Commission de Réconciliation Nationale et des Réformes: Lettre de démission de Siaka Coulibaly
Siaka Coulibaly, juriste et analyste politique bien connu dans le milieu des organisations de la société civile a décidé de démissionner de la Commission de Réconciliation Nationale et des Réformes où il était présent au titre du Premier ministère. Dans la lettre de démission à lire ci dessous, il donne ses raisons, notamment pourquoi la CRNR n’est plus opérationnelle si elle ne peut pas se saisir des affaires de crime de sang et de crime économique.
Monsieur le Président,
J’ai l’honneur de vous informer, par la présente, de ma décision de me retirer de la Commission de Réconciliation Nationale et des Réformes dont vous avez la charge. Je me fais également un devoir de vous fournir les motifs de cette décision. Le Décret N°2015-175/PRES-TRANS promulguant la loi organique N°003-2015/CNT du 23 janvier 2015 se fondant sur la Décision du Conseil Constitutionnel, retire à la Commission de Réconciliation Nationale et des Réformes toute sa raison d’être.
En effet, le retrait du second tiret de l’article 4 rend totalement inopérationnelle toute réconciliation après le soulèvement populaire du 30 octobre 2014. Si la CRNR ne peut « se saisir et documenter toute affaire de crime de sang et de crime économique et auditionner toute personne à cet effet », elle ne pourra, en aucune manière, faire la vérité sur le passif politique du pays, ne pourra pas non plus contribuer à la justice sur les crimes passés, et, au final, ne pourra pas réconcilier les burkinabé.
Par sa décision, le Conseil Constitutionnel s’oppose ici à la volonté populaire de réformer la société burkinabé en corrigeant les actes du passé qui ont causé des torts, au bénéfice de l’impunité et du système des privilèges. Que la position du Conseil Constitutionnel dispose d’un fondement légal ou pas, j’estime qu’il revient aux forces vives, après cette décision du Conseil Constitutionnel, de recréer un mécanisme pour atteindre la vérité, la justice et la réconciliation et non de s’accommoder d’une commission d’apparat qui n’aboutira à aucun résultat, tout en dilapidant les ressources publiques. C’est un dilemme moral qui me pousse à la décision de retrait de la CRNR.
Toujours en restant dans le domaine juridique, la décision du Conseil Constitutionnel empêchant la CRNR de faire la vérité, la justice et la réconciliation, transforme toute dépense au titre des activités de la commission en un détournement de deniers publics puisque la commission ne peut plus atteindre son principal objectif. Sur le plan moral, percevoir des fonds publics au titre d’une commission qui ne fera plus la vérité et la justice, revient à trahir le sang des martyrs, ce qui est au-dessus de mes forces et de mon sens éthique.
Ayant été parmi ceux qui ont appelé au changement dans ce pays, je considère que la CRNR était la dernière opportunité de faire de la transition politique en cours, un processus de changement profond. Si cette commission est vidée de sa substance, il me parait plus que juste de ne pas m’y attarder. En tant qu’acteur engagé pour une gouvernance politique porteuse d’équité, de transparence et de participation, je saurai trouver d’autres moyens pour faire aboutir mes convictions et mes idées.
Tout en vous souhaitant le meilleur dans votre mission à la tête de la CRNR, je vous prie de recevoir l’expression de ma considération la plus distinguée.
Siaka Coulibaly
Juriste, Analyste Politique
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