L'Italie se prépare à des élections anticipées après deux coups de théâtre successifs : l'exubérant Silvio Berlusconi est prêt à revenir gouverner le pays, et son successeur, l'austère Mario Monti, a annoncé sa démission imminente.
Après l'avoir soutenu pendant un an, en pleine crise des marchés, le magnat de la télévision, amateur de jolies femmes, réputé pour ses rodomontades, ses plaisanteries et son égo, a lâché le rigoureux professeur d'économie, catholique pratiquant, à l'humour pince-sans-rire.
Tous deux incarnent deux images opposées de l'Italie à l'étranger.
Sur la scène européenne, Mario Monti est vu comme l'artisan de l'assainissement durable de l'économie italienne, la troisième de la zone euro.
"Les Italiens ne doivent pas céder à l'illusion qu'il existe des solutions miracle (....) Il n'y a pas d'alternative à la correction des finances publiques et à l'amélioration de réformes qui améliorent la compétitivité", a averti José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, au quotidien économique Il Sole 24 Ore.
Samedi, M. Monti a annoncé sa décision "irrévocable" de jeter l'éponge après le vote du budget prévu d'ici à la fin de l'année. Il a tenu à faire cette annonce alors que les marchés étaient fermés, pour éviter des réactions intempestives.
Selon le Corriere della Sera, le chef du gouvernement a été particulièrement "indigné" par les déclarations du secrétaire général du Parti de Berlusconi (Peuple de la liberté, PDL), Angelino Alfano, vendredi, lorsque ce parti a décidé de ne pas voter un texte s'attaquant aux coûts de la politique.
Mario Monti lors d'une conférence de presse au Quirinal, à Rome, le 6 décembre 2012 © AFP/Archives Andreas Solaro |
M. Alfano s'est défendu sur la chaîne de télévision TG2, en assurant que le PDL était "une force responsable" qui voterait le budget et un décret-loi permettant la poursuite de l'activité de l'aciérie ILVA en difficulté près de Tarente (sud).
Si la démission de l'ancien commissaire européen intervient d'ici fin décembre, les Italiens pourraient voter en février ou début mars. Un délai de 45 à 70 jours est prévu entre la dissolution des chambres et un nouveau scrutin.
M. Berlusconi, 76 ans, qui se présente pour la sixième fois, devrait axer sa campagne sur les impôts qui grèvent les classes moyennes, l'absence de croissance, et critiquer une Europe qu'il décrit volontiers comme soumise aux volontés de l'Allemagne.
Le pari de Berlusconi est tout sauf gagné : le PDL est au bord de la scission entre modérés et aile droite. Un récent sondage le créditait de moins de 14% au prochain scrutin national.
Dimanche soir, chez Silvio Berlusconi à Milan, des dirigeants du Peuple de la Liberté se sont retrouvés pour une réunion initialement prévue pour discuter des élections anticipées dans la région clé de Lombardie en 2013, scrutin qui pourrait avoir lieu conjointement avec les législatives.
Son ex-allié devenu un de ses plus féroces adversaires, le président de la Chambre Gianfranco Fini, a commenté sur la RAI: "Le PDL n'est pas le Milan AC, la politique n'est pas le fait privé de Berlusconi: il sait parfaitement qu'il a déjà perdu, et c'est l'élément qui, malgré tout, tranquillise les marchés".
Dans la rue à Rome, les Italiens interrogés sur le retour du Cavaliere, se montraient plus sceptiques qu'enthousiastes. Mais, depuis un an, constatait une femme, "il n'y a eu que des nouvelles taxes créées, les salaires sont restés ceux d'il y a dix ans, on n'arrive même plus à boucler les fins de mois".
La presse italienne fustigeait le "coup" de Berlusconi, qui se représente alors qu'il a plusieurs procès sur le dos.
Le quotidien La Stampa évoquait "les craintes de ceux qui nous regardent de l'extérieur". "Si nous pouvons appréhender le printemps prochain avec inquiétude et non avec angoisse, nous le devons à la fermeté de Monti".
Car la démarche de l'ancien commissaire européen est saluée comme cohérente et rigoureuse.
Pierluigi Bersani, chef du parti de centre gauche, le Parti démocrate (PD), et son candidat --bien placé-- aux élections, a relevé son "acte de dignité" face à "l'irresponsabilité" de la droite "qui a trahi l'engagement pris il y a un an".
Selon le Corriere, la décision donne à M. Monti les mains libres et il pourrait s'engager en politique, comme le souhaitent les centristes et une partie de la droite qui veulent rompre avec le "berlusconisme" qui a dominé l'Italie pendant 18 ans.
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