambivalence de l'opinion, un sondage publié par le Guardian montrait que 50% des Britanniques interrogés après son décès considéraient comme positif son apport au pays, contre 34% d'avis contraires. Près des deux tiers des 965 personnes sondées pensent aussi qu'elle a contribué à faire évoluer les mentalités sur le rôle des femmes dans la société. La presse internationale était aussi plus que partagée sur le vrai visage du thatchérisme, insistant sur les échecs "avérés" de l'ultralibéralisme ou saluant la dirigeante inflexible qui "sauva" l'économie britannique. |
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