Il est 22 h quand deux hommes déclarant être des agents de la police des airs et des frontières se présentent à l'hôtel où est descendu Laurent Correau. Le journaliste de RFI est attablé au restaurant avec Reed Brody, porte-parole de l'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch. Selon les témoins de la scène, les deux policiers signifient à Laurent Correau son expulsion du territoire tchadien, sans fournir d'explication ni de document officiel.
Le journaliste tente de passer plusieurs coups de téléphone, les agents s'impatientent. Ils finissent par présenter un badge que Reed Brody tente de prendre en photo. C'est alors que le ton monte : Reed Brody est giflé, Laurent Correau aussi. Les deux agents le conduisent alors, sans ses lunettes, perdues dans l'incident, à l'aéroport.
Des reportage sur l'ancien régime d'Hissène Habré
Notre envoyé spécial, Laurent Correau, était arrivé dans la capitale tchadienne jeudi soir. Le lendemain matin, il s’était rendu au secrétariat général de la Communication pour accomplir les formalités d’accréditation. Sur place, assure-t-il, les responsables du ministère lui avaient alors donné leur feu vert pour commencer à travailler. Laurent Correau a donc entamé ses reportages : pendant quatre jours, il a rencontré des victimes du régime Hissène Habré et des acteurs influents des années 80. « J'ai pu travailler normalement », précise Laurent Correau.
Motif admnistratif
Avant l'expulsion, l’ambassadrice de France, qui s’est présentée à l’aéroport, a pu apercevoir notre confrère, mais pas lui parler. A minuit, l'avion d'Air France quitte Ndjamena avec notre envoyé spécial à bord.
La direction de RFI s'indigne et proteste contre cette expulsion pour laquelle aucun motif n'avait été avancé le soir même. Ce mercredi, les autorités tchadiennes disent que Laurent Correau n'avait pas de papier officiel l'accréditant et qu'une autorisation orale n'était pas suffisante. Elles expliquent aussi que si cette expulsion a été musclée, c'est à cause la « résistance vigoureuse » qu’aurait opposé le journaliste.
Cette expulsion qui a déjà suscité des réactions en France. Pour le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, « un journaliste doit pouvoir faire son métier, il doit être respecté. Il y a des règles et à chaque fois qu’il y a ce type de problème, nous devons avoir la même réponse : nous n’acceptions pas la violence contre les journalistes. Le gouvernement français condamne ces violences ».
L'Union des journalistes tchadiens s’insurge
De son côté, le président de l'Union des journalistes tchadiens, Mahamat Saleh Ben Malala, condamne la violence de l'expulsion et appelle les autorités à travailler pour que la liberté de la presse soit respectée : « C’est inacceptable. On peut lui demander d’être en règle, mais nous disons tout simplement que c’est vraiment inacceptable que l’on puisse, manu militari, expulser un journaliste du territoire tchadien. […] Pourquoi est-ce que ces derniers temps, il y a quelques personnalités qui ne veulent pas voir les journalistes exercer, on ne comprend pas. » Selon Mahamat Saleh Ben Malala, les autorités doivent « se ressaisir » et revoir leur façon de collaborer avec les journalistes.