L'Egypte divisée vote sur une Constitution, un référendum test pour Morsi
Les Egyptiens se prononçaient samedi sur un projet de Constitution défendu par les islamistes au pouvoir et rejeté par l'opposition, lors d'un référendum qui se transformait en test pour le président Mohamed Morsi et les Frères musulmans dont il est issu.
Le projet de loi fondamentale, qui doit encore être soumis au vote d'une deuxième moitié du pays le 22 décembre, est au coeur de la plus grave crise en Egypte depuis l'élection en juin de M. Morsi, premier président civil du pays.
Pendant plus de trois semaines, le pays a vécu au rythme des manifestations des partisans et adversaires du chef de l'Etat islamiste, qui ont parfois dégénéré en violences meurtrières.
Des Egyptiens votent lors du référendum sur la nouvelle Constitution, le 15 décembre 2012 au Caire © AFP Gianluigi Guercia |
Quelque 120.000 soldats ont été appelés en renfort pour aider les 130.000 policiers à assurer la sécurité pendant le scrutin. M. Morsi a donné à l'armée le droit d'arrêter des civils jusqu'à l'annonce officielle des résultats, dont la date n'est pas encore connue.
Après des accrochages entre partisans rivaux du "oui" et du "non" qui ont fait 15 blessés vendredi à Alexandrie (nord), le vote se déroulait globalement dans le calme.
Dès l'aube, les Egyptiens se sont pressés devant les bureaux de vote au Caire et en province, avant même leur ouverture. Pour faire face à "la grande affluence", la consultation a été prolongée de deux heures, jusqu'à 23H00 (21H00 GMT), selon la commission électorale.
L'ambiance était toutefois loin de l'euphorie qui a marqué les scrutins précédents.
Le président égyptien Mohammed Morsi vote au Caire à l'occasion du référendum sur la nouvelle Constitution, le 15 décembre 2012 © Egyptian presidency/AFP |
Kassem Abdallah, un habitant du quartier de Moqattam, au Caire, a déclaré voter "oui" sans hésitation. Le projet de Constitution "offre des droits et la stabilité", a-t-il assuré. Il s'agit de faire en sorte "que le pays revienne à la normale", a expliqué Ibrahim Mahmoud, un instituteur.
A l'inverse, Omar Abdel Kader, un enseignant de 60 ans, a dit rejeter un texte ne représentant selon lui "pas tous les Egyptiens". "Je le refuse en raison des pouvoirs accordés au président. Est-ce raisonnable de faire du président un dictateur?", a renchéri Nadia Chokri, 55 ans.
"Volonté claire de truquer"
Dix gouvernorats sur 27 --soit environ 26 millions de personnes sur 51 millions d'électeurs-- étaient appelés aux urnes, dont Le Caire et Alexandrie, deuxième ville du pays. Le reste de l'Egypte doit voter samedi prochain.
Le Front du salut national (FSN), une coalition des principaux mouvements d'opposition, a affirmé avoir constaté de nombreuses "violations" des règles électorales de la part des partisans du chef de l'Etat.
"L'étendue des infractions (...) indique une volonté claire de truquer la volonté des électeurs de la part des Frères musulmans, dans le but de faire passer la Constitution de la confrérie", a accusé le FSN dans un communiqué, en exhortant à voter "non".
Dans un communiqué, le ministère de l'Intérieur a indiqué n'avoir recensé "aucun incident constituant une entrave au processus référendaire".
Un responsable de la commission électorale a précisé à l'AFP que les résultats de la première zone de vote ne seraient officiellement communiqués qu'une fois que le reste du pays aurait voté, dans une semaine.
La décision de nombreux juges de boycotter le référendum, qui ne peut être déclaré valide que sous leur supervision, a forcé les autorités à scinder le vote sur deux jours. Le ministère de la Justice a cependant assuré qu'il n'y avait "pas un seul bureau de vote fonctionnant sans juge".
Pour le camp du "oui", l'adoption du texte doterait le pays d'un cadre institutionnel stable après la transition tumultueuse qui a suivi la chute de Hosni Moubarak en février 2011.
L'opposition laïque, de gauche et libérale dénonce de son côté un texte adopté par une commission dominée par les islamistes, qui ouvre selon elle la voie à des interprétations rigoristes de l'islam et offre peu de garanties pour certaines libertés.
"Si le projet de Constitution est approuvé par moins de 60% des votants, il pourrait devenir le centre d'un futur conflit sur la validité du système politique qui en découlera", a dit à l'AFP Yasser El-Shimy, spécialiste de l'Egypte à l'International Crisis Group.
A l'inverse, "si plus de 60% votent oui, il sera très difficile pour l'opposition de dire qu'elle représente les aspirations du peuple égyptien", a-t-il ajouté.
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