Action gouvernementale: La Transition a trahi Roch
Au cours d’une rencontre qu’il a eue avec les syndicats du Burkina Faso, le Premier ministre Thiéba a expliqué que la Transition avait pris des mesures sans les budgétiser. Son gouvernement se trouve embarrassé parce que l’incidence financière de ces mesures est difficilement supportable. Quelles sont donc ces mesures?
A la fin de la Transition, des bilans ont été faits. Yacouba Isaac Zida, alors Premier ministre, a fait le bilan de l’action gouvernementale devant les médias. Le Conseil national de Transition (CNT) en a fait autant. A ce niveau, on s’est vanté de la quantité des lois votées.
Cent dix lois votées en 10 mois, en plus de 33 résolutions prises et 68 questions adressées au Gouvernement. Un très bon bilan en termes de quantité. Mais qu’en est-il de la qualité? De nombreuses lois votées l’ont été dans la précipitation, ou juste pour faire plaisir à une partie de l’opinion afin de bénéficier de son soutien. Pourtant, elles devraient engendrer des dépenses supplémentaires pour le budget de l’Etat.
Dans un premier temps, il s’agit de la loi portant le statut des personnels des forces armées nationales et les conditions d’avancement des personnels d’active dans les forces armées nationales. Dans cette loi, l’âge de la retraite des militaires a été prolongé de 4 ans. Cette seule mesure va gonfler le budget alloué aux forces armées, parce qu’en plus de recruter de nouveaux soldats tous les ans et de les payer, il faudra désormais supporter pendant 4 ans les salaires de ceux qui sont déjà en activité. Recevant les chefs militaires début février, le président Kaboré a laissé entendre que même si cette mesure a été prise, les militaires doivent savoir que plus de 70% du budget alloué à l’armée est consacré aux dépenses salariales. «On ne peut pas travailler dans une situation où le plus gros moyen qu’on peut mettre à la disposition de l’armée ne sert qu’à payer les salaires. Cela pose un certain nombre de difficultés. Il y a des réflexions à mener dans ce sens», avait déclaré le président du Faso.
Dans un deuxième temps, la loi portant statut général de la Fonction publique d’Etat adoptée par le CNT consacre la suppression du statut de contractuel qui était mieux pays que les fonctionnaires permanents dans la Fonction publique. Pour ce faire, tous les autres agents devraient être traités comme ces contractuels au niveau salarial. Avec ce reclassement, les salaires des agents publics connaîtront une hausse. Et la loi a fixé le 1er janvier 2016 comme date d’entrée en vigueur de cette nouvelle loi. La loi a été votée sans tenir compte de son incidence financière sur le budget national.
Recevant les syndicats, le Premier ministre Thiéba a laissé entendre que la Transition n’a pas inscrit cette augmentation de salaire dans le budget 2016 qu’il a voté avant de partir. Il a demandé aux syndicats de patienter pour la mise en œuvre parce que l’impact financier a été évalué à 40 milliards de francs CFA. Ce chiffre est contesté par les syndicats, qui avancent un montant inférieur de 19,9 milliards de francs CFA. Pour eux, les 40 milliards avancés par le Premier ministre incluent l’impact financier des avancements des agents publics bloqués depuis 2011 pour certains.
Toujours est-il que le nouveau gouvernement se retrouve avec des mesures prises et pas d’argent pour les mettre en œuvre.
Une troisième loi qui met le gouvernement de Paul Kaba Thiéba dans l’embarras est celle relative au statut de la magistrature votée en août 2015. Cette loi confère un statut aux magistrats, avec une incidence financière sur leurs salaires. La loi a été votée en prenant en compte toutes les revendications des magistrats, peut-être parce qu’un deux, en l’occurrence René Bagoro, était dans ce gouvernement de la Transition. On attend la prise des décrets d’application de la loi, mais les magistrats ne semblent pas patients avec la grève de 6 jours qu’ils ont décrétée. Pourtant, la situation est vécue aussi bien par les militaires que les agents publics de l’Etat.
La Transition n’a pas budgétisé l’impact financier des lois qu’elle a votées, filant ainsi la patate chaude au président Kaboré et à son gouvernement. Cette manière de faire résonne comme une trahison, si l’on se réfère aux chiffres laissés par cette même Transition. Les salaires des fonctionnaires, en plus des charges de fonctionnement de l’Etat, représentent 94% des recettes propres du pays. Pour investissement, le pays est obligé de se tourner vers l’extérieur, soit pour emprunter, soit pour demander de l’aide. Tout en sachant que le pays a de maigres ressources, les autorités de la Transition n’ont pas hésité à effectuer pourtant des dépenses au mépris des règles élémentaires de gestion financière, en plus des avantages qu’ils se sont accordés. Par exemple, combien coûtera un général Zida au budget national?
Dans ces conditions, où comptait-elle trouver l’argent pour financier la mise en œuvre de lois qu’elle a votées? Dans ce gouvernement figurait bien Amina Billa au poste de ministre délégué en charge du Budget. Elle est une ancienne des finances pour comprendre que l’argent fait défaut dans le pays. C’est la raison pour laquelle, sous le régime Compaoré, on observait une certaine prudence dans la prise de certaines lois. L’élaboration de toutes les lois sus-citées ont débuté sous Compaoré, mais elles n’avaient pas été formellement adoptées parce que leur mise en œuvre rencontrerait des difficultés financières. Aussi, il faut reconnaître que les partenaires qui financent le Burkina voient d’un mauvais œil le fait que la masse salariale augmente d’année en année sans que les recettes de l’Etat ne suivent la même courbe ascendante. Les magistrats sont déjà allés en grève et comptent encore le faire pour exiger l’application de la loi de la Transition. Les syndicats sont aux aguets, parce que, selon eux, l’Etat est une continuité. Les militaires auraient aimé que la loi entre en vigueur dès le 1er janvier 2016, surtout pour ceux qui devaient prendre leur retraite cette année. Voilà le président Kaboré et son gouvernement dans de sales draps laissés par la Transition.
DjÈnÈba SangarÈ
Journal du Jeudi
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