Rencontre gouvernement/syndicats : « Les syndicats ne sont pas satisfaits des propositions du gouvernement »
La rencontre annuelle gouvernement/syndicats des travailleurs au titre de
l’année 2012 s’est achevée le 21 mars 2013 à Ouagadougou. Trente deux points
étaient au menu des négociations et 19 ont reçu l’accord des deux parties. Dans
cette interview, Norbert Ouangré, secrétaire confédéral chargé de la Presse à la
CGT-B (Confédération générale des travailleurs du Burkina) revient sur les
différents points en négociation et les acquis. Il dit malgré tout que les
syndicats restent insatisfaits des propositions faites par le gouvernement.
Le gouvernement et les syndicats se sont rencontrés au tour d’un
cahier de doléances soumis par les syndicats. Quel en était le
contenu ?
Le contenu du cahier de doléances est assez large parce qu’il embrasse un
certain nombre de rubriques. Premièrement, vous avez le problème du pouvoir
d’achat. Dans ce point, nous posons les réclamations des augmentations des
salaires, des indemnités, etc. Il y a la question des libertés démocratiques et
syndicales, d’éducation et de santé. Nous avons également pris en compte
d’autres couches tels que les étudiants, les agriculteurs et bien d’autres. Ce
sont là les 4 grands axes au tour desquels se concentrent les revendications
contenues dans le cahier de doléances.
Quels points n’étaient vraiment pas négociables selon les
syndicats ?
Disons plutôt les questions qui nous tiennent à cœur. Parmi celles-ci,
figurent en première place la question des libertés démocratiques et syndicales.
Parce que toutes les autres questions ne peuvent avoir de solutions que si dans
les entreprises ou les services de l’Etat, les travailleurs ont la possibilité
de s’organiser. Ce qui démontre que les libertés démocratiques et syndicales
constituent une grosse préoccupation pour les syndicats. Nous avons insisté
là-dessus au cours de cette rencontre avec le gouvernement.
Dans la réaction aux réponses du gouvernement, notre porte-parole a insisté
sur les cas d’atteinte à la liberté syndicale. Parce que nous souhaitons obtenir
des avancés sur ces questions. Malheureusement, le gouvernement n’a pas fait de
grandes concessions parce qu’on est resté dans le vague.
De quels cas avez-vous discuté avec le gouvernement ?
Nous avons parlé des licenciements dans les sociétés minières. Presque toutes
ont licencié des délégués de personne ou des délégués syndicaux. Le comble est
que dans certains cas, l’inspection du travail a refusé les licenciements.
Puisque le Code stipule que l’employeur doit requérir l’avis de l’inspecteur du
travail parce que les travailleurs sont protégés. C’était malheureusement le cas
à Taparko. Nous avons interpellé le gouvernement sur ces cas depuis l’année
dernière. On a même eu une rencontre avec l’ancien ministre du travail et de la
sécurité sociale. Il avait même pris des engagements mais on constate que
jusqu’aujourd’hui ce problème reste à l’état.
Nous avons aussi évoqué un cas récent. Ce qui nous étonne dans ce cas est que
c’est l’Etat lui-même qui s’engage dans la violation de la liberté syndicale. Il
s’agit du cas du militant du Syntsha de Séguénéga qui a été licencié en Conseil
des ministres avec poursuite judiciaire pour avoir, en réalité, observé un mot
de grève. Le Conseil des ministres ne fait pas état de cet aspect. Nous trouvons
que ce n’est pas juste parce que le militant répondait à un mot d’ordre de grève
et il ne faut pas le présenter simplement comme étant quelqu’un qui a refusé
d’assister une patiente au niveau du CMA (Centre médical avec antenne
chirurgicale) de Séguénéga. Nous avons posé de nombreux cas similaires au
gouvernement mais il n’y a pas de véritables propositions pour résoudre ces cas
d’atteinte à la liberté syndicale.
Quels sont les points qui ont obtenu le consensus entre les syndicats
et le gouvernement ?
Il ne s’agit pas de points sur lesquels on tombe d’accord. Car cette
rencontre est différente de celle qu’on aurait eue après une action de lutte.
Mais nous avons soumis ici au gouvernement, un cahier de doléances. Nous prenons
par la suite acte des engagements du gouvernement par rapport à certains points
et rendons compte. Nous faisons, pour cela, un bilan à mi parcours et ferons un
bilan définitif.
Je peux d’ores et déjà vous dire que le mouvement syndical est insatisfait
des engagements pris par le gouvernement parce que certaines questions
importantes, à notre avis, n’ont pas trouvé de réponses satisfaisantes.
Lesquelles ?
Je parle notamment des questions qui ont trait au pouvoir d’achat.
Concernant, par la grille indemnitaire des agents de la Fonction publique. Nous
nous étions accordés sur la question depuis 2011. Le gouvernement avait promis
que la relecture de la grille allait contribuer à améliorer le pouvoir d’achat.
Et c’était une solution pour pallier au refus d’augmenter les salaires. Le
gouvernement avait donc promis que quelque chose allait nous être proposée au
cours du premier trimestre de 2012. Mais on constate aujourd’hui que rien n’a
encore été fait. Et le gouvernement nous dit d’attendre parce qu’il veut
reconsidérer toute la grille et regrouper les 27 indemnités en 4 catégories. Ce
sera donc à l’issue de l’étude qui sera réalisée sur la question qu’il verra
notre requête. Vous comprendrez donc que nous soyons déçus sur cette question
parce que, non seulement la revendication n’est pas satisfaite mais c’est aussi
un recul par rapport à l’engagement qui avait été pris lors des
négociations.
Quels engagements trouvez-vous bon à prendre ?
Il y a celui sur l’uniformisation du taux d’annuité pour les retraités. Cet
engagement avait même été pris l’année dont l’excusant étant en souffrance et
sera débloqué normalement d’ici au 30 juin 2013. Mais dans l’ensemble, nous ne
sommes pas satisfaits.
Comment avez-vous trouvé le déroulement de la rencontre
gouvernement/syndicat ?
La rencontre s’est assez bien passée. Il faut noter que la rencontre a été
institutionnalisée depuis 2007. Il s’agit pour les syndicats d’aller à la
rencontre du gouvernement au tour du cahier de doléances de l’année. Le
gouvernement, après examen de nos doléances, formule des réponses sur l’ensemble
des revendications. Au niveau des organisations syndicales, nous réagissons sur
ces réponses. Si nous estimons que le gouvernement doit réajuster ses réponses,
il les reprend. Mais si lui aussi estime nécessaire de maintenir ses premières
réponses, nous en restons là. Et à la fin, nous rédigeons un communiqué final
dans lequel, le gouvernement prend des engagements par rapport aux points sur
lesquels, il pense pouvoir donner satisfaction. Voilà un peu le sens de la
rencontre.
Les syndicats ne sont pas satisfaits des propositions du
gouvernement. Quelle pourrait-être la suite ?
Il y aura encore probablement des grèves car ce sont les seuls moyens dont
nous disposons pour nous faire entendre. Lorsque nous déposons nos doléances sur
la table et nous n’avons pas eu de suite favorable, il faut peut-être faire la
démonstration de forces sur le terrain pour amener le gouvernement à faire des
concessions. C’est ce que nous déplorons d’ailleurs. Certains parlent de
mouvements violents lors des manifestations. Mais jusqu’à présent, le mouvement
syndical, malgré les grandes mobilisations que nous avons toujours enregistrées,
n’a pas encore fait des casses. Malheureusement nous n’engrangeons pas de
grandes choses. L’impression que donne le gouvernement est que si les
manifestants veulent se faire entendre, il leur faut casser. C’est même inscrit
dans l’esprit de beaucoup de personnes que tant que la manifestation est
pacifique, elle n’aboutit à rien. Et nous comptons nous faire entendre.
Interview réalisée par Jacques Théodore Balima
Lefaso.net
Encadré
Les 19 points d’accord
1- La prise de dispositions nécessaires pour que les avancements de 2012
soient constatés courant 2013 ;
2- La suppression de l’IUTS sur les primes et
les indemnités de départ à la retraite pour compter du 1er janvier 2007 ;
3-
La poursuite et le renforcement du contrôle des prix et de la qualité des
produits de grande consommation soumis à la réglementation ; 4- La
reconstitution de la carrière des monitrices des garderies populaires avant la
fin de l’année 2013 ;
5- La poursuite et le renforcement des contrôles
périodiques des établissements d’enseignement et des cliniques privés ainsi que
le respect des cahiers de charges ;
6- La poursuite et le renforcement de la
politique visant la prise en charge gratuite des urgences médicales,
chirurgicales et obstétricales ; 7- Le règlement définitif des dossiers sociaux
résiduels objet de recommandations pertinentes du Comité paritaire gouvernement/
syndicats institué par le gouvernement. Dans ce cadre, le règlement des droits
sociaux dus aux ex-travailleurs de l’ex-ONDF et des travailleurs de l’ex-Faso
Fani bénéficiaires de décisions judiciaires individuelles sera effectué avant le
30 avril 2013 ;
8- L’adoption, avant la fin de l’année 2013, des différents
textes nécessaires à la mise en œuvre des élections professionnelles ;
9- La
relecture de l’arrêté portant création du comité paritaire de suivi des
rencontres gouvernement/ syndicats avant le 30 juin 2013 ;
10- La prise d’un
texte réglementaire sur les modalités de retenue de salaires pour fait de grève
au plus tard le 30 avril 2013 ;
11- Le renforcement des contrôles des
parquets dans les Maisons d’arrêt, les commissariats de police et autres lieux
de garde-à-vue afin de prévenir et réprimer la torture ainsi que l’élaboration,
au cours de l’année 2013, d’un avant projet de loi portant définition et
répression de la torture au Burkina Faso ;
12- Le renforcement de
l’indépendance affective de la justice notamment dans le cadre de la relecture
de la loi organique du 13 décembre 2001 portant statut du corps de la
magistrature et de la loi du 13 décembre 2001 sur le Conseil supérieur de la
magistrature et de leurs textes d’application au plus tard au cours du premier
semestre de 2014 ;
13- La traduction effective devant les tribunaux des
auteurs de crimes économiques et de sang ;
14- La mise à disposition de la
justice des moyens nécessaires pour faire la lumière sur les crimes commis à
l’occasion des manifestations de février 2011 à Koudougou et des tueries de
Guenon ;
15- La prise de mesures concrètes et efficaces contre la corruption
et la fraude ;
16- Le respect des textes réglementaires en vigueur en matière
de procédure d’entente directe dans l’attribution des marchés publics et la
réforme de la procédure de résiliation dans le cadre de la relecture des textes
relatifs aux marchés publics ;
17- La poursuite du recouvrement des créances
de l’Etat en souffrance dues notamment par des responsables ;
18- La
poursuite judiciaire contre les contribuables coupables d’infractions fiscales
graves ;
19- La prise des textes et mesures d’application de la loi
n°033-2009/AN du 16 juin 2009 portant régime foncier rural pour éviter les
expropriations abusives des paysans de leurs terres.
Source : Communiqué final
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