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Tentative de meurtre du Préfet de Yondé : L’Union Nationale des Administrateurs civils du Burkina Faso exige plus de sécurité pour les agents de l’Etat

L’Union Nationale des Administrateurs civils du Burkina Faso (UNABF) a été informée de l’agression et de la tentative de meurtre dans l’exercice de ses fonctions, du Préfet du Département de Yondé dans la Province du Koulpelogo, Région du Centre-Est, par un groupe d’individus de ladite localité.

Les faits qui remontent en fin février 2015, sont simplement effroyables. En effet, alors qu’il était en réunion, le préfet a été informé par téléphone, de l’enlèvement d’un homme au marché du village.
Constatant l’indisponibilité des forces de l’ordre à se rendre sur les lieux, il rendit alors compte à sa hiérarchie qui l’instruisit à se rendre sur les lieux pour constater de lui-même les faits. Il s’y rendit, accompagné d’un agent des eaux et forêts alors présent à ladite réunion. A son arrivée, les agresseurs détachèrent l’individu dont ils avaient pris le soin d’étriller copieusement eu égard aux traces de violences physiques sur son corps et attachés les quatre membres comme un animal prêt à être mis à mort.

Dans sa tentative de s’informer de la situation, le Préfet fût pris à parti par un individu qui fonça sur lui avec un sabre. L’autorité l’évita, fut prise en poursuite et rattrapée par les délinquants qui l’agressèrent sauvagement.
Lorsqu’il réussit à s’échapper et à se réfugier dans une cabane plus loin, les agresseurs encerclèrent la cabane avec l’intention de l’incendier. L’intervention in extrémis de deux personnes sauva l’autorité administrative de la mort.
Depuis lors, les agresseurs mènent une vie tranquille dans la localité sans jamais avoir été inquiétés par la Justice malgré la gravité des faits d’agression et tentatives de meurtres sur le préfet, l’agent des eaux et forêts et sur le premier supplicié.
Aussi, l’UNABF par la présente déclaration condamne vigoureusement cette agression barbare et interpelle l’Etat à prendre ses responsabilités pour éviter que le chaos ne s’installe irrémédiablement dans le pays. Cet acte est le dernier en date d’une longue liste d’agressions de représentants de l’Etat dont certaines se sont soldées par la mort ou l’infirmité. A l’occasion de ces furies, les personnels de ces autorités n’en sont pas épargnés. L’on se rappelle qu’en 2011 les agents du Gouvernorat de Koudougou qui ont vu leurs engins incendiés, n’ont jamais été dédommagés, jusqu’à ce jour.

Ces différentes agressions posent indiscutablement la question de la protection des représentants de l’Etat, pourtant dépositaires de l’autorité de l’Etat dans leur ressort territorial respectif, constituant de ce fait les premières cibles en cas de crise. Hormis le Gouverneur, les Hauts-commissaires et les préfets ne bénéficient pas de protection. Ils ne bénéficient pas non plus d’une dotation en arme comme c’est le cas dans bien d’autres pays.

Mais au delà, se pose même la question des capacités organisationnelles et opérationnelles de l’administration territoriale au Burkina Faso. En effet, démantelée sous les périodes d’exception, l’administration territoriale n’a guère fait l’objet de restauration même après le retour au constitutionnalisme en 1991 si bien qu’elle souffre d’une méconnaissance de son rôle par les acteurs notamment les services centraux de l’Etat. Or, il est reconnu que la première caractéristique des Etats en faillite, c’est la faiblesse de leur administration territoriale. Certains pays tels que le Ghana et le Sénégal l’ont compris et ont pris des mesures anticipatrices avec le soutien de la Banque Mondiale pour bâtir une administration territoriale forte. Les différentes crises enregistrées depuis 2008 au Burkina Faso, pourront trouver fort à propos, une réponse institutionnelle à travers notamment la construction d’une administration territoriale forte et républicaine.

En rappel, le rôle du préfet est de plusieurs ordres :
-  il est représentant de l’Etat dans sa circonscription administrative. A ce titre, il est le dépositaire de l’autorité de l’Etat dans son ressort territorial. Il y exerce donc la souveraineté de l’Etat. Il représente le Chef de l’Etat dont il met en œuvre les attributions définies à l’article 36 de la constitution (assurer l’unité nationale, assurer la permanence et la continuité de l’Etat). Il prend les mesures nécessaires pour assurer la continuité de l’Etat, y compris à travers la suspension des libertés publiques (couvre-feu). En cas d’état d’urgence, il reçoit à cet effet, un transfert de pouvoirs exceptionnels du Chef de l’Etat. Il incarne la dignité nationale dans son ressort territorial, et est soumis à cet effet à une déontologie contraignante dite préfectorale ;
-  il est chef de circonscription administrative. A ce titre, il est le délégué du gouvernement, représentant direct du premier ministre et de chacun des ministres. Il dirige au nom du premier ministre, les activités des services déconcentrés de l’Etat dans son ressort territorial, afin de leur garantir efficacité et cohérence ;
-  il est autorité de police administrative générale et spéciale. A ce titre, il représente le ministre en charge de l’administration territoriale. Il est le garant de l’ordre public dans son ressort territorial. Il assure a ce titre, la sécurité publique, la salubrité et la tranquillité publiques, le respect des lois et règlements, le bon ordre et la sûreté. Il commande à cet effet, les forces de police administrative de son ressort territorial (gendarmerie, police, eaux et forêts, etc.). D’où l’appellation usuelle de commandant. Aussi-est-il sensé être en service 24h/24, d’où son obligation absolue de résidence. A n’importe quelle heure de la journée comme de la nuit, il est tenu d’intervenir partout sur son ressort territorial pour assurer l’ordre, la sécurité des personnes et des biens ;
-  il est autorité de défense civile. A ce titre, il assure la protection des populations contre les catastrophes, les fléaux ou les risques, tant en temps de paix qu’en temps de guerre. En temps de guerre, il est tenu d’organiser la résistance dans son ressort territorial pour protéger les populations, interdiction lui étant faite d’abandonner ses populations. D’où sa participation de fait, à la guerre ;
-  il a la charge des intérêts nationaux dans son ressort territorial. A ce titre, il doit prendre les initiatives nécessaires pour assurer le bonheur des populations et le développement harmonieux de son ressort territorial (aménagement du territoire, solidarité nationale, lutte contre le chômage, approvisionnement, etc.) et assurer un accompagnement et une surveillance des collectivités territoriales.
-  il est officier de police judiciaire. A ce titre, il constate les crimes et délits liés à la sûreté de l’Etat ;
-  il est président du tribunal départemental. A ce titre, il rend des jugements en matière d’état des personnes (naissance, mariage, décès…) et en matière civile et commerciale dont la valeur ne dépasse pas 100 000 FCFA. A cet effet, il ne relève pas de l’autorité hiérarchique de l’exécutif, mais du pouvoir judiciaire.

Pourtant, il exécute toutes ces missions dans des conditions de travail très précaires. En effet, la rémission ravalée au quotidien n’efface aucunement les peines endurées dans le silence. Le préjugé salarial suscitant dépit et contrevent empêche le citoyen de croire qu’être promu à une haute fonction administrative appelée « préfet » puisse être source de baisse de revenu pour l’agent public de catégorie A. Les honneurs empilés et la sérénité républicaine affichée au quotidien signifiant pour le citoyen engeance rentière cachent mal la misère de la « moto de fonction » qui ne démarre plus, du fantôme de l’habitat construit en banco en 1960 (sensé être le pied-à-terre du Chef de l’Etat dans la localité) et qui menace ruine à chaque vent ou à chaque première pluie, du sinistre de la préfecture délabrée (pourtant sensée être la maison de l’Etat, siège de l’exercice de la souveraineté étatique), du drame de la préfecture chambre-salon (salon tenant lieu de préfecture et chambre tenant lieu de résidence du préfet) reproduisant un univers insoutenable pour le paysan dont le sentiment d’abandon de sa localité le dispute à ses supplices sur le caractère agonisant de son pays qu’il croyait pourtant capable. Quid, des imprécations du préfet qui au soir de sa carrière, regrette d’avoir passé son temps à dépenser son salaire pour faire fonctionner l’Etat démissionnaire, pour protéger des populations en proie à l’obscurantisme des leurs, pour secourir des indigents oubliés par la république, pour organiser les enterrements des fonctionnaires de son ressort territorial, pour agir partout par sacrifice financier au nom du Chef de l’Etat, et finir dans l’ingratitude et l’oubli d’un Etat qui se contentera de déclarer sur sa tombe le jour venu : « c’était un grand commis de l’Etat ». A la moindre crise, tout le monde s’enfuit (y compris le Chef de l’Etat en 2011) laissant au préfet le rôle de sauver les apparences d’une république souveraine. A ce propos, si on avait supprimé les préfets pour faire plaisir à certaines personnes, aujourd’hui, le Burkina Faso serait dans une situation similaire à la Centrafrique. Le Mali qui avait supprimé ses sous-préfets sur instructions des bailleurs de fonds, avait dû les rétablir six mois après, avec un renforcement exceptionnel de leurs moyens d’action. Mais apparemment c’était déjà trop tard.
Mais jusqu’à quand le préfet au Burkina pourra-t-il continuer à supporter le pays sur ses épaules ? Au prix de mille et un efforts, il essaie encore d’empêcher le fantôme d’entrer dans la maison. Mais le dernier « garde-fantôme » de la république risque de ne plus pouvoir tenir longtemps. Car dans les villes et villages, le chaos se prépare, dans l’indifférence généralisée y compris de la classe politique, préoccupée à battre campagne.

En tout état de cause, l’UNABF de ce qui précède :
1) condamne vigoureusement cette agression contre son membre et lui témoigne sa solidarité entière ;
2) témoigne sa solidarité entière à l’agent des eaux et forets et le félicite pour son esprit républicain et son sens élevé de l’Etat ;
3) invite tous ses membres à rester prêts et mobilisés pour les actions à venir ;
4) demande la traduction en justice des auteurs de ces crimes inadmissibles ;
5) demande au Chef de l’Etat d’engager la responsabilité de la République afin de permettre à ses représentants (représentants de l’Etat) d’assumer pleinement les missions qu’ils assurent en son nom ;
6) demande au Premier Ministre de prendre toutes les dispositions nécessaires pour permettre à ses représentants (délégués du Gouvernement) de pouvoir assurer convenablement leur mission pour l’efficacité du service public ;
7) demande au Ministre en charge de l’administration territoriale, de prendre toutes les dispositions pour permettre à ses représentants (autorités de police administrative) de s’assumer pleinement et en toute sécurité en cette période où la souveraineté de l’Etat ne tient qu’à une fine membrane ;
8) demande au Gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité juridique des représentants de l’Etat et de leurs personnels ;
9) demande aux partenaires bilatéraux et multilatéraux du Burkina Faso leur solidarité agissante et anticipatrice avec notre pays qui traverse actuellement un virage dangereux de son histoire.

Fait à Ouagadougou, le 20 mars 2015.
Pour le Bureau Exécutif National
Le Président

Hamidou DIPAMA
Administrateur Civil



15/04/2015
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