Thatcher: union sacrée écornée pour l'hommage du Parlement
Le parlement britannique a interrompu ses vacances de printemps pour rendre mercredi à Margaret Thatcher l'hommage de la Nation, mais l'union sacrée autour de l'immense stature de "la dame de fer" se lézarde à l'évocation d'un héritage qui divise le pays, au-delà de sa mort.
L'ouverture du débat à la Chambre des Communes, à 14H30 (13H30 GMT), revient à l'actuel Premier ministre David Cameron, conservateur comme son illustre prédécesseur qui détient le record moderne de longévité au pouvoir (1979-90), dont la statue trône au palais de Westminster, et dont l'influence demeure manifeste dans le jeu politique britannique.
L'ordre du jour autorise à prolonger l'exercice pendant sept heures et demi, jusqu'à 22H00, dans la salle où Mme Thatcher a longtemps mené la charge de sa voix haut perchée.
Les élus du peuple n'avaient consacré que 63 minutes au conservateur Edward Heath (1970-1974), décédé en 2005.
La chambre (haute) des Lords, que "Mrs T" ne fréquentait plus en raison de son état de santé fortement dégradé par la maladie d'Alzheimer, mènera des discussions en parallèle. Certains de ses anciens ministres prendront la parole.
Les principaux partis se sont entendus sur une motion laconique: "Cette chambre a décidé de rendre hommage à la très honorable baronne Thatcher de Kesteven chevalier de l'ordre de la Jarretière et de l'ordre du mérite".
Aucun vote n'est prévu sur le texte fruit d'un compromis qui n'était pas dans la nature de "la dame de fer", comme l'a souligné l'avalanche de réactions à sa mort, survenue lundi dans une chambre de l'hôtel Ritz à Londres où elle vivait quasi-recluse depuis plusieurs mois.
L'exercice parlementaire est particulièrement délicat pour le Parti travailliste. Son dirigeant Ed Miliband a appelé à faire preuve de "respect et de dignité" lors de l'hommage "au personnage considérable sur la scène politique britannique et sur la scène internationale".
Le mot d'ordre au sein de la formation d'opposition est "d'éviter le piège béant" de propos provocateurs.
A ce propos, M. Miliband a "catégoriquement condamné" les manifestations de joie des anti-Thatcher à Londres, Liverpool, Bristol (ouest).
Cependant, le député travailliste John Mann a fait savoir qu'il s'opposait "au gaspillage de l'argent du contribuable que constitue une session supplémentaire", en rappelant que Mme Thatcher était farouchement opposée à l'Etat providence. Il a indiqué qu'il n'annulerait pas un rendez-vous chez le dentiste, mercredi.
"Au moins la moitié du pays la haïssait ou la méprisait, mais il faut savoir faire preuve de respect", a estimé George Galloway, connu pour son franc-parler, et qui boycottera la session extraordinaire.
"On ne peut pas oublier, ou pardonner", a renchéri John Healey, élu du Yorkshire (nord de l'Angleterre) où la défunte a livré une bataille homérique contre les mineurs en grève, avant de fermer les puits.
La gestion du débat est autrement plus aisée dans le camp conservateur.
"C'est une grande Britannique", a dit M. Cameron. "Elle a sauvé le pays", après des décennies de pouvoir travailliste.
L'actuel gouvernement de coalition conservateur et libéral-démocrate veillera cependant à mettre un bémol vis-à-vis des excès du thatchérisme, au moment où sa politique d'austérité suscite une forte impopularité.
La session extraordinaire du parlement intervient une semaine jour pour jour avant les obsèques cérémonielles avec honneurs militaires qui seront rendues mercredi 17 avril en la cathédrale Saint-Paul de Londres.
La reine assistera exceptionnellement à l'événement. C'est la première fois qu'Elizabeth II se rendra aux obsèques d'un ancien Premier ministre britannique depuis l'enterrement de Winston Churchill, en 1965. Le pays était alors unanime à pleurer le chef de gouvernement pour lequel la souveraine avait décrété trois jours de deuil national.
Les funérailles, officiellement baptisées "Operation True Blue", la couleur du conservatisme pur et dur, s'accompagneront d'un important dispositif de sécurité. Par crainte d'une action de la part de groupuscules républicains nord-irlandais ou de l'extrême gauche, combattus par Mme Thatcher comme "ennemis de l'intérieur".
Selon le Times, près de 2.300 personnes seront invitées à la cérémonie de Saint-Paul. L'entourage de Mikhaïl Gorbatchev a cependant fait savoir que dernier Premier ministre de l'URSS avait dû décliner, en raison de son état de santé.
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