SAKISIDA

Passage à la TNT: le Burkina ne sera pas au rendez-vous

Le Burkina Faso s’est engagé, depuis 2011, dans le processus de passage à la diffusion télévisuelle en numérique appelée Télévision numérique terrestre (TNT). A trois mois de la date butoir pour tous les pays du monde, nous avons voulu savoir si le nôtre serait au rendez-vous du 17 juin 2015. Pour ce faire, le mercredi 18 mars 2015, nous avons rencontré Kadidia Savadogo, la Directrice générale de la Société burkinabè de télédiffusion (SBT), une société qui a été mise en place dans le cadre de la transition numérique. Il ressort de l’entretien que le Burkina dispose d’un cadre juridique et de données nécessaires mais manque de moyens financiers pour la mise en œuvre de la TNT à la date prévue. Lisez plutôt!

Les Echos du Faso: A quoi renvoie la Télévision numérique terrestre ou TNT?

Kadidia Savadogo: La TNT est une nouvelle technologie qui permet de transporter plusieurs programmes de télévision par mode numérique aux téléspectateurs. Elle permet, à la différence de l'analogique, de pouvoir transporter 15 à 20 programmes. Actuellement, chaque télé diffuse en analogique avec son système de diffusion, donc chaque télé a une fréquence. Avec le passage au numérique, c'est l'ensemble des programmes qui sont au niveau national qui seront transporté par un seul diffuseur et sur l'ensemble du territoire. En terme clair, la TNT renvoie à une technique qui permet de recevoir des images plus claires et en qualité de son et aussi d'avoir beaucoup plus de programmes par rapport à la diffusion actuelle en analogique.

Que gagne un pays comme le Burkina en passant au numérique?

Le premier avantage, c'est la mise en place du réseau qui va permettre aux chaînes de pouvoir couvrir plus de populations parce qu'actuellement, pour une chaîne de télévision privée, pouvoir mettre une infrastructure, même analogique, et pouvoir couvrir Ouagadougou, Bobo-Dioulasso et Ouahigouya par exemple, ça coûte très cher; ce qui fait que l'essentiel des chaînes se concentrent actuellement à Ouagadougou seulement. Mais, avec le réseau numérique, elles pourront couvrir mieux le territoire et pourront avoir une couverture nationale si elles le désirent. Le grand avantage de ce processus, c'est qu'il permet de libérer plus de fréquences. Par exemple, si on a actuellement 10 chaînes qui utilisent 10 fréquences, avec le passage au numériques, ces 10 chaînes vont utiliser une seule fréquence. On aura donc 9 fréquences qui seront libérées et qui seront désormais réservées à la téléphonie mobile pour l'internet 4G, pour les larges bandes mobiles, pour d'autres applications qui sont en production actuellement et qui vont sous peu venir au Burkina et elles auront besoin de ces bandes de fréquences pour mettre en œuvre ces applications mais aussi pour le secteur de l'audiovisuel. Au cas contraire, à la longue, on sera confronté à une saturation de nos fréquences. Ce sont des ressources rares qui ne sont pas extensibles. Chaque pays a ses fréquences qui sont planifiées au niveau de l'Union internationale des télécommunications (UIT). Mais avec le développement des nouvelles technologies, c'est le fait d'avoir ces nouvelles fréquences pour développer le secteur de la télécommunication qui a nécessité que l'UIT, qui est l'instance de régulation de ces fréquences au niveau mondial, impose à l'ensemble des pays du monde de migrer au numérique au plus tard en juin 2015. Il y a des pays qui ont commencé bien avant la rencontre de 2006 et qui ont terminé depuis longtemps.

Le Burkina sera-t-il au rendez-vous de juin 2015?

Il sera difficile pour le Burkina d'être au rendez-vous de 2015. Si on allait être au rendez-vous, cela veut dire que toutes les chaînes qui diffusent actuellement en analogique devaient tout couper et à la date de juin, l'UIT vient constater qu'il n'y a aucune télévision qui diffuse toujours en analogique au Burkina.

Alors, à quel stade le Burkina se trouve-t-il actuellement?

On a fini toutes les études techniques et ce sont vraiment les financements pour commencer les travaux qui ralentissent un peu. Sinon, dès qu'on a fini la mobilisation du financement, on va très bientôt commencer la production et l'installation des équipements. Egalement, on est à 53% de couverture télévisuelle avec l'analogique et on a 30 autres sites actuellement qui fonctionnent plus ou moins. Il est prévu qu'avec le passage au numérique, c'est vraiment de passer à la couverture nationale avec l'ajout de 5 autres sites, puis on sera à 35 sites et lorsque tout sera déployé, on aura une couverture totale du territoire et toute la population pourra maintenant recevoir la télévision où qu'elle soit.

A quel niveau se situent les difficultés?

Les besoins financiers de mise en place du réseau, c'est cela qui constitue la principale difficulté. Il faut mettre le réseau sur l'ensemble du territoire et cela coûte extrêmement cher. Ce qui fait qu'il y a des difficultés pour les Etats africains de respecter la date de juin 2015. Sinon, tout le monde est dans le processus mais c'est à chacun de prendre les mesures pour permettre ce passage.

Qu'adviendra-t-il si le Burkina n'était pas au rendez-vous de juin 2015?

L'enjeu, c'est le brouillage des fréquences, surtout au niveau des frontières. Parce que, si un pays est assez avancé et commence à diffuser en numérique, il va brouiller les fréquences des zones frontalières de l'autre pays. Il faudrait donc qu'il y ait une coordination entre les Etats pour éviter ce brouillage. Il faut voir aussi le fait que les émetteurs analogiques qui sont assez vieux, si ces émetteurs tombent en panne alors qu'on n'en produit plus, étant donné que tous les pays producteurs sont déjà au numérique, ils ne vont plus produire des équipements analogiques pour nous parce qu'on est en retard, si ces émetteurs tombent en panne il sera difficile de les dépanner. Et même en terme de pièces de rechanges, ce sont eux qui produisent et on va les payer de plus en plus cher si on ne passe pas au numérique.
A suivre...

Entretien réalisé par Omar Compaoré



20/03/2015
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