France : une association religieuse condamnée pour avoir exploité des sœurs burkinabé
L’association catholique Famille Missionnaire Donum Dei (FMDD) a été condamnée ce 16 août à Epinal à 200.000 euros d’amende pour « travail dissimulé ». Elle employait dans ses restaurants « L’Eau vive », depuis des années, des dizaines de jeunes filles étrangères venues du Burkina Faso, du Cameroun, du Vietnam, des Philippines ou encore du Pérou, hors de tout cadre légal.
Une exploitation sous couvert de charité et de foi qui durait depuis des années. Une première plainte avait été déposée contre ces « Travailleuses missionnaires » en 2014. Ces femmes, mais il y a aussi des hommes, servent dans des restaurants de sanctuaires, observant une règle de vie assez éloignée du droit du travail.
À son tour, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) s’est intéressée à cette main-d’œuvre étrangère recrutée très jeune au Burkina Faso, au Cameroun, au Vietnam, aux Philippines ou encore au Pérou.
Le 16 août 2022, le tribunal correctionnel d’Épinal a ordonné la confiscation « avec exécution provisoire » des plus de 940.000 euros déjà saisis durant la procédure par la justice sur les comptes de l’association catholique Famille Missionnaire Donum Dei (FMDD). Le tribunal l’a reconnue coupable d' »emploi d’étranger non muni d’une autorisation de travail ».
La somme confisquée correspond aux arriérés estimés de rémunérations et de cotisations sociales non acquittés par la FMDD, association reconnue par le Saint-Siège. Lors de l’audience, le 5 juillet, le ministère public avait requis une amende de 120.000 euros ainsi que la confiscation de la somme déjà saisie.
Selon les termes de la prévention, il était reproché à l’association de s’être, entre janvier 2013 et décembre 2016, « soustraite intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales (…) d’une moyenne de cinquante Travailleuses missionnaires de l’immaculée, réparties sur les sites de Marseille, La Grâce-Dieu, Domrémy-la-Pucelle, Lisieux, Menton, Ars-sur-Formans, Lourdes, Toulon et Besançon pour exercer notamment une activité de restauration et d’accueil ».
Les restaurants étaient gérés par les membres de la FMDD, les Travailleuses missionnaires de l’Immaculée (TMI), des « vierges chrétiennes » affectées à cette tâche dans les sanctuaires.
Elles étaient depuis des années dans le collimateur de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes). L’association Aide aux victimes des dérives de mouvements religieux et à leurs familles (Avref) leur avait aussi consacré un « livre noir » en 2014.
Leurs employées sont recrutées jeunes au Burkina Faso, au Cameroun, au Vietnam, aux Philippines ou encore au Pérou et œuvrent le plus souvent dans des restaurants de la chaîne L’Eau vive.
Une enquête préliminaire avait été ouverte en octobre 2015 par le parquet d’Épinal après un signalement de l’inspection du travail visant l’établissement de Domrémy-la-Pucelle (Vosges). La FMDD avait été mise en examen en novembre 2017.
Quelques témoignages d’anciens « missionnaires » recueillis par la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) en 2015
La litanie des accusations est longue. Aucun salaire ni cotisation sociale versés. Pourboires confisqués. Papiers d’identité mis sous clé. Les femmes sont pesées chaque mois. Les courriers sont ouverts avant remise aux intéressées, ceux à envoyer, écrits sous la dictée. Des promesses de formation en France non tenues au motif que « Jésus n’a pas eu de diplôme et n’a pas suivi d’études »…
Cette phrase, une ancienne soeur, ballottée quinze ans durant d’une « maison » à l’autre, l’a entendue. « On m’a aussi répondu, alors que je voulais le passer: Sainte Thérèse n’a pas eu le bac », confie à l’AFP cette Burkinabè qui dit avoir été « complètement infantilisée ».
« La prière et la messe étaient secondaires, on les sautait s’il le fallait. L’essentiel, c’était de faire la cuisine et de servir le client du matin au soir. C’était travaille d’abord, la prière, c’est le travail. » À Toulon, « deux-trois filles étaient déclarées pour faire bonne figure. Quand un inspecteur du travail venait, on nous cachait », témoigne une autre missionnaire.
Danièl, Travailleur Missionnaire pendant cinq ans, qui espérait devenir prêtre, décrit une expérience de « soumission totale »: « J’en suis ressorti psychologiquement détruit ».
Ce Camerounais a porté plainte en juin pour esclavagisme moderne, expression avancée également par la Miviludes.
Lors du procès, la défense avait plaidé la relaxe, insistant sur le statut de « collectivité religieuse » et de « congrégation », reconnu par le Vatican, de la FMDD. Autant d’éléments, selon Maîtres Jean-Pierre Boivin et Marie-Hélène Chardin, qui excluent toute relation de salariat avec ses membres.
Avocate de deux anciennes TMI, Maître Julie Gonidec avait pointé « un système rôdé d’exploitation transnationale », notamment en lien avec le Burkina Faso, destiné à « faire travailler dans des conditions contraires à la dignité humaine » des jeunes femmes, souvent issues de milieux modeste.
TV5
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