Mine d’or d’Inata: Vers un retrait du permis d’exploitation ?
Une nouvelle plainte a été déposée à la justice en mi-novembre 2020 contre la Société minière de Bélahourou (SMB) qui exploite la mine d’or de Inata. Cette société est détenue à 90% par la compagnie minière Baladji group. Selon une source judiciaire qui confirme cette information, cette plainte avec pour objet « Abus de confiance » a été déposée par une banque de la place. De quoi s’agit-il ?
Selon nos informations, la SMB se trouve dans l’incapacité de rembourser un prêt d’une dizaine de milliards de FCFA contracté auprès de cette banque. L’établissement bancaire qui s’inquiète de la disparition des équipements a porté l’affaire en justice. La raison, ces équipements devaient servir à la poursuite de l’exploitation de la mine afin de faciliter le remboursement du prêt.
Chronique d’une mine en difficulté
En février 2018, le Balaji Group a racheté la mine à 2,750 milliards de FCFA. Presque 3 ans après (33 mois exactement), Balaji Group n’a pas pu redémarrer les machines et aucun copeck n’est versé dans le trésor public.
Selon les estimations faites par le ministère des Mines et des Carrières en 2017, les dettes que la société devait à l’Etat, aux ex-travailleurs (516 employés directs et 397 employés indirects) et aux fournisseurs ont été évaluées de 35 milliards F CFA. Sur cette somme, 80% de cette somme représentent les créances dues à 6 grandes entreprises locales et 20% aux 200 petites entreprises locales dont les bouchers de la localité. En plus, 2,5 milliards F CFA représentent des taxes et d’impôts non payés à l’Etat, dont 1,879 milliard F CFA au titre des dividendes représentant les 10% de part de l’Etat burkinabè dans le capital de la société. Le démarrage des activités de la mine devait permettre de rembourser des créances. Mais l’Etat a fermé les yeux et le site est à l’abandon pour cause d’insécurité dit-on.
Dans un communiqué en date du 20 novembre 2019 signé par le PDG du Groupe Balaji, Akoliya Patel, ce dernier déclare que sa société entend investir plus de 12 millions de dollars (6,600 milliards de FCFA) pour ramener la mine d’Inata en pleine production, préserver ainsi les emplois et développer la région. « Cependant, depuis la reprise de la mine, les conditions sécuritaires au Burkina Faso empêchent le Groupe de relancer les activités de la mine et ne lui permettent pas d’atteindre les objectifs qu’il s’était fixé. En effet, plusieurs incidents sécuritaires se sont déroulés sur le site minier et/ou dans ses environs depuis septembre 2018 à nos jours », selon le communiqué.
Mais, pendant que le PDG évoque ses difficultés, le PDG de la société, Akolya Visarambhai Narambhai a été arrêté le 11 septembre 2018 par la douane avec 64 Kg d’or d’une valeur d’environ 1 milliard FCFA pour tentative de fraude.
En aout 2019, la mine a invité le ministère des mines pour une pesée d’or de 7 Kg. Pourtant, selon la loi, le ministère des mines et des carrières peut purement et simplement retirer le permis du Groupe Balaji.
L’Article 38 du Code minier de 2003 (Sous lequel la convention minière pour l’exploitation de Inata a été signée) est clair : « Tout titre minier régulièrement attribué peut faire l’objet de retrait, sans indemnisation ni dédommagement, dans les formes prévues par la réglementation minière. Le retrait qui ne peut intervenir qu’à la suite d’une mise en demeure de soixante jours restée infructueuse, est prononcé dans les situations ci-après : l’activité de mise en exploitation ou d’exploitation est retardée ou suspendue, sans autorisation, pendant plus de deux ans et, avec autorisation, pendant plus de six ans pour les permis d’exploitation industrielle ; le non-paiement des droits et taxes ».
Les dispositions de cet article ont été reprises dans l’article 112 du Code minier de 2015.
En clair, le département des mines et des Carrières devrait invoquer les 02 alinéas des articles 38 et 82 des Codes miniers de 2003 et 2015, à savoir « l’activité de mise en exploitation ou d’exploitation est retardée ou suspendue, sans autorisation, pendant plus de deux ans et, avec autorisation, pendant plus de six ans pour les permis d’exploitation industrielle et le non-paiement des droits et taxes », pour retirer le permis sans indemnisation et le remet en vente au plus offrant. C’est d’ailleurs avec ces arguments que le Burkina Faso a procédé au retrait du permis de Franck Timis sans frais, dans le contentieux de la mine de Manganèse de Tambao. Le silence du ministère des mines face à cette forfaiture du Groupe Balaji est incompréhensible.
Le journal L’économiste N 321 de fin octobre 2019, s’interrogeait à juste titre, « A quel jeu joue Akoliya Patel du Groupe indien Balaji, actuel actionnaire majoritaire de la mine d’Inata, exploitée par la Société des mines de Belahouro (SMB SA) située dans la province du Soum ? La mine est quasiment à l’arrêt et traîne un passif avec les ex-travailleurs et les fournisseurs ainsi qu’avec le Trésor burkinabè. Un retrait du permis pour non-respect de ses obligations aurait été envisagé mais le gouvernement hésite… ».
Insécurité comme source d’inactivité
Située dans la commune de Tongomayel, Inata se trouve dans la zone d’insécurité. « Il y a lieu de noter que depuis l’acquisition de la mine, la société Balaji ne fait que dépenser de l’argent sans pouvoir rien en tirer en termes de retombées », selon le communiqué du PDG.
Le directeur de la logistique M. Yonli confirme en affirmant : « chaque mois nous payions pour la sécurité de notre mine 15 millions de FCFA aux forces de défense et de sécurité. Mais depuis que l’insécurité s’est exacerbée et que l’Etat a décidé de mettre en place un détachement militaire pour la sécurité de la localité, cela a amoindri nos frais mais n’empêche que ce sont nos cuisiniers qui sont au service de ce détachement, ce qui engagent aussi des frais… »
Pour faire simple, depuis fin 2017, la mine est totalement abandonnée. Des groupes armés attaquent, saccagent et incendient les installations. Pendant ce temps, un orpaillage sauvage se développe non loin du site. C’est le cas de Tchiemboli, village voisin immédiat coté sud-ouest à 1,5 km de la mine et à 5km de la base de la mine. Dans ce village se développe une sorte de commerce « tout se traite et se vend et tout s’achète », selon une source locale. Autour de ce village, Toronata, Woba Tilai, Bouro, Tondiata, sont des zones dangereuses.
Un investisseur sérieux saurait travailler à ce que la sécurité revienne dans la zone comme c’est le cas de Essakane qui se trouve dans une zone dangereuse également.
Ce qui n’est pas le cas de M. Patel, et l’on se demande pourquoi. Selon les indiscrétions, cette « économie de guerre » occasionnée par l’exploitation illégale de la mine d’Inata profite à des individus de la basse échelle jusqu’au sommet de l’administration.
Le président Kaboré a tout intérêt à ouvrir l’œil et le bon pour mettre fin à ce trafic illicite des ressources du pays en faisant appliquer la loi, en occurrence l’article 38 du code miner citer plus haut. Un retrait du permis pour non-respect de ses obligations doit être opéré sans délai.
Aicha Maïga
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