Tunisie: l'interdication d'une interview du gendre de Ben Ali fait scandale
Des figures politiques et médiatiques tunisiennes ont dénoncé vendredi un acte de "censure" après l'interdiction faite à la chaîne Ettounsiya TV de diffuser un entretien avec Slim Chiboub, un gendre du président déchu Zine El Abidine Ben Ali.
"On est revenu à la censure, c'est pire qu'avant" la chute de Ben Ali en janvier 2011, a jugé Tahar Ben Hassine, patron de la chaîne satellitaire El Hiwar El Tounsi, à l'antenne de la radio Mosaïque FM.
Ce dernier a indiqué être prêt à diffuser l'interview de Slim Chiboub à la place d'Ettounsiya TV dès vendredi 21H00 (20H00 GMT). "Nos acquis sont menacés, s'ils (les islamistes d'Ennahda qui dirigent le gouvernement, ndlr) veulent me poursuivre, qu'ils le fassent", a-t-il dit.
M. Ben Hassine a souligné qu'Ettounsiya TV ne pouvait pas passer outre la décision d'un tribunal d'interdire la diffusion de l'entretien, relevant que la chaîne est dans une situation compliquée depuis le placement en détention provisoire de son patron, Sami Fehri.
"Nos collègues sont dans une situation délicate, leur patron est en prison, ils ne peuvent pas défier l'arbitraire du pouvoir", a-t-il estimé.
Sami Fehri, un ex-associé d'un beau-frère de Ben Ali, est en détention dans le cadre d'une affaire de détournements de fonds. Quelques jours avant son arrestation en août il avait annoncé cesser la diffusion d'une émission de satire politique des Guignols à la suite de pressions d'Ennahda.
Plusieurs députés ont aussi dénoncé l'interdiction de la diffusion de l'interview jeudi, jusqu'au sein du Congrès pour la République (CPR), un parti laïc allié à Ennahda.
"C'est une erreur. Cela peut conduire à bien des spéculations et des condamnations", a relevé à l'antenne de Mosaïque la députée Samia Abbou, ajoutant: "il n'y a pas de base légale pour empêcher la diffusion de cette émission".
"Moi, j'ai hâte d'écouter ce qu'il a à dire sur les secrets de l'ancien régime, et cela même s'il dit des choses fausses", a-t-elle encore déclaré.
Un tribunal de Tunis a interdit la diffusion de l'interview, à la demande du "chargé du contentieux de l'Etat".
Le Premier ministre Hamadi Jebali, un des dirigeants d'Ennahda, a justifié cette décision, estimant selon l'agence officielle TAP que cette interview "est un prélude pour une +normalisation+ planifiée des symboles de l'ancien régime".
"Nous ne tolèrerons pas ce plan machiavélique", a-t-il ajouté.
Ennahda a été accusé à plusieurs reprises de chercher à contrôler la ligne éditoriale de plusieurs médias à qui le parti reproche d'être au service des tenants du régime déchu.
Ancien champion de volley-ball et homme d'affaires surnommé "Monsieur Gendre", Slim Chiboub a présidé de 1989 à 2004 le club omnisports de l'Espérance sportive de Tunis (EST) dont l'équipe de foot est l'une des plus populaires du pays.
Il est réfugié aux Emirats arabes depuis la chute de Ben Ali. En mars 2012, M. Chiboub a été condamné par contumace à cinq ans de prison pour détention d'arme à feu sans autorisation.
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