Mozambique: dans le maquis, l'opposition se rebiffe, l'arme au poing
Levés à l'aube et sur le pied de guerre, quelques centaines de vétérans de la guérilla anti-communiste qui a ensanglanté le Mozambique jusqu'en 1992, ont repris le maquis avec leur ancien chef, le leader de l'opposition Afonso Dhlakama, se disant prêts à en découdre pour obtenir un meilleur partage du pouvoir et des richesses. L'ex-commandant rebelle, quatre fois candidat malheureux à la présidentielle depuis le retour de la paix il y a vingt ans, s'est retranché depuis octobre dans sa province natale de Sofala (centre), au pied du massif du Gorongosa. Le campement est installé en pleine végétation à proximité d'une ancienne base désaffectée utilisée par son mouvement de guérilla, la Renamo, durant la guerre civile qui dévasta le pays pendant seize ans, faisant un million de morts. La capitale Maputo est à plus de 1.000 kilomètres de là, mais c'est bien le coeur du pouvoir que visent l'ancien commandant et la poignée d'hommes et de femmes en manque d'action qui l'ont suivi en brousse, nostalgiques d'une époque où la Renamo faisait trembler la population. Pendant des années, les contre-révolutionnaires dirigés par Dhlakama ont terrorisé les civils, comptant jusqu'à un tiers d'enfants-soldats dans leurs rangs, réduisant des femmes en esclavage sexuel, et forçant les habitants des zones contrôlées à livrer de la nourriture, ou à assurer le transport de vivres et de munitions. Transformé en parti politique après la conclusion de l'accord de Rome d'octobre 1992, la Renamo siège aujourd'hui au Parlement, et a tout d'un mouvement d'opposition respectable. Sauf qu'elle est désormais incapable d'enrayer son déclin dans les urnes, avec un score tombé à 16,5% aux élections présidentielles de 2009. Jouant son va-tout, alors que le pays est travaillé par les appétits suscités par l'arrivée en masse d'investisseurs attirés par les réserves en charbon et les énormes gisements gaziers off-shore découverts au nord, Dhlakama menace. "S'il le faut, nous détruirons le Mozambique" "J'entraîne des hommes et, s'il le faut, nous sortirons d'ici et nous détruirons le Mozambique", dit-il à l'AFP. Autour de lui, la petite troupe des déçus de la paix qu'il a réunie a une allure plutôt disparate. En treillis vert ou en civil, ils affichent une moyenne d'âge de 40 ans. Certains sont beaucoup plus âgés. Mais la colère est palpable, tout comme l'envie d'appuyer sur la gâchette. Tous sont furieux et lassés de voir le parti au pouvoir, le Frelimo, dominer sans partage la scène politique et l'économie. "Il fallait que je vienne ici!", lâche Pedro Chichione, écoeuré de voir ses enfants systématiquement mis sur la touche professionnellement parce que leur père est l'un des 51 députés de la Renamo (sur 250 siégeant au Parlement). Nerveux, équipés de quelques fusils d'assaut AK-47, ils s'exercent au maniement des armes, réalisent des manoeuvres d'entraînement, transpirant sous les ordres aboyés par d'anciens vétérans, tout en assurant la garde rapprochée de leur chef. "Un soldat ne peut pas rester trois jours sans courir sinon il s'encroûte ou devient paresseux", explique Amindo Milaco, 44 ans, recruté de force à l'âge de 17 ans par la Renamo. "On a besoin d'une petite révision de tout ce qu'on utilisait durant la guerre mais c'est facile de se rappeler. On a ça dans le sang", ajoute-t-il. Aujourd'hui bras droit de Dhlakama, Amindo est le seul formellement habilité à parler à la presse. Il assure pouvoir faire facilement venir davantage de personnes pour forcer le camp adverse à céder. Et affirme aussi que ce ne sont pas les armes qui manquent, bazookas, mortiers, et même mines anti-personnelles, même si les seules armes que l'on peut voir servent à revoir des rudiments d'instruction militaire. Le reste des armes est caché, selon Amindo qui assure que chacun sait parfaitement où les trouver "aussitôt que la fusillade aura commencé". Du côté des autorités, la prudence est de mise et l'on semble convaincu que les déclarations va-t-en guerre de Dhlakama resteront sans lendemain. Mais on garde l'oeil ouvert. A quelques kilomètres, sur la piste conduisant au camp, une voiture de l'unité d'élite des forces anti-émeute a été garée. "On ne veut pas de problèmes pour sa sécurité ou sa santé, et si qui que ce soit entreprend quelque chose contre lui, la force d'intervention rapide interviendra pour l'aider", explique Pedro Cossa, un porte-parole de la police nationale. |
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