Chers frères et sœurs,
Nous célébrons en cette nuit sainte un événement unique de grande importance qui a marqué l’histoire de l’humanité : la naissance de Jésus de Nazareth. Les textes bibliques de cette liturgie nous en donnent toute la portée.
I- Le mystère de l’Incarnation
Dans la première lecture, le prophète Isaïe (Is 9,1-6) nous présente Jésus de Nazareth comme un Roi qui vient délivrer son Peuple de l’oppression, des ténèbres de la souffrance, du mal et de la mort. Dans l’évangile selon saint Luc, Jésus apparaît bien en homme ordinaire, semblable aux autres : « Marie mit au monde son Fils premier-né. » C’est la preuve que le Christ est vraiment homme et qu’il a réellement pris notre humanité.
La Vierge Marie a donné naissance à Jésus, comme le fait toute maman et, pour son cas elle l’a fait, dans des conditions difficiles et peu commodes comme nous le rapporte l’Ecriture : « elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune. ». Jésus est né dans le temps et l’espace c’est-à-dire, sous l’empereur Auguste, à Bethléem ; il nait en Judée, une province d’Israël et est issu de la descendance de David. Jésus est vraiment homme, fils de Joseph et de Marie.
Mais l’homme Jésus appartient à la famille de Dieu et sa naissance est manifestation de Dieu. Le message de l’Ange est assez explicite à ce sujet : « Je vous annonce une Bonne Nouvelle, qui sera une grande joie pour tous : aujourd’hui, dans la ville de David vous est né un sauveur qui est le Christ, le Seigneur. » (Lc 2,12). De nombreux passages de l’Evangile de Saint Jean évoquent en effet la relation de Jésus avec son Père céleste : « Le père et moi, nous sommes un (Jn 10,30) ; « Mon Père, jusqu’à maintenant, est toujours à l’œuvre, et moi aussi je suis à l’œuvre » (Jn 5,17). Il s’agit ici de relation intime et unique que le Christ entretient avec Dieu son père. Jésus est donc « Fils de Dieu » à un titre absolument unique. « Il est Dieu, né de Dieu », professons-nous dans le credo. Pour bien souligner la divinité du Christ et la réalité de l’Incarnation du Verbe de Dieu ainsi que son entrée dans l’histoire des hommes, Saint Jean écrira dans son prologue : « Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous. »
Avec son identité de Fils de Dieu, Jésus a accepté s’insérer dans notre histoire humaine dans toutes ses dimensions et ce, en vue de l’assumer et de nous sauver. « Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu », s’exclame Saint Athanase. C’est toute la vérité du Mystère de l’Incarnation : Dieu s’est fait homme en Jésus-Christ pour nous rendre participant de sa divinité et pour faire de nous ses fils adoptifs dans le Christ.
Bien chers frères et sœurs, chaque année, la célébration de Noël nous introduit au cœur du mystère du Fils de Dieu fait homme, au cœur du mystère de Jésus. Sa venue donne sens à notre histoire personnelle et collective et atteste de la dignité de l’homme qu’il vient sauver. Le récit de Luc (Lc 2,1-14) qui nous relate sa naissance, baigne dans la lumière de Pâques. À Noël, celui dont on célèbre la naissance humble et cachée est bien le Christ mort et ressuscité. Le Fils de Marie s’est fait le Pauvre et le Serviteur. Il a donné sa vie jusqu’au bout, jusqu’à la mort sur une croix. C’est pourquoi Dieu l’a ressuscité et exalté auprès de Lui. Il est le sauveur des hommes, le Messie attendu, le Seul Sauveur. Sa venue en notre monde ouvre une nouvelle ère dans laquelle tout homme est appelé à devenir enfant de Dieu par l’accueil de sa Parole et par une nouvelle naissance en lui qui est le « reflet resplendissant de la gloire du Père. »
II- Accueil du mystère de l’Incarnation : conversion et intimité profonde avec Dieu
La grâce à demander en cette nuit sainte, est bien celle d’accueillir et de faire de la place à Jésus dans nos cœurs et dans nos vies, celle de nous laisser façonner par le Verbe fait chair, afin que notre témoignage de vie chrétienne reflète davantage la vie de Jésus. Cela implique une connaissance intime et plus accrue de la personne de Jésus, connaissance qui ne peut que susciter un amour de plus en plus vrai et une intimité profonde avec Dieu.
La célébration de la Nativité est une belle opportunité pour chaque chrétien de redécouvrir la foi comme rencontre personnelle avec Jésus de Nazareth, une expérience concrète qui transforme l’existence (comme ce fut le cas de Zachée, de la pécheresse et de la samaritaine avec Jésus), et qui pousse aussi à un témoignage chrétien authentique.
Au sujet de la connaissance du Christ, des interpellations fortes peuvent nous être lancées : est-ce que je connais réellement la personne du Christ ? Qui est-il pour moi ? Est-ce que je laisse la parole de Dieu et les exigences de ma foi imprégner tous les aspects de ma vie ? Frères et sœurs, acceptons de nous remettre en cause et laissons la lumière du Verbe Eternel éclairer les zones d’ombre de chacune de nos vies et les transformer pour que nous soyons des témoins vivants de Jésus-Christ au cœur du monde.
Bien –aimés de Dieu, retenons aussi que l’identité du Christ nous révèle sa mission, celle dans laquelle, il veut nous embarquer tous : « il vient pour gouverner le monde avec justice » (Ps 95) et nous réconcilier avec Dieu et avec nos frères.
A Bethléem, il n’y avait pas de place pour Joseph et Marie pour la naissance de l’Homme-Dieu. Dans notre monde, il n’y a plus de place pour tous comme au temps de la naissance de Jésus. Il n’y a plus de place pour les pauvres, les petits, handicapés, les laissés-pour-compte…Dans notre monde de plus en plus sécularisé, il n’y a plus de place aussi pour Dieu ; il s’agit du règne de l’homme sans Dieu, un monde où l’homme, voudrait bâtir la paix, construire son monde et son bonheur sans Dieu. Dans ce contexte, il n’y a rien d’étonnant que notre société et notre monde s’enlisent de jour en jour dans la violence (attentats, crimes odieux), dans l’exploitation des pauvres, l’abus de pouvoir et des maux de tout genre… Rien d’étonnant que la presse nous relate des scènes de braquage, des viols et de meurtres et d’autres animalités commises par des hommes, ici comme ailleurs. Sachons-le, tout ce que l’homme entreprend sans Dieu en effet, se solde toujours par l’échec ou connaît forcément des dérives au détriment de la dignité humaine.
Chers frères et sœurs, il nous faut nous engager dans une conversion sincère du cœur en ouvrant notre cœur à Dieu et à nos frères. Dieu en acceptant s’insérer dans notre histoire humaine, n’est jamais indifférent à l’homme et à sa misère. Sachons donc alors placer Dieu au cœur de nos existences pour qu’il nous ouvre lui-même à l’amour du prochain, à l’amour des faibles et des petits.
Intégrons la dimension de la foi, des valeurs évangéliques dans l’édification de la société humaine en vue de bannir ainsi tout abus et toute dérive susceptible de porter atteinte à la dignité de la personne humaine et du Bien Commun. Concrètement, il s’agit d’exercer le pouvoir civil, religieux et politique dans un esprit de service à la manière du Christ, « venu pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude. » Il s’agit aussi d’abattre entre nous toute barrière et toute exclusion, parce que le Christ qui est notre paix, est venu sauver et rassembler les enfants de Dieu dispersés. Le message de Noël est là qui nous interpelle à accueillir Dieu dans nos vies et à nous accueillir les uns les autres, en son Fils Jésus-Christ.
III- Vivre Noël dans notre contexte socio-politique
Frères et sœurs, la fête de Noël, vient nous rappeler que nous sommes tous de la même famille : fils d’un même Père, frères et sœurs en Jésus-Christ. Dans cette famille, nous sommes tous responsables les uns des autres et nous sommes tous responsables du Bien commun. Notre mission en tant que chrétiens et hommes de bonne volonté est de promouvoir à la suite du Christ, un monde plus digne de Dieu et des hommes, un monde solidaire et fraternel.
Pour le Burkina Faso, notre chère patrie, après avoir traversé une période de crise délicate, il nous faut être reconnaissant au Seigneur, Maître de l’histoire des Peuples. La main du Seigneur a protégé notre Peuple. En attendant le pèlerinage de Yagma (1er février 2015), par l’Eucharistie de Noël, disons merci au Seigneur et confions-lui tous les défunts, les blessés et tous les cœurs meurtris, suite à l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre passé. En outre, l’heure est désormais à la réconciliation, à la promotion de la justice et de la paix véritable pour une transition réussie et pour un avenir plus radieux.
En ces instants délicats de l’histoire de notre peuple, œuvrons ensemble pour poser les jalons d’une nation démocratique, libre et prospère. Pour y parvenir, le Christ nous indique la voie royale de la réconciliation et de l’unité nationale. Oui frères et sœurs, il nous faut saisir l’opportunité de cette fête de Noël pour panser les cœurs blessés, faire la vérité en nous et autour de nous et ouvrir la voie vers la réconciliation, le pardon et la paix.
Il nous faut également bannir à jamais de notre nation toute tentation de régionalisme, éradiquer le spectre de l’ethnicité, le danger de l’intolérance religieuse, l’appât des gains frauduleux et faciles, la course effrénée au pouvoir qui constituent autant d’entraves à la consolidation de la paix véritable et du développement durable.
Nous ne pouvons donc pas fêter Noël dans l’exclusion. Nous ne pouvons pas fêter Noël non plus dans le refus de reconnaître nos torts et de nous pardonner. Noël est la fête de l’amour, et son message fort nous exhorte également à l’amour, au partage avec les plus démunis, au respect de la dignité humaine de tous et à l’accueil mutuel. Daigne ce message trouver un écho favorable dans nos cœurs en cette nuit sainte et daigne-t-il aussi s’amplifier pour produire dans le monde, des fruits d’amour et de justice, de paix durable et de fraternité réelle.
« Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur terre aux hommes qu’il aime. » Jésus de Nazareth, Prince de la paix, tu aimes notre monde, tu aimes le Burkina Faso. Donne aux burkinabè de t’aimer et de vivre réellement de Toi. Donne à notre humanité d’aimer la paix et de la rechercher toujours auprès de toi. Remplis-nous de ta force et fais de nous tous des artisans de paix pour édifier avec toi, un monde réconcilié dans la justice et la paix véritable. Amen !
+Philippe Cardinal OUEDRAOGO
Archevêque Métropolitain de Ouagadougou